L'INVASION DE L'IRAN PAR LES ARABES
L’invasion de l’Iran* par les Arabes au VIIe siècle s’explique par la montée en puissance des seconds qui coïncida avec une période de faiblesse sans précédent du premier.
L’empire perse sassanide était épuisé par des décennies de guerre contre l’empire byzantin. Le Roi des Perses Khosrow II avait vaincu les rébellions au sein de son propre empire, avant de consacrer son énergie à la lutte contre l’Empire Byzantin, ce qui lui permit d’étendre les frontières perses jusqu’à Antioche, Damas et Jérusalem, avant que les Byzantins ne contrattaquent, le battent à la bataille de Ninive en 627, reprennent la Syrie et pénètrent dans les provinces perses de Mésopotamie (Irak). Ces défaites expliquent sans doute l’assassinat de Khosrow II l’année suivante, en 628. Les prétendants au trône se succédèrent alors à vitesse accélérée, dix en quatre ans, ce qui provoqua une guerre civile entre les différentes factions. Mais l’un des facteurs principaux de la chute de l’Empire Sassanide réside dans la conquête qu’il fit de la tribu arabe des Lakhmides, en 602, lorsque Khosrow II déposa et tua le premier roi chrétien des Lakhmides, qui contestait la suzeraineté de la Perse sur sa tribu.
La conquête arabe de la Perse commença après la mort de Mahomet en juin 632. Abou Bakr lui succéda en prenant le titre de calife de Médine. Il dut alors livrer les guerres dites d’apostasie, en pratique destinées à contraindre toutes les tribus à lui payer l’impôt, qui durèrent jusqu’en mars 633.
Débutèrent ensuite les guerres de conquêtes. Les premières razzias en Mésopotamie permirent de recueillir un important butin, grâce à la mobilité de la cavalerie légère qui permettait d’attaquer les villes à proximité du désert pour s’y réfugier ensuite. Abou Bakr commença alors à penser en termes de conquêtes. Pour attaquer la Perse, il constitua une armée d’invasion composée de volontaires et dirigée par son meilleur général, Khalid Ibn Al-Walid, qui parvint à prendre la ville frontalière d’Al-Hirah en Mésopotamie. Cet excellent stratège battit ensuite en Mésopotamie toutes les troupes sassanides au cours de l’année 633, jusqu’au moment où il fut rappelé en Syrie, ce qui permit aux Sassanides de contre-attaquer sous l'autorité d'un nouveau roi et de remporter une victoire importante à la bataille du Pont en octobre 634.
Puis, en Syrie, les Arabes battirent les Byzantins à la Bataille de Yarmouken 636 et le second calife, Omar, put alors transférer des troupes à l'Est et reprendre l'offensive contre les Sassanides, tandis que Rostam Farrokhzād, général de Yazdgard III, commettait l’erreur de conduire une forte armée au bord du désert arabe au lieu d’attendre les Arabes sur la rive opposée de l’Euphrate. Aussi fut-il battu lors de la bataille dite d'Al-Qadisiyya(la victoire des victoires) par des Arabes pourtant largement inférieurs en nombre.
Les troupes arabes poussèrent alors leur avantage jusqu'à la capitale sassanide, Ctésiphon, qui fut évacuée après un bref siège, puis continuèrent sur leur lancée vers l'Est, poursuivant Yazdgard IIIet ses troupes. Battant encore les Sassanides à la bataille de Jalūlā', ils prirent ainsi toute la Mésopotamie.
Yazdgard III rassembla alors une nouvelle armée pour repousser les envahisseurs. En 642, il fut à nouveau battu à Nahavandet progressivement tout le plateau iranien fut pris par les Arabes. En 674, ils avaient conquis l'Afghanistan, la Transoxiane et une partie de l'Inde. Leurs victoires successives peuvent être attribuées à leur union structurée par le premier calife, face à un Empire sassanide, supérieur en nombre mais désorganisé.
Pour conserver leur cohésion, les occupants arabes s’installèrent alors dans des villes de garnison. Les populations perses, majoritairement zoroastriennes, mais aussi juives et chrétiennes, furent autorisées à pratiquer leur foi sous la contrainte de payer un impôt spécial, la jizya, et de respecter diverses restrictions ayant trait à leur occupation, à la pratique limitée de leur culte et à l'habillement, provoquant un lent processus de conversion à la religion arabe, l’Islam prenant ainsi tout son sens de « soumission ». En outre, les envahisseurs arabes imposèrent l'arabe comme première langue à leurs sujets, mais cette fois la langue persane résista malgré le remplacement de l'alphabet pahlavi-araméen par une version modifiée de l'alphabet arabe.
Il faut enfin souligner le rôle de l’administration sassanide, clientélisée, arabisée et islamisée, qui se donna pour tâche de répandre la propagande omeyyade en confondant soumission à son joug et adhésion à la religion coranique. Cependant une grande partie de la population iranienne agro-pastorale resta attachée au zoroastrisme traditionnel, malgré l’imposition de la jizya, réservée aux non musulmans.
On aurait pu croire qu’avec la conquête de la Perse, l’histoire, d’une certaine manière, était achevée. Mais il n’en fut rien, car, peu à peu, la Perse se libéra des Arabes et reprit son autonomie millénaire.
* Nous emploierons indifféremment dans ce billet et les billets ultérieurs les termes de Perse et d’Iran.
À SUIVRE