CONSERVER L'HÉGÉMONIE MONDIALE
Dans l’effort permanent que livre le pouvoir et ses medias pour conditionner l’opinion, pas un jour ne passe sans une campagne ou une pique contre la Russie, la Chine, ou les deux à la fois si l’occasion se présente.
Il est parfaitement clair que la Russie et Chine indisposent les États-Unis et la constellation de ses pays vassaux, dont la France.
À en croire les medias qui relaient la parole officielle, la Russie et la Chine seraient des menaces militaires pour les Etats-Unis et leurs « alliés ». Pourtant, on ne peut ignorer que les deux pays sont encerclés, Chine comme Russie, et que leurs forces militaires sont sur la défensive face à des forces de combat et des missiles de l’OTAN à la frontière de la Russie tandis que les bases et la marine de guerre états-uniennes enserrent la Chine.
En revanche, aucune base russe ou chinoise n’est implantée au Mexique ou au Canada. Il est vrai que la Russie a annexé la Crimée, annexion entérinée par un vote à 96,8 % de ses habitants tandis que l’on occulte le renversement par les États-Unis du président ukrainien élu pour livrer l’Ukraine à des extrémistes russophobes, menacer la Russie par le sud et fermer sa base navale de Sébastopol.
On accuse les deux pays de ne pas partager nos valeurs, comme si ces dernières devaient être automatiquement universelles. Cette tarte à la crème du réquisitoire sur les valeurs veut ignorer que la majorité du monde n’est pas occidentale et l’est de moins en moins pour des raisons bêtement démographiques, qu’elle n’est pas en devoir de l’être et que le prosélytisme au nom de la civilisation est un instrument de colonisation usé jusqu’à la corde.
En pratique, il s’agit de motifs utilisés pour s’ingérer dans les affaires intérieures d’autrui : imaginons les cris d’orfraie que pousseraient nos médias si la Russie et la Chine se mettaient à faire des tares des sociétés occidentales leur cheval de bataille.
Mais sur le fond, les relations internationales sont basées sur des réalités, le bruit connexe n’étant que spectacle, leurre et diversion pour occuper la galerie.
Le différend avec la Russie tient fondamentalement à son refus de l’uni polarité états-unienne et à l’exemple qu’elle donne au monde en défendant le principe de la souveraineté nationale. Le tort de la Chine est d’avoir une économie qui fait ombrage à celle des États-Unis et de constituer le pivot d’une mondialisation de substitution à la mondialisation américano-centrée. La Russie et la Chine sont vitupérées en vue d’empêcher d’autres pays de se rapprocher d’elles, selon leurs intérêts. Elles sont aussi coupables d’avoir un armement qui rend hasardeuse toute tentative de les soumettre par la force.
En somme,l’opposition à la Russie est géopolitique, celle à la Chine, géoéconomique. Le reste n’est que du vent.
Le monde a connu un scénario analogue avant 1914. Impérialisme dominant du XIXe siècle, la Grande-Bretagne se voyait concurrencée par l’Allemagne, nouvelle prétendante à la suprématie. Aussi le conflit principal de la Première Guerre mondiale réside t-il dans l’affrontement entre une puissance en déclin relatif et une autre en voie de la supplanter.
Le transfert des hégémonies est toujours douloureux. Il s’effectue en fonction des capacités économiques et du verdict des armes. C’est ainsi que la Grande-Bretagne s’est imposée depuis le XVIIIe siècle aux dépens des Pays-Bas et de la France.
Tout en ayant des ressemblances avec celle de 1914, la configuration actuelle est différente. D’un côté, la Russie rend inatteignable l’hégémonie universelle pour les États-Unis, mais elle-même n’a pas les moyens de dominer le monde, comme pouvait les avoir l’Allemagne de 1914. D’un autre côté, la Chine a les attributs d’une puissance mondiale, mais elle n’a pas besoin de guerre pour réussir puisque son économie est sur une trajectoire qui y mène naturellement. Elle a plutôt intérêt à éviter les hostilités.
Il faut en conclure que les instigateurs d’un éventuel conflit seraient forcément états-uniens, comme leurs innombrables agressions verbales, économiques et militaires contre la Russie et la Chine le montrent clairement. De plus, les Etats-Unis savent que le seul moyen de maintenir leur domination mondiale est militaire, puisque la dynamique historique leur est défavorable.
Va-t-on logiquement vers une guerre, voulue par les États-Unis et leurs vassaux, dont la France ? Oui, parce que les conditions géopolitiques sont réunies pour y conduire à brève échéance, mais nous ne savons pas quelle forme dominante elle prendra.
La guerre atomique généralisée est théoriquement impossible parce que les Russes et les Chinois sont en mesure de riposter et de détruire l’agresseur. D’un autre côté, si les Etats-Unis ne freinent pas la Chine, ils vont rapidement être réduits à l’impuissance. Leurs actions actuelles consistant à harceler la Russie et la Chine par des blocus, des campagnes de déstabilisations, des sanctions et de la désinformation n’ont de sens que si elles se prolongent demain par l’emploi de moyens plus puissants, avec pour objectif final de détruire la puissance de la Chine.
Les militaires font toujours des plans. Ils ne vont pas s’attaquer aux deux pays ensemble. Ils vont certainement commencer par s’en prendre à la Russie. La destruction de l’Europe, et en particulier de l’Allemagne, concurrente des Etats-Unis et complice de la Chine, ne leur fait pas peur, s’ils obtiennent en échange la résipiscence de la Russie. Après cette première « victoire » qui montrerait à la Chine, jusqu’où les Etats-Unis sont capables d’aller, ils se tourneront vers le dernier protagoniste pour l’achever. C’est un plan possible, il y en a certainement d’autres, comme la guerre de l’espace par exemple.
Je n’écris pas ces lignes pour faire peur, mais tout simplement parce que cela me paraît une évidence, si vous acceptez le postulat que les Etats-Unis, dans la droite ligne de la Grande-Bretagne, n’accepteront jamais de céder leur leadership et si vous constatez, comme moi, qu’ils sont en train de le perdre.
Reste à examiner le rôle de la France. Tout la pousse aujourd’hui à n’être qu’un pion dans le jeu stratégique américain, mais sa situation politique est instable, elle pourrait bien sortir du jeu et imposer aux États-Unis une acceptation du déclin qu’ils subissent.
Or, pour des raisons culturelles et militaires, la France est le seul pays à garder ce pouvