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Le blog d'André Boyer

BOXEUR OU PROFESSEUR?

15 Juillet 2019 , Rédigé par André Boyer

BOXE FRANÇAISE

BOXE FRANÇAISE

Dans mon dernier billet sur mes activités, intitulé "Double pugilat à l'IUT", j’imaginais que votre réaction serait sans doute de penser que cet incident ne pourrait plus se dérouler de la même manière aujourd’hui.

 

Les rapports entre les professeurs et les étudiants ont en effet changé, d’autant plus que la loi, à l’écoute des opinions répandues par les médias, y a contribué. Aujourd’hui, je serai surement accusé de violence physique, je me serai défendu en invoquant la défense contre un premier coup porté par l’étudiant et cette histoire aurait été portée sur la place publique par les réseaux sociaux.  

Pourquoi ce changement ? J’ai bien en tête quelques théories un peu vagues, comme la montée de l’individualisme ou l’affaiblissement de l’autorité dans un contexte de multiplication des moyens de communication, mais cela n’a pas beaucoup d’importance dans le cadre de mes propos. 

En revanche, dans mon esprit, avec trente-quatre ans de recul, il est certain que je ne vois toujours pas comment j’aurais pu agir autrement. 

Une fois que j’avais décidé de chercher le rapport de force avec mes étudiants afin de leur imposer ma volonté pendant la semaine entre les deux cours , toute marche arrière était impossible. Je ne pouvais pas accepter que les étudiants refusent de composer tout en restant dans l’amphi : imaginez une partie des étudiants les bras croisés pendant que les autres composeraient. Il fallait donc que les contestataires sortent et, s’ils s’y refusaient, que je le leur impose coûte que coûte. 

Coûte que coûte ?  J’avais aussi le choix de reculer, soit en renonçant à ce que l’épreuve compte pour l’examen, soit en n’expulsant personne. Mais j’y aurais perdu toute autorité et le cours se serait déroulé en coproduction avec les étudiants : « Monsieur, c’est trop long, c’est trop dur, c’est pas juste… ». 

Il n’était donc pas question que je recule, puisque je n’avais nulle intention de renoncer au rôle de professeur qui m’était dévolu et que j’avais endossé. 

Quel rôle de professeur ? Je pense toujours qu’il consiste à faire passer un message qui permette aux étudiants de mieux comprendre le monde et de s’y insérer. Comme toute définition, on peut toujours la discuter, mais, quelle qu’elle soit, le professeur a besoin de garder sa liberté d’action pour organiser son message. Il ne saurait l’abdiquer en acceptant de négocier avec les étudiants l’organisation de son activité, le contenu, les méthodes, la durée…

Dans cette affaire de pugilat, je n’avais tout simplement pas l’intention de capituler face à une question qui était l’une des plus graves de ma vie, celle du sens de mon métier. Or, je me trouvais en face d’étudiants qui avaient fort peu appris à travailler durant leurs études secondaires et moi, je devais tout de même faire passer mon message sur le marketing. Je voulais qu’ils m’écoutent, qu’ils posent des questions et qu’ils finissent par participer à la construction du cours. 

Pour cela il me fallait reprendre le contrôle du cours, après l’emprunt des ouvrages. Il n’était pas significatif qu’ils me l’aient rendu, mais il l’était qu’ils les aient « empruntés ». Et une fois que j’étais engagé dans le processus que j’avais choisi pour m’imposer face au groupe, je n’avais plus d’autre choix que d’aller au bout de ma logique, sans limite. 

Si j’avais mis une limite, dans le cadre de la raison bien sûr, j’aurais perdu mon rapport de force, et c’est ainsi que cette affaire a pris une importance considérable pour moi, et pour moi seul, ce qui m’a conduit à assommer un étudiant. 

 

Pour finir par une note humoristique sur ce sujet traité avec peut-être trop de sérieux, il arriva assez souvent durant les années suivantes, alors que j’étais devenu professeur à l’IAE, que des étudiants m’interrogent, la mine gourmande, sur l’authenticité du coup de poing donné, et devant ma réponse positive, de m’exprimer leur respect un peu malicieux ... 

 

A SUIVRE 

 

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G
Cher André, tu me surprendras toujours. J'ignorais l'affaire de la boxe, qui m'a beaucoup amusé. Curieusement, avec l'âge, je vois plutôt des étudiants gentils, doux, pas vraiment revendicatifs. Presque envie d'entendre de leur part: "Non, Monsieur, je ne suis pas d'accord". Quand tu passes sur Aix, fais-moi signe! Gilles P.
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A
Bonjour Gilles. <br /> je découvre ton message avec un mois de retard...<br /> Oui, je suis d'accord avec toi, les étudiants sont gentils, doux, souvent trop. Mais c'était un moment particulier, qui n'est arrivé qu'une seule fois dans ma vie de prof...<br /> Je serais heureux de te revoir, en passant par Aix. <br /> Amitiés, <br /> André
N
Et on en revient à l’eternelle question : ‘to be or not to be?’<br /> Il est certain que lorsqu’on prend une option réfléchie comme la vôtre, il est judicieux et nécessaire de s’y tenir!!<br /> J’applaudis mais il est certain qu’aujourd’hui des ennuis s’en seraient suivis....<br /> Je me suis régalée de cette lecture ! <br /> Amicalement <br /> Nathalie .
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A
oui, c'est tout simple, to be or not to be. Et quand on décide "to be", un peu présomptueusement, il faut assumer. C'est pourquoi j'assume encore aujourd'hui cette action d'autrefois, qui aurait un fort rettentissement si elle avait lieu aujourd'hui! <br /> Amicalement, <br /> André