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Le blog d'André Boyer

DÉROUTE BRITANNIQUE À CARTHAGÈNE

6 Septembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

DÉROUTE BRITANNIQUE À CARTHAGÈNE

La première cible britannique de cette guerre inique fut Portobelo, petit port de la Nouvelle Grenade, actuellement au Panama. Le 1er décembre 1739, six vaisseaux de ligne sous le commandement de l’amiral Edward Vernon écrasèrent une bourgade mal défendue et prise au dépourvu, qui fut ensuite mise à sac. 

 

Les Anglais célébrèrent cette facile victoire sans retenue, tandis que les Espagnols se réorganisaient pour résister aux attaques britanniques : ils mettaient en alerte leurs troupes coloniales, renforçaient les défenses de leurs ports, décentralisaient le transport des métaux et prenaient la route du Sud, par le cap Horn. 

Encouragée par le succès du raid sur Portobelo, la Grande-Bretagne décida d’attaquer les colonies espagnoles du Pacifique, avec pour objectif de capturer le « galion de Manille ». Le commodore George Anson prit la tête d'une flotte composée du navire de ligne HMS Centurion, de quatre frégates, d'un sloop et de deux navires de transport. Après d’extraordinaires difficultés et d’immenses pertes, l’obstination de George Anson fut récompensée. Le 20 juin 1743, il finit par capturer le galion chargé d’argent La Nuestra Señora de Covadonga, et il le ramena triomphalement en Grande Bretagne le 15 juin 1744. 

Mais l’affrontement majeur eut lieu à Carthagène et il se traduisit par une déroute britannique. 

Les Anglais avaient en effet décidé de prendre Carthagène, parce qu’elle constituait, avec Vera-Cruz et La Havane, l'un des trois grands ports d'où̀ étaient exportés les métaux précieux vers l'Espagne. En outre la ville n'était défendue que par six vaisseaux de ligne et 3 300 hommes. Sans lésiner sur les moyens, le gouvernement britannique envoya une expédition dotée de moyens énormes, 186 navires, dont 29 vaisseaux de ligne portant 2 620 canons et 31 000 hommes, marins et hommes de troupe. 

La flotte britannique commença par bombarder Carthagène pendant deux semaines avant de lancer ses vagues d'assaut le 5 avril 1741, utilisant des centaines de chaloupes qui déversèrent sur les plages des assaillants dotés d’artillerie légère. Face à ce déferlement, les Espagnols reculèrent en combattant pied-à-pied, sabordant deux de leurs vaisseaux pour boucher le chenal ce qui brisa l'élan des Britanniques. Une deuxième tentative d'attaque côté́ mer, associée à une attaque de diversion côté terre, échouèrent de même. 

Car Carthagène était défendue par un excellent officier, le commandant Don Blas de Lezo, borgne, manchot et unijambiste. Il avait choisi de pratiquer une défense élastique autour de la ville, comptant sur l’aide de la saison des pluies qui avait justement commencé début avril. Il s’aidait aussi d’un terrain défavorable aux attaquants, du fait de plages basses de sable mou, de marécages et d’une lagune peu profonde.

Le déroulement du siège montra que Don Blas de Lezo ne s’était pas trompé de stratégie. Le temps passant, les Britanniques éprouvèrent de plus en plus de difficultés à̀ approvisionner leurs hommes et à entretenir leurs bateaux. Avec l’arrivée des pluies tropicales, la chaleur, l'humidité́, les moustiques accrurent l'insalubrité́ du camp britannique inondé de trombes d'eau, la boue paralysa l'artillerie et des fantassins lourdement équipés, tandis que les maladies tropicales décimaient leurs troupes. 

Face à̀ une garnison espagnole à l'abri derrière ses remparts, habituée au climat et soudée derrière son chef, le corps expéditionnaire britannique ne tarda pas à̀ offrir le spectacle de vaisseaux mal entretenus ou à l'abandon faute de personnel, d’hommes de troupe affames, malades et démoralisés. Les pertes moyennes du fait du climat et des maladies afférentes atteignirent rapidement trois cents hommes par jour. 

Pour le malheur des Britanniques, il s’ajoutait aux difficultés précédentes un conflit personnel entre l'amiral Vernon et le général Wentworth. Lorsque ce dernier voulut lancer un assaut général contre Carthagène, l'amiral trouva un prétexte pour lui refuser l'appui-feu des canons de ses navires. La désorganisation ajouta à la confusion : un assaut, lancé dans la nuit du 14 avril 1741, échoua parce que les échelles étaient trop courtes, ce qui permit aux assiégés de tirer à bout portant sur la masse des assaillants empêtrés dans les douves au pied des remparts et de faire une sortie pour massacrer tous les survivants. 

Les Britanniques enrageaient d’une aussi forte résistance opposée par une aussi faible garnison. Ils s’obstinèrent à leur habitude, n’aboutissant qu’à accroitre leurs pertes. Lorsque les pluies s'intensifièrent, transformant leur camp en bourbier, ils se replièrent sur leurs bateaux où la promiscuité provoqua un nouvel accroissement du nombre de malades. 

Ce ne fut qu’à la mi-mai 1741, au bout de 67 jours de siège, que l'amiral Vernon et le général Wentworth convinrent que leurs énormes pertes, 18000 hommes sur 31000, montraient qu’ils risquaient d’être totalement décimés à terme. Complètement démoralisées, les troupes britanniques abandonnèrent le siège pour se replier à la Jamaïque. Comble d’humiliation, ils durent se résoudre à détruire cinquante navires qu’ils étaient incapables de ramener avec eux.   

Le plus curieux est, qu’alors que le désastre était presque achevé, la nouvelle d'une écrasante victoire parvint en Grande-Bretagne. La Cour exulta, des médailles commémoratives furent frappées, la presse se répandit en louanges…jusqu’à l’annonce de la catastrophe et d’un nouvel échec de Wenworth dans une tentative de débarquement à Guantanamo (18 juillet 1741).

Les Britanniques tentèrent alors de porter le conflit en Méditerranée, mais ils échouèrent de même, lorsque deux flottes anglaises rassemblées furent vaincues lors de la bataille du cap Sicié en février 1744, par une escadre espagnole appuyée par une escadre française. Ils échouèrent aussi en Floride, qui resta espagnole après diverses tentatives d’invasion. 

Les Britanniques finirent par reconnaitre leur échec face aux troupes espagnoles lors du Traité d'Aix-la-Chapelle en 1748 et jamais au cours du XVIIIe siècle, ils ne parvinrent à conquérir de colonies espagnoles. Mais leur obstination fut récompensée à la fois par des victoires navales contre les flottes franco-espagnoles du cap Saint-Vincent (1797), de la baie d'Algésiras (1801), du cap Finisterre et de Trafalgar (1805) et par la prise de colonies françaises en Inde et au Canada. 

 

Comme l’ont montré les Espagnols, il a donc manqué à la France plus de constance dans sa politique coloniale pour faire face à l’obstination britannique. En tout cas, si Québec avait été défendu par le vieux commandant Don Blas de Lezo, jamais la France n’aurait perdu le Canada. 

 

À SUIVRE

 

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