LES CONTRAINTES DU LIBAN
Vous l’avez peut-être remarqué, les experts sont désespérants, car, pour conserver leur crédibilité, aucune solution ne trouve grâce à leurs yeux. Heureusement, les faits leur donnent tort, car des solutions s’imposent toujours, par la vertu de la nécessité.
Les experts conviennent que, bien que les négociations soient enlisées, le Liban finira bien par trouver un accord avec le FMI. Ce dernier injectera alors des devises qui redonneront un peu d’oxygène au pays, car, ajoutent les experts, cet argent, dix ou vingt milliards de dollars, ne réglera pas les problèmes de fond du pays.
Certes, mais que doit donc faire la Liban pour s’en sortir ? Les experts, d’autant plus impavides qu’ils savent que leurs solutions sont non seulement inapplicables mais pire, inopérantes, vous disent carrément que le Liban doit se réinventer de fond en comble, développer une économie productive, instaurer un système fiscal plus redistributeur, rompre avec un système politique confessionnel complètement vicié. N’en jetez plus. Pouvez-vous me citer un pays, un seul, qui se soit « réinventé de fond en comble » ? Et vous pensez vraiment qu’un système fiscal redistributeur est la solution, juste parce qu’elle est moralement satisfaisante ?
Oublions les experts justement fatigués de raisonner en rond et regardons de près ce qu’est le Liban.
Avec dix mille quatre cents km2, le Liban est à peine plus grand que la Corse. Mais alors que la Corse compte, hors les touristes, trois cent trente-cinq mille habitants, le Liban en compte presque vingt fois plus, six millions deux cent mille habitants, dont deux millions deux cent mille réfugiés !
Avec les chiffres précédents, vous avez déjà, sans être expert, l’origine du problème libanais, trop d’habitants et surtout trop de réfugiés.
Bien sûr, si vous voulez fuir ce problème majeur, vous pouvez toujours vous intéresser à la culture libanaise fondée une société pluriconfessionnelle, qui a donné lieu à un système politique répartissant le pouvoir entre les grandes communautés, maronites, chiites, sunnites, druzes, orthodoxes. Si vous croyez qu’il faut d’urgence réformer ce système politique ou réduire la puissance du Hezbollah ou lutter contre la corruption, plutôt que, d’urgence obtenir le départ d’un nombre significatif de réfugiés, c’est que vous vous payez de mots ou, qu’au travers de la crise libanaise, vous voulez régler vos comptes avec tel ou tel groupe politico-social.
Si vous voulez vraiment régler la crise libanaise, essayez donc de régler le problème des réfugiés au Liban. Vous pouvez commencer par verser une allocation de 5000$ par réfugié (la moitié du PNB/ habitant) soit 10 milliards de $ par an. Cela devrait relancer l’économie libanaise avec tous les dommages collatéraux (inflation, transferts d’activité) que cela provoquera.
Mais jusqu’à maintenant, la communauté internationale, par les Nations unies principalement, s’est contentée de verser quelques centaines de millions de dollars pour aider le Liban à faire face à l’afflux de réfugiés. En revanche, hormis quelques exceptions, les pays occidentaux se sont toujours refusés à ouvrir leurs frontières aux réfugiés installés au Liban, si bien que l’aide internationale, tout en étant très insuffisante, a eu pour objectif non déclaré de fixer les réfugiés au Liban.
Or, il suffirait de reconstruire la Syrie pour relancer son économie donc l’économie libanaise et rendre tout le monde heureux. Halte là ! Nos amis américains veillent, avec pour objectif de montrer qu’ils ont toujours la capacité de rendre malheureux les gens qu’ils ont désignés comme leurs ennemis.
Depuis 2018, les États-Unis, dans leur guerre contre l’Iran et le Hezbollah, leur allié libanais, ne cessent d’accroître leurs pressions sur le Liban. Récemment, Washington, considérant que l’organisation chiite était partie intégrante du gouvernement, s’est fait un devoir d’imposer des sanctions à une partie croissante des autorités politiques libanaises.
De plus, pour empêcher le Hezbollah –et donc le Liban– de jouer un rôle dans la reconstruction syrienne et de sortir la tête de l’eau par la même occasion, Washington a promulgué une nouvelle loi punitive : le Caesar Act, qui impose des sanctions contre tous particuliers ou entreprises commerçant avec la Syrie.
Jusqu’à maintenant, la France s’est toujours refusée d’accepter les injonctions américaines de rompre le dialogue avec le Hezbollah. La distinction d’une branche politique et d’une branche militaire au sein du Hezbollah a permis à l’UE et à la France de garder un canal diplomatique avec l’organisation chiite et donc de rester un soutien du Liban, contrairement aux États-Unis, mais les pressions américaines s’intensifient sur Beyrouth, réduisant les marges de manœuvre de la France…
La solution de la crise du Liban ne passe pas, principalement, par des réformes politiques et économiques de la société libanaise. Elle se situe dans la bénévolence de la politique américaine à l’égard de l’Iran et de ses alliés. Or, quand on observe l’obstination bornée des États-Unis à appliquer des sanctions contre Cuba (depuis 1962 !), contre la Corée du Nord, le Venezuela et l’Iran, pour ne citer que les principaux ennemis que les États-Unis se sont auto désignés, il faudrait un véritable renversement de la politique américaine pour que les données économiques au Moyen-Orient s’améliorent.
En attendant que ce renversement de la politique américaine ait lieu, il ne reste qu’à contourner les sanctions américaines pour aider les Libanais à survivre et pas seulement eux : aider aussi les Syriens, les Iraniens et les Yéménites à résister à la pression profondément inhumaine de la politique américaine.
PS: En l'honneur d'un Liban plus que jamais meurtri, on ne manquera pas d'écouter (et de voir) cette magnifique chanson de Yasmine Hamdan:
Yasmine Hamdan-Balad