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Le blog d'André Boyer

UNE STRATÉGIE FRANÇAISE FACE À LA PANDÉMIE?

30 Mars 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

Dans un ciel rouge menaçant, l'avion revient de Wuhan

Dans un ciel rouge menaçant, l'avion revient de Wuhan

Dans mon dernier billet sur l’infectiosité du Covid-19, je concluais en me proposant d’analyser la stratégie des autorités françaises face à cette pandémie. Nous y voilà.  

 

Pour la France, la question qui se pose est d’essayer de comprendre quelle aurait dû être, ou pu être, la meilleure stratégie possible face aux enjeux de la pandémie. Bien sûr, la même question s’est posée partout dans le monde et il est intéressant de noter qu’elle a reçu des réponses assez différentes.  

Pour prendre une décision stratégique, deux facteurs sont essentiels, l’information disponible au moment où l’on doit décider et une évaluation correcte des enjeux. Lorsque l’épidémie a commencé à se répandre, à un moment donné il fallait décider si elle allait, oui ou non, atteindre la France, si oui quand, et finalement quelles en seraient les conséquences. 

Quel moment ? 

Il faut convenir au préalable, le contraire aurait surpris, que les Chinois ne nous ont pas aidés en cachant l'importance de l'épidémie à l’origine. Ils se sont rattrapés depuis qu’ils ont compris que c’était contreproductif, en en rajoutant dans l’action et la propagande (bientôt il faudra les remercier de leurs aumônes, sinon du virus lui-même), tout en continuant à cacher à leur propre population et donc à nous, l’étendue réelle des pertes humaines que la population chinoise a subies. 

Quand aurions-nous pu savoir qu’il s’agissait d’une affaire importante et susceptible de nous atteindre ? Le premier cas est apparu le 17 novembre.  Le 20 décembre, il y avait 60 cas, pour atteindre 266 cas au 31 décembre 2019 à Wuhan. Entretemps, un échantillon pris sur un patient a été envoyé à un laboratoire à Pékin et curieusement pas à Wuhan où il y avait deux laboratoires spécialisés. Les résultats sont revenus le 30 décembre à Wuhan: ils indiquaient une infection avec un coronavirus affilié au SARS. Désormais alarmée, la responsable du service a demandé aux membres de son département de revêtir des masques et a alerté ses supérieurs, qui l’ont convoquée trois jours plus tard afin de la réprimander pour avoir «fait circuler des rumeurs». 

Donc, le 30 décembre, les Chinois informés savaient mais il ne fallait pas le dire, puisque le 3 janvier, la commission de la santé de Wuhan a publié une directive interdisant au personnel médical de diffuser des informations sur le nouveau virus pour éviter de provoquer une panique. Or, en coulisses le 6 janvier, le Centre chinois pour le contrôle des maladies a activé son plan d’urgence et le 7 janvier, le président Xi Jinping a personnellement pris la tête de la riposte. 

Le 9 janvier enfin, la Chine a annoncé l’émergence d’un nouveau coronavirus à Wuhan, le 12 janvier elle a partagé le génome du virus avec le reste du monde et le 20 janvier elle a reconnu l’existence d’une transmission entre humains. 

Le 23 janvier, la ville de Wuhan et une bonne partie de la province du Hubei ont été placées en quarantaine. Alerte rouge pour le monde entier et notamment pour la France, qui possède de nombreuses joint-ventures franco chinoises à Wuhan, y compris le laboratoire P4 de biologie conçu en partenariat avec la France sur le modèle de celui de l’Inserm à Lyon, pour lutter contre les virus. Si l’on y ajoute que l’Inserm est présidé par l’époux de celle qui était alors Ministre de la Santé, Agnès Buzyn, la France était la mieux placée pour comprendre rapidement l’enjeu de ce qui était alors une épidémie de COVID-19.

D’ailleurs, Agnès Buzyn a reconnu elle-même qu’elle pensait être la première à avoir constaté ce qu'il se passait en Chine : « Le 20 décembre, un blog anglophone détaillait des pneumopathies étranges. J'ai alerté le directeur général de la santé. Le 11 janvier, j'ai envoyé un message au président sur la situation.» Dommage que le Président et le Premier Ministre ne l'ait pas écoutée et dommage qu’elle ait déclaré publiquement le 24 janvier, juste le lendemain du confinement imposé à la ville de  Wuhan et sa région que le « risque de propagation du coronavirus dans la population (française) était très faible ». Mais c’est le lot commun de tous les services de renseignement des États sans stratégie de ne pas être entendus et d'être obligés de répandre des "fake news". 

La France avait donc une chance, le 24 janvier, d’être le premier pays à prendre des mesures pour protéger sa population, mais elle a décidé de s'enfouir la tête dans le sable. Ce n'a pas été le cas de Taiwan. Dès décembre, les Taïwanais vivant et travaillant en Chine ont entendu parler d’une pneumonie étrange qui commençait à circuler dans le pays, notamment à Wuhan. Le 31 décembre, neuf jours avant que les autorités chinoises ne déclarent officiellement l’existence du virus, le Centre de contrôle des épidémies taïwanais commençait à imposer une quarantaine pour les passagers arrivant de Wuhan et présentant des symptômes. Le pays a interrompu ses vols dès le 23 janvier pour la région de Wuhan et le 27 pour l’ensemble de la Chine. Le 5 février, l’archipel était fermé à toute personne en provenance de Chine, Hong-Kong et Macao.

Alors qu'il était donc logique pour la France, dès le 24 janvier, d’interrompre les vols en provenance de la Chine ou à tout le moins d’effectuer des contrôles sanitaires et des mises en quarantaine pour ces vols, la France, non contente de ne pas fermer ses aéroports à la menace et de n’y effectuer aucun contrôle sanitaire, s’offusquait officiellement le 11 mars (un mois et demi plus tard !) de la décision de Donald Trump d’interdire l’entrée des ressortissants de l’espace Schengen. Mais Trump était suivi par l’Union Européenne qui fermait les frontières extérieures de l’Espace Schengen le 16 mars, laissant le soin à chaque pays de fermer ses propres frontières avec ses voisins. Or, la France est, encore aujourd’hui 30 mars, l’un des très rares pays de l’UE à maintenir ses frontières ouvertes. 

On peut donc conclure que, pour des raisons que je vous laisse le soin d’imaginer, la France ne s’est pas contentée d’agir avec retard. Elle n’a pas réagi du tout, en ce qui concerne la fermeture de ses frontières au coronavirus.

Il reste, en matière de stratégie, à examiner les mesures qui ont été prises pour faire face à la pandémie du Covid-19, une fois que la France a passivement laissé le virus s’installer dans le pays.

 

Mais on peut déjà en contempler le résultat, avec 3024 morts en France à ce jour, alors que Taiwan, avec 23,5 millions d’habitants, compte 5 morts (cinq!), et que bien sûr ce pays fonctionne normalement, hors le trafic international de passagers…

 

À SUIVRE : LES MESURES STRATÉGIQUES CONTRE LE COVID-19

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C
J'ai lu par ailleurs que les Taïwanais auraient dit "ce que la crise du Sras nous a appris, c'est que les Chinois mentent"
Répondre
A
Je crois que les Taïwanais et tous ceux qui fréquentent les Chinois connaissent ce trait du Gouvernement Chinois, qui ne lui est d'ailleurs pas exclusif. Nous devons surtout apprendre à nous servir des Chinois comme ils se servent de nous, et donc à établir des rapports de force, simplement plus subtils qu'avec nos amis américains. <br /> Amicalement, <br /> André