LA PETITE FILLE AUX ALLUMETTES
24 Décembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE
Il faisait effroyablement froid; il neigeait depuis le matin; il faisait déjà sombre; le soir approchait, le soir de la Noël et, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait dans la rue, n’ayant rien sur la tête et pieds nus, car elle avait perdu ses pantoufles en se sauvant devant une file de voitures.
Dans son vieux tablier, elle portait une boite d’allumettes, qu’elle cherchait en vain à vendre. Mais personne ne lui prêtait attention et alors que la journée finissait, et elle n'avait pas encore vendu un seul paquet d'allumettes.
Tremblante de froid et de faim, elle se traînait de rue en rue. Des flocons de neige couvraient sa longue chevelure blonde. De toutes les fenêtres brillaient des lumières: de presque toutes les maisons sortait une délicieuse odeur de plats que l’on faisait cuire pour le festin du soir: c'était Noël.
Après avoir une dernière fois offert en vain son paquet d'allumettes, l'enfant aperçu une encoignure entre deux maisons. Harassée, elle s'y assied et s'y blottit, tirant ses petits pieds vers elle. Pourtant, elle grelotte et frissonne encore plus qu'avant tout en n’osant pas rentrer chez elle, où elle n'y rapporterait pas la plus petite monnaie et où elle se ferait battre par son père.
Comme elle avait ses petites mains toutes transies, elle pensa tout d’un coup que si elle utilisais une allumette, elle lui réchaufferait les doigts. C'est ce qu'elle fit. Quelle flamme merveilleuse c'était! Il sembla tout à coup à la petite fille qu'elle se trouvait devant un grand poêle en fonte qui rayonnait de chaleur.
La petite fille allait étendre ses pieds pour les réchauffer, lorsque la petite flamme s'éteignit brusquement, le poêle disparut et elle restait là, tenant en main un petit morceau de bois à moitié brûlé.
Alors, elle frotta une seconde allumette: la lueur se projetait sur la muraille derrière la table était mise, couverte d'une belle nappe blanche, sur laquelle brillait une superbe vaisselle de porcelaine. Au milieu, s'étalait une magnifique oie rôtie, entourée de compote de pommes. Et puis plus rien: la flamme s'éteignit encore.
L'enfant prit une troisième allumette et se vit transportée près d'un splendide arbre de Noël. Sur ses branches vertes, brillaient mille bougies de couleurs: de tous côtés, pendait une foule de merveilles. La petite étendit la main pour en saisir une lorsque l'allumette s'éteignit. L'arbre sembla monter vers le ciel et ses bougies devinrent des étoiles. Il y en a même qui se détacha et redescendit vers la terre, laissant une traînée de feu.
«Voilà quelqu'un qui va mourir » se dit la petite fille. Sa grand-mère, le seul être qui l'avait aimée et qui était morte il n'y avait pas longtemps, lui avait dit que lorsqu'on voit une étoile qui file, d'un autre côté une âme monte vers le paradis. Elle frotta encore une allumette: une grande clarté se répandit et, devant l'enfant, se tint sa grand-mère.
« Grand-mère, s'écria la petite, grand-mère, emmène-moi. Oh! tu vas me quitter quand l'allumette sera éteinte: tu t'évanouiras comme le poêle si chaud, le superbe rôti d'oie, le splendide arbre de Noël. Reste, je te prie, ou emporte-moi.
Et l'enfant alluma une nouvelle allumette, puis une autre, puis une autre jusqu’au bout du paquet afin de voir sa grand-mère le plus longtemps possible. Cette dernière prit sa petite fille dans ses bras et la porta tout la haut, en un lieu où il n'y avait plus ni froid, ni faim, ni chagrin: sa soif d’amour l’avait conduite jusqu’à Dieu.
Le lendemain matin, les passants trouvèrent dans l'encoignure le corps de la petite fille; ses joues étaient rouges et elle semblait sourire. Elle était morte de froid pendant la nuit qui avait apporté à tant d’enfants toutes sortes de joies et de plaisirs. Elle tenait dans sa petite main toute raidie les restes brûlés d'un paquet d'allumettes.
Quelle sottise! dit un cœur sec. D'autres versèrent des larmes sur l'enfant mort. Aucun ne savait qu’elle avait vu de si belles choses pendant la nuit de Noël et qu’elle s’était maintenant réfugiée dans les bras de sa grand-mère.
D’après le conte de Hans Christian Andersen.