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Le blog d'André Boyer

LA FABRIQUE DE LA HAINE

17 Janvier 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

TIR AUX PIGEONS JAUNES

TIR AUX PIGEONS JAUNES

Je reproduis et je commente ensuite la lettre individuelle qu’adresse Maurice Grimaud, préfet de police à tous les policiers le 29 mai 1968, après des semaines de manifestations souvent violentes à Paris et en Province :

 

« Je m’adresse aujourd’hui à toute la Maison : aux gardiens comme aux gradés, aux officiers comme aux patrons, et je veux leur parler d’un sujet que nous n’avons pas le droit de passer sous silence : c’est celui des excès dans l’emploi de la force.

Si nous ne nous expliquons pas très clairement et très franchement sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille sur ce point, nous gagnerons peut-être la bataille dans la rue, mais nous perdrons quelque chose de beaucoup plus précieux et à quoi vous tenez comme moi : c’est notre réputation.

Je sais, pour en avoir parlé avec beaucoup d’entre vous, que, dans votre immense majorité, vous condamnez certaines méthodes. Je sais aussi, et vous le savez avec moi, que des faits se sont produits que personne ne peut accepter.

Bien entendu, il est déplorable que, trop souvent, la presse fasse le procès de la police en citant ces faits séparés de leur contexte et ne dise pas, dans le même temps, tout ce que la même police a subi d’outrages et de coups en gardant son calme et en faisant simplement son devoir.

Je suis allé toutes les fois que je l’ai pu au chevet de nos blessés, et c’est en témoin que je pourrais dire la sauvagerie de certaines agressions qui vont du pavé lancé de plein fouet sur une troupe immobile, jusqu’au jet de produits chimiques destinés à aveugler ou à brûler gravement.

Tout cela est tristement vrai et chacun de nous en a eu connaissance.

C’est pour cela que je comprends que lorsque des hommes ainsi assaillis pendant de longs moments reçoivent l’ordre de dégager la rue, leur action soit souvent violente. Mais là où nous devons bien être tous d’accord, c’est que, passé le choc inévitable du contact avec des manifestants agressifs qu’il s’agit de repousser, les hommes d’ordre que vous êtes doivent aussitôt reprendre toute leur maîtrise.

Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. Il est encore plus grave de frapper des manifestants après arrestation et lorsqu’ils sont conduits dans des locaux de police pour y être interrogés.

Je sais que ce que je dis là sera mal interprété par certains, mais je sais que j’ai raison et qu’au fond de vous-mêmes vous le reconnaissez.

Si je parle ainsi, c’est parce que je suis solidaire de vous. Je l’ai dit déjà et je le répéterai : tout ce que fait la police parisienne me concerne et je ne me séparerai pas d’elle dans les responsabilités. C’est pour cela qu’il faut que nous soyons également tous solidaires dans l’application des directives que je rappelle aujourd’hui et dont dépend, j’en suis convaincu, l’avenir de la préfecture de police.

Dites-vous bien et répétez-le autour de vous : toutes les fois qu’une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n’a pas de limites.

Dites-vous aussi que lorsque vous donnez la preuve de votre sang-froid et de votre courage, ceux qui sont en face de vous sont obligés de vous admirer même s’ils ne le disent pas.*

Nous nous souviendrons, pour terminer, qu’être policier n’est pas un métier comme les autres ; quand on l’a choisi, on en a accepté les dures exigences mais aussi la grandeur.

Je sais les épreuves que connaissent beaucoup d’entre vous. Je sais votre amertume devant les réflexions désobligeantes ou les brimades qui s’adressent à vous ou à votre famille, mais la seule façon de redresser cet état d’esprit déplorable d’une partie de la population, c’est de vous montrer constamment sous votre vrai visage et de faire une guerre impitoyable à tous ceux, heureusement très peu nombreux, qui par leurs actes inconsidérés accréditeraient précisément cette image déplaisante que l’on cherche à donner de nous.

