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Le blog d'André Boyer

IL N'Y A PAS DE JUSTICE MAIS IL Y A DES LIMITES*

14 Juillet 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

IL N'Y A PAS DE JUSTICE MAIS IL Y A DES LIMITES*

J’ai lu récemment un compte rendu d’audience du Tribunal Correctionnel de Nice. Les faits étaient sordides, comme prévu, mais la sentence m’a tellement surpris que j’ai décidé d’écrire ce billet et de vous livrer mes interrogations.

 

« Gérer ses annonces sur Internet, conduire la prostituée aux rendez vous avec les clients, répondre au téléphone, réserver les hôtels et, accessoirement, empocher l’argent : trois personnes viennent d’être condamnées pour proxénétisme aggravé par le Tribunal Correctionnel de Nice » 

Ces personnes ont, dit le journaliste, entre 21 et 25 ans. Il ne donne ni leurs noms, ni leurs prénoms, ni aucun détail qui permette de les identifier, juste leurs initiales. Tant mieux pour elles, mais c’est un traitement de faveur. À noter que ces trois personnes sont composées d’un couple, 24 et 25 ans, qui s’est présenté à l’audience. La troisième personne, 21 ans, ne s’est pas présentée et le lecteur ne sait pas pourquoi.

« Entre novembre 2018 et juin 2019, ils avaient profité de la fragilité d’une mineure. C’est la prostituée qui a alerté la police ». Sinon, les proxénètes auraient continué…

On apprend que non seulement ces trois personnes, mais « quelques autres » (lesquelles ? quel rapport avec les trois précédentes ? pourquoi ne sont-elles pas inculpées ?) « se servaient sur l’argent gagné par la jeune escort-girl ». Jeune en effet, elle l’était, puisqu’elle était mineure. Le journaliste n’hésite pas à donner les tarifs : « 150 euros de l’heure, 400 euros la nuit ». Pour elle, la victime, il n’hésite pas à donner le prénom qu’elle utilisait, même si on peut la reconnaître au travers de ce dernier. Il est plus prévenant pour les proxénètes, mais on apprend tout de même que la femme accusée a monté une société de nettoyage et que l’homme est employé chez Lidl. On apprend aussi que le couple a essayé de nier, mais que l’accumulation des preuves « témoignages, SMS, dépôts d’argent » les accablaient tellement qu’ils ont dû reconnaître les faits devant le tribunal. 

Finalement, le procureur de la République requiert contre les prévenus pour proxénétisme aggravé, ayant profité d’une jeune femme « extrêmement vulnérable » et mineure, on ne sait quelle peine. 

Le Code Pénal est sévère dans ce cas, puisque s’il prévoit une peine jusqu’à sept ans de prison et 150000 euros d’amende pour le délit de proxénétisme « simple », mais lorsque la victime est un mineur, qu’il s’agit d’une personne vulnérable, et c’est doublement le cas ici, le proxénète peut être puni de 10 ans de prison avec période de sûreté et 1 500 000 euros d’amende. En outre, lorsque le proxénétisme est commis en bande organisée, il est passible d’une peine de 20 ans de réclusion criminelle et 3000000 euros d’amende. Curieusement, cette charge n’a pas été retenue contre les accusés dans cette affaire, alors qu’ils étaient trois, bien organisés, et que d’autres personnes ont profité des revenus issus de la prostitution. Mais je dois me tromper sur la notion de « bande organisée »…

À mon étonnement, la femme a été condamnée à trois mois ferme, c’est-à-dire aucune peine de prison et à douze mois avec sursis. L’homme a été condamné à six mois ferme, en clair aucune peine de prison non plus et douze mois avec sursis. Même le prévenu absent a échappé à la prison ferme, alors que, non seulement il était absent mais il avait été déjà condamné auparavant pour d’autres faits, avec un an de prison et un an avec sursis. Pas d’amende, pour personne. 

 

J’aimerais bien comprendre ce genre de décision de justice. J’aimerais que le juge explique pourquoi il fait preuve d’autant de clémence. Peut-être l’a t’il fait, au Tribunal, mais le journaliste ne le dit pas. Peut-être manque t-il des éléments d’information dans l’article qui explique sa décision. Peut-être, mais je me demande, à la lecture de l’article, quel message le juge et le journaliste veulent faire passer ? Est ce que ce type de décision est de nature à dissuader les futurs proxénètes qui veulent utiliser la faiblesse de leurs victimes pour les contraindre à la prostitution ? Je croyais que c’est un des buts de la justice pénale, de dissuader les candidats aux crimes et délits, mais je dois me tromper. 

 

Si vous avez une explication à ce type de jugement, je vous serais reconnaissant de me l’adresser. 

 

* Albert Camus, l’Homme Révolté, L’État de Siège, 1948. 

 

PROCHAIN BILLET: LA LUMIÈRE DE CHENGDU

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