LE TRIANGLE DU DÉSIR
6 Janvier 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
Né le 25 décembre 1923 à Avignon, René Girard, ancien élève de l'École des Chartes, a mené aux États-Unis une carrière d'enseignant de littérature aux universités Johns Hopkins, Buffalo et Stanford.
Parti de l'analyse d'œuvres littéraires, il s'oriente progressivement vers l’élucidation de la situation du désir, en rompant avec le consensus qu’offre les analyses classiques de ce phénomène.
Dans son premier essai, Mensonge romantique et Vérité romanesque (1961), l’hypothèse avancée par Girard est fondée sur l’analyse du comportement de personnages romanesques, tels que Don Quichotte, Emma Bovary, les héros de Stendhal et de Proust.
Girard s’attache à défaire les illusions de la plupart des individus, persuadés d'être uniques et originaux, en particulier par l'objet de leur « désir » qu’il porte sur une personne, un idéal, un type de vie, un objet ou une valeur. Il montre que l’opinion publique, en l’occurrence les critiques littéraires, met exagérément l'accent sur la singularité des œuvres, des styles et des auteurs et finalement des désirs.
Pour sa part, Girard reconnaît bien ces singularités, mais les relie toutes à une structure du désir qu'il met en lumière : il montre que dans chaque cas, le désir ne dépend pas en premier lieu de la qualité de l’objet désiré mais des rapports entre le héros et l’Autre, celui qui a rendu l’objet désirable. Il s’agit pour Girard d’aider de montrer le fondement mimétique du désir, en d’autres termes de poser que tout désir serait l'imitation du désir d'un autre.
Girard estime que, loin d’être autonome, notre désir est toujours suscité par le désir qu'un autre a d'un objet quelconque. Aussi montre t-il que l’on peut toujours construire un triangle entre le sujet, l’objet et son médiateur. Il montre ensuite que le désir possède une dimension métaphysique, lorsqu’il n’est pas un simple appétit : « tout désir est désir d’être». En cela, contrairement au besoin, le désir humain recèle un caractère infini, au sens où il ne peut jamais être véritablement satisfait.
Or, chacun tient absolument à l’illusion de l’authenticité de ses désirs, ce qui a conduit les romanciers à exposer toute la diversité des mensonges, dissimulations, manœuvres, qui ne sont que les « ruses du désir » pour éviter de voir en face sa vérité : l’envie et la jalousie.
En sus des grands auteurs, René Girard renforce son analyse par une analyse critique des œuvres de Freud, ce dernier n’ayant pas perçu le caractère mimétique du désir et la dynamique de la rivalité mimétique qui en découle. Aussi, pour proposer une théorie du triangle conflictuel qu’il rencontre souvent chez ses patients, Freud a du inventer le complexe d'Oedipe.
Là où la conception mimétique détache le désir de l’objet, Freud s’accroche au désir fondé sur l’objet, en l’occurrence la mère et alors que la violence est une simple conséquence de la rivalité, Freud doit supposer une conscience de la rivalité paternelle et de ses conséquences meurtrières.
Cette invraisemblable conscience chez l’enfant, qui consiste à vouloir posséder sa mère et tuer son père, oblige Freud à introduire l'inconscient et le refoulement.
C’est pourquoi René Girard estime que son concept de désir mimétique permet de mieux expliquer et de rendre plus cohérentes les observations de la psychanalyse, que les hypothèses héroïques de Freud…
À SUIVRE