Je vous redis toute ma confiance et toute mon admiration pour vous avoir vus à l’œuvre pendant vingt-cinq journées exceptionnelles, et je sais que les hommes de cœur que vous êtes me soutiendront totalement dans ce que j’entreprends et qui n’a d’autre but que de défendre la police dans son honneur et devant la nation. »

 

À un demi siècle de distance, la lettre de Maurice Grimaud rappelle aux policiers que commettre des actes violents contre des manifestants est indigne de leur mission et engendre un effet politique purement négatif en augmentant le niveau de colère et de frustration.

Aujourd’hui, il est remarquable que malgré les avantages matériels obtenus, les manifestations des Gilets Jaunes se poursuivent, alimentées par le refus de prendre en compte les changements politiques qu’il demandent et  une volonté manifeste de violence dans la répression. Le pouvoir politique s’est en effet dérobé durant neuf semaines derrière des tirs de flashballs qui ont eu comme effet, du fait des blessures graves qu’ils provoquent, de générer la haine. Désormais ce même pouvoir espère que le battage fait autour des prestations pédagogiques du Président Macron permettront d’occulter ou même de réduire les manifestations des Gilets Jaunes.

Mais cette entreprise d’enfumage ne peut pas occulter la fracture  profonde créée par la violente répression policière entre les Gilets Jaunes et leurs soutiens d’une part et d’autre part les Français qui estiment que les revendications de ces derniers ne justifient pas le désordre qu’elles engendrent, quelles que soient les responsabilités respectives des protagonistes des affrontements.

 

Cette fracture, voulue par le pouvoir politique, peut rendre à terme la France ingouvernable, à moins que les Français ne s’emparent du simulacre de débat qui leur est proposé pour renverser la table et se réconcilier entre eux, à la barbe du pouvoir.

 

 

* Ces paragraphes ont été soulignés par les soins du Préfet Grimaud.

