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Le blog d'André Boyer

COUP DE SANG SUR LA PLACE TIAN'ANMEN

2 Mai 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

L'ENTRÉE DE LA CITÉ INTERDITE

L'ENTRÉE DE LA CITÉ INTERDITE

La visite de Datong avait eu lieu une semaine après mon arrivée à Pékin au printemps 1985. L’incident relaté dans ce billet lui a succédé quelques semaines après, accélérant grandement ma formation sur l’âme chinoise, formation qui a été ensuite complétée par ma visite ultérieure à Chengdu. 

 

Le NMTC (National Management Training Center) à Pékin où nous enseignions était largement financé par la CEE de l’époque, qui avait sous-traité sa gestion à l’EFMD (European Foundation for Management  Development), laquelle m’avait recruté afin de travailler au sein du NMTC. 

L’EFMD avait acheté un minibus Volkswagen qui était théoriquement à notre disposition 24 heures sur 24, pour tout déplacement. En pratique, nous l’utilisions relativement peu, aussi le NMTC en avait profité pour ne recruter qu’un seul chauffeur alors qu’il avait reçu les crédits pour en recruter trois : il n’y pas de petites économies, en particulier en Chine. 

C’était ce chauffeur qui était venu nous chercher à la gare de Pékin, de retour de notre aventure ferroviaire de Datong. Donc le chauffeur ne travaillait pas beaucoup, mais sans doute encore trop à son goût, car, lorsqu’il nous prit la fantaisie de lui demander de nous faire visiter avec le minibus de l’EFMD le centre de Pékin un dimanche après-midi, il nous paru particulièrement de mauvaise humeur. On peut d’ailleurs le comprendre. 

Il était venu nous chercher à notre résidence au Friendship Hotel et nous avons roulé sans incident jusqu’à la place Tian’anmen, vingt et un kilomètres plus loin. Il s’était garé sur la place afin que nous puissions jeter un coup d’œil à la Porte de la Paix Céleste qui se trouve à l’entrée de la Cité Interdite. 

En remontant dans le minibus, mes cinq camarades sont montés à l’arrière du minibus, tandis que je montais devant à côté du conducteur, pour mieux voir la ville. Le chauffeur protesta et notre interprète, Geneviève, traduisit : il ne voulait pas que je prenne le siège à côté de lui. Je lui répondis que j’étais monté devant pour mieux voir le paysage. Il me signifia alors qu’il était interdit de s’asseoir à coté du chauffeur, mais l’interprète m’indiqua que c’était faux puisqu’elle s’asseyait souvent à cette place. 

Je décidais de rester silencieux et de ne pas bouger. En représailles, il arrêta son véhicule au beau milieu de la place Tian’anmen, tout en renouvelant sa demande de m’asseoir à l’arrière du véhicule. Or, je n’apprécie pas du tout d’être contraint de faire quelque chose que j’estime injustifié et je restais donc à ma place dans le véhicule immobilisé, tandis que le chauffeur m’agonisait d’injures fidèlement traduites par Geneviève. 

Les véhicules s’accumulaient derrière, deux policiers commençaient à faire mouvement vers nous pour mettre fin à ce début de désordre public et le chauffeur se décida donc à repartir, continuant pendant un certain temps à déverser son flot d’injures, jusqu’à ce qu’il finisse par devenir muet, tout en nous reconduisant au plus vite chez nous. 

Ce petit incident, qui s’explique simplement par la mauvaise humeur du chauffeur confronté à mon entêtement, ne présenterait aucun intérêt à être raconté 35 ans plus tard,  si son épilogue ne s’était pas révélé édifiant.

Logiquement la Direction du NMTC aurait dû platement s’excuser et prendre éventuellement des sanctions contre le chauffeur en faute. Ce n'est pas ce qui arriva. Lorsque je demandais à rencontrer le Directeur, accompagné de Geneviève, je découvris qu’il prenait, sans oser l’exprimer tout à fait ouvertement, fait et cause pour le chauffeur. 

En réponse, je fis monter les enchères, en déclarant que j’avais été insulté sans raison par un membre du personnel du NMTC et que je ne pouvais pas y travailler avant d’avoir reçu les excuses du NMTC. 

S’ensuivit  trois jours d’âpres négociations. J’acceptais, grande concession de ma part,  de recevoir de simples excuses orales, mais solennelles. L’affaire se termina là. Elle m’avait montré que les employés chinois de l’EFMD, conduits par leur direction, faisaient front contre moi, en tant qu’expert étranger. 

Cette affaire, suivie de multiples autres, me montra la Voie, comme on l’apprend dans le Tintin du Lotus Bleu. La Voie, c’est  l’hostilité foncière des Chinois, ou plus précisément des Han, contre le reste du monde. J'en ai eu une autre échantillon lors d'une visite japonaise au Friendship Hotel, méfiante du côté japonais, hostile du côté chinois.   Vous pouvez chercher à cette attitude collective, qui s’exprime par de nombreux actes individuels toutes les explications ou même toutes les excuses qui vous conviennent, peu importe, car la question n’est pas là.    

  

La question, pour moi, réside dans cette attitude collective d’hostilité des Hans contre nous, les non-Hans, nonobstant les habituelles exceptions. J’en ai tenu le plus grand compte et j’en ai tiré de multiples bénéfices lorsque j’ai traité, et cela m’est souvent arrivé par la suite, avec les représentants de diverses collectivités chinoises.   

 

À SUIVRE.

PROCHAIN ARTICLE : LA CHINE PENSE DIFFÉREMMENT

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M
Et cela va au delà de l'hostilité, bien sûr. Il y a du mépris pour le moins malin.
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