DERRIÈRE LE COVID-19, UN HORIZON NÉBULEUX
Avant de regarder l’horizon, jetons un coup d’œil à nos pieds paralysés.
L’économie mondiale est à l’arrêt, ou peu s’en faut. Il en est de même pour l’économie française: les magasins sont fermés, les transports de personnes sont pratiquement à l’arrêt, le système d’éducation est transféré partiellement sur Internet, seuls tournent à fond les services vitaux, santé, énergie et alimentation.
On peut estimer à 30% le taux d’activité des entreprises françaises tandis que 100% d’entre elles, sans aucun chiffre d’affaires, continuent à supporter la quasi-totalité de leurs charges. Aujourd’hui, le quart des salariés a été déclaré en chômage partiel, soit 6,3 millions de personnes le 10 avril. Les premières statistiques indiquent que le PIB de la France a chuté de 6% au cours des trois premiers mois de l’année 2020. Ce sera bien pire dans un mois.
Nombre d’États, dont la France, lancent d’énormes programmes de soutien à leurs économies. Il va leur falloir emprunter, puis rembourser, ou pas. Pourvu que le confinement prenne fin rapidement.
Des secteurs entiers de l’économie, au premier rang desquels on trouve le tourisme, avec en première ligne du premier rang le transport aérien sont à l’arrêt. On ne sait pas à quelle vitesse se fera la reprise, ni si ces secteurs qui ont été brutalement plaqués au sol, retrouveront les niveaux d’avant le confinement. Pourvu que le confinement prenne fin rapidement.
Le prix du pétrole a baissé, fortement. Il continue à sortir des puits, mais on en a moins l’usage, si bien que les stocks de pétrole s’accumulent tellement que certains producteurs payent leurs «clients » pour les débarrasser du pétrole. On imagine les pertes pour les pays producteurs et pour les pétroliers. Pourvu que le confinement prenne fin rapidement.
Bref, inutile d’accumuler les craintes, chacun se doute bien qu’à l’issue de la période de confinement, lorsque les entreprises rouvriront les unes après les autres, beaucoup auront du mal à retrouver un fonctionnement équilibré, soit au mieux parce qu’elles auront des difficultés financières conjoncturelles, soit au pire parce que toute leur structure en aura été ébranlée. Imaginez ce que sera l’ouverture en mai ou juin 2020 d’un hôtel de luxe, les charges qui pèsent sur son compte d’exploitation avant même de voir un client, alors que le système de réservation est aux abonnés absents.
Aussi, lorsque l’on dirige aujourd’hui une entreprise ou que l’on y travaille, le temps qui s’écoule au long du confinement génère chaque jour plus d’inquiétude, et lorsque l’on rouvrira, chacun essaiera de vite reprendre son métier là où il s’était arrêté le mardi 17 mars à midi.
S’il le peut.
On aura alors la cohorte des faillites en cascades, les rachats par les entreprises chinoises et la question des emprunts et des impôts « exceptionnels » qui feront appel à la solidarité nationale. On aura aussi la contestation politique et les mouvements sociaux. Beaucoup d’efforts seront fait pour repartir de l’avant afin que dans un, deux, trois ans, cette brève « crise » de deux mois environ soit oubliée, sauf par les spécialistes et les masochistes.
Tout cela vous le savez d’avance comme moi, alors passons à autre chose, qui est que, pour ma part, je ne crois pas du tout que les hommes d’affaires mondialisés vont en tirer la leçon et donc que leurs agents, les hommes politiques, prendront leur indépendance et le feront à leur place.
Humant l’air où flotteront des effluves de contestation succédant aux aérosols emplis de virus, ils vont forcément faire des discours, présenter des programmes, prendre des engagements, avec pour seul but d’anesthésier de bonnes gens qui ne demandent justement qu’à obtenir cette paix des songes pour laquelle ils sont prêts à payer tous les impôts que l’on voudra et à obéir à tous les ordres qu’on leur donnera. La conjonction des intérêts des uns et de la veulerie des autres nous réinstallera dans les ornières du passé, comme toujours.
Il nous reste, nous qui n’aimons pas être anesthésiés de force et qui avons une oreille assez fine pour nous empêcher de dormir, à tirer une leçon et une seule de l’épisode COVID-19.
Ne perdons pas de temps à le comparer aux trois grandes pandémies qui sont restées dans les mémoires. La première, celle de la peste, venait déjà de la mondialisation et du monde chinois. Elle a freiné le développement de l’Europe mais elle ne l’a pas stoppé. La seconde qui a sévi en Amérique a permis d’y installer les Européens en éliminant les Indiens. C’était volontaire de la part des Anglo-saxons, pas de la part des Espagnols, mais le résultat a été le même. La troisième, la grippe dite mal à propos espagnole, était une co-production sino-américaine qui a été transportée et a prospéré du fait de la guerre de 14-18, laquelle déplaçait les troupes et affaiblissait les populations. Elle n’a eu qu’un impact instantané, rapidement oublié, malgré ses vingt millions de morts, au bas mot, dont plus de la moitié en Inde et en Chine.
Ne perdons pas de temps à ces comparaisons, car la pandémie actuelle a une caractéristique spéciale : elle vient directement du cœur de notre système mondialisé d’organisation. Elle n’est ni accessoire, ni tournée contre une population spécifique, ni conjoncturelle. Elle vient d’une surconsommation animale ou d’un accident industriel. Elle s’est diffusée grâce aux avions qui sillonnaient en permanence le monde entier : dix heures pour transporter le virus de Pékin à Paris. Au total dans l’aéroport de Roissy, cent-soixante mille passagers par jour. Dans le monde, quatre milliards de passagers par an, plus de la moitié de la population mondiale: les virus sillonnent le monde, presque à la vitesse du son. Elle a prospéré grâce à l’affaiblissement des personnes contaminées, du fait de la pollution des villes, regardez comme l’on respire aujourd’hui, et au style de vie, notamment alimentaire. Notez la forte proportion d’obèses parmi les victimes.
La pandémie nous informe d’une situation qui préexistait mais dont nous ne voulions pas tirer les conséquences. Notre modèle de développement humain est désormais officiellement insoutenable, parce qu’il est fondé sur la croissance continue de la consommation, donc de la production et des destructions en tout genre, pour, circonstance très aggravante, un nombre rapidement croissant d’êtres humains, de plus en plus rassemblés dans les villes, puisque la Terre compte, chaque jour, près de soixante mille êtres humains de plus, à côté desquels les pertes de quelques milliers de morts prématurés du fait du Covid-19 sont ridiculement faibles, statistiquement parlant.
Tout cela n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c’est que nous avons eu un petit échantillon, presque indolore pour cette fois, des conséquences pratiques de notre modèle de développement et que ce petit échantillon a, malgré son insignifiance, paru suffisamment grave pour que le monde entier, ou presque, ait cru devoir arrêter ses activités pour régler le problème du Covid-19. Cet arrêt montre la fragilité de la société humaine mondialisée, qui se bloque, même pour un incident que l'on peut considérer comme mineur à l'échelle démographique.
N’en concluez pas que tout va changer, mais que tout va continuer. Il en faudra plus, probablement beaucoup plus, pour que le genre humain comprenne, s’adapte et prenne une nouvelle voie. Peut-être même l’humanité va-t-elle disparaitre avant d’être parvenue à changer de cap.
Mais, que le genre humain le comprenne ou pas, concluez de la crise en cours qu’émerge inexorablement un monde plus dur que celui dans lequel nous vivions avant cette pandémie.
Tant que l’humanité maintiendra obstinément le cap, sous l’égide du condominium américano-chinois et bientôt sino-américain, il y aura de plus en plus de crises, de plus en plus graves, relatives à la santé et à l’environnement. C’est fini la croissance linéaire, nous entrons tout de suite dans un monde chahuté de crises, de sorties de crises, de rebonds avant de nouvelles crises…
Puis lorsque le genre humain changera de cap, réduisant sa consommation au minimum, ce sera même son objectif obsessionnel de ne pas consommer, on entrera dans le monde des pénuries et d’un développement plus intériorisé qu’ostentatoire.
Je ne sais pas si l’on n’entrera jamais dans ce dernier monde de la frugalité radicale, mais je sais que l’on peut tout de suite regretter le temps de la gabegie et des voyages au bout du monde pour quelques centaines d’euros, car d’une manière ou d’une autre, c’est déjà fini.
PROCHAIN BILLET LE 13 AVRIL SUR UN TOUT AUTRE SUJET: "UNE PLONGÉE DANS LA CHINE DES PROFONDEURS"