TABLEAU DE CHASSE PARTIEL

TABLEAU DE CHASSE PARTIEL

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M
Pour moi, c'est simple : Macron ou pas Macron, quand les casseurs se mettent en action, tous les manifestants qui ne s'éloignent pas dans le calme sont complices de fait. Alors s'ils reçoivent un coup, ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes. Ce qu'écrit JP me semble marqué du coin du bon sens.
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A
En d'autres termes, deux mille blessés avec des yeux crevés, des mains arrachés, et à ton avis, circulez il n'y a rien à voir, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes!<br /> Autant dire que je suis en désaccord total avec ton commentaire.
J
C'est trop facile André! Dans ma jeunesse j'ai caillassé du flic mais, il arrivait toujours un moment de la manif où, devant la tournure des évènements, les plus sensés rentraient chez eux sécher leurs pleurs et soigner leurs ecchymoses légères. Ceux d'entre nous qui continuions savions que nous risquions d'être blessé, voire gravement, c'était là tout le piment de la chose et, avec mes copains, il ne nous serait jamais venu à l'esprit d'accuser les flics d'agresseurs : c’était nous les "hors-la-loi" et, nous étions assez jeunes c..s pour nous en glorifier auprès des filles. Nous étions dans la violence pour "faire nos preuves" et, pour certains d'entre nous par amour de la castagne.<br /> Es-tu sûr que le trombinoscope que tu affiches n'a pas été retouché en labo ? Que les plaies ont bien été provoquées par les LDB? Et que les personnes qui y figurent n'étaient pas en train de balancer leurs boules de pétanque dans la gueule des flics?<br /> Je regrette que tu n'aies pas affiché aussi le trombinoscope des flics blessés. Excès de bien-pensance ?<br /> Amitié.
Répondre
A
Bonjour Jacques. <br /> Il est entendu que le Président est élu pour cinq ans et qu'il doit maintenir l'ordre: ce n'est pas la question que je soulève. <br /> En revanche, avec le préfet Grimaud, je demande à notre police de ne pas faire un usage excessif de la force, en clair de ne pas blesser des manifestants sans que cela soit nécessaire. Il faut noter que cet usage de la force n'a pas entrainé de morts jusqu'ici, ce qui est déjà excellent. Mais je note aujourd'hui même que le ministre de l'intérieur équipe les policiers de cameras afin d'éviter l'abus des flashballs. <br /> Je crois que c'est une bonne décision, pour le reste laissons les gilets jaunes manifester et la police faire son travail. <br /> Amicalement
J
Bonjour André, ayant vécu au Sénégal dans les années 80, je me suis abonné à votre blog et j’apprécie la plupart de vos articles. Aujourd'hui, je me retrouve dans le commentaire de Jean-Pierre. Quoiqu'on en pense, ce Président a été élu pour 5 ans et il doit maintenir l'ordre. Si les GJ sont mécontents, ils peuvent manifester dans les rues qui sont tolérées. Est ce que ce n'est pas la frustration de se voir finalement peu nombreux qui les rends violents?
A
Jean-Pierre, franchement m'accuser de facilité ou de bien pensance me semble injustifié. <br /> Je comprends bien que quand on manifeste on prend ses risques. Mais il ne s'agit pas dans mon article des manifestants. Il s'agit de l'attitude de la police. La plus grande partie de mon article est d'ailleurs écrit par le Préfet Grimaud, qui rappelle aux policiers qu'ils ne doivent pas faire un usage EXCESSIF de la force. <br /> En d'autres termes, pas de sadisme. Quand tu es policier et que tu vises la tête d'un manifestant avec un flashball (une arme que tu ne connaissais pas quand tu manifestais avec tes copains!), tu sais que tu risques de défigurer ou d'éborgner quelqu'un pour la vie! C'est ça ton métier de policier? te venger? te défouler? C'est cette attitude que tu approuves, en pensant qu'ils (les gilets jaunes) n'avaient qu'à pas manifester?<br /> Eh bien, moi je désapprouve. <br /> Je désapprouve que la hiérarchie politique (Macron, Philippe, Castaner) et la hiérarchie policière encourage ou couvre ce genre d'attitude. Je regrette de financer avec mes impôts ces exactions. Et Grimaud est de mon avis. <br /> Voilà le sens de mon indignation, facile ou pas facile. <br /> Quant à suggérer que les photos que j'affiche sont truqués, eh bien je n'en sais rien. Et je ne possède pas les photos des policiers blessés. Même si je les avais, je me demande quel sens cela donnerait à mon article, car je ne vois pas dans cette affaire un match entre les gilets jaunes et la police. Je vois juste une police qui se livre à des actes de violence injustifiée.<br /> Amitiés, <br /> André
A
Jean-Pierre, franchement m'accuser de facilité ou de bien pensance me semble injustifié. <br /> Je comprends bien que quand on manifeste on prend ses risques. Mais il ne s'agit pas dans mon article des manifestants. Il s'agit de l'attitude de la police. La plus grande partie de mon article est d'ailleurs écrit par le Préfet Grimaud, qui rappelle aux policiers qu'ils ne doivent pas faire un usage EXCESSIF de la force. <br /> En d'autres termes, pas de sadisme. Quand tu es policier et que tu vises la tête d'un manifestant avec un flashball (une arme que tu ne connaissais pas quand tu manifestais avec tes copains!), tu sais que tu risques de défigurer ou d'éborgner quelqu'un pour la vie! C'est ça ton métier de policier? te venger? te défouler? C'est cette attitude que tu approuves, en pensant qu'ils (les gilets jaunes) n'avaient qu'à pas manifester?<br /> Eh bien, moi je désapprouve. <br /> Je désapprouve que la hiérarchie politique (Macron, Philippe, Castaner) et la hiérarchie policière encourage ou couvre ce genre d'attitude. Je regrette de financer avec mes impôts ces exactions. Et Grimaud est de mon avis. <br /> Voilà le sens de mon indignation, facile ou pas facile. <br /> Quant à suggérer que les photos que j'affiche sont truqués, eh bien je n'en sais rien. Et je ne possède pas les photos des policiers blessés. Même si je les avais, je me demande quel sens cela donnerait à mon article, car je ne vois pas dans cette affaire un match entre les gilets jaunes et la police. Je vois juste une police qui se livre à des actes de violence injustifiée.<br /> Amitiés, <br /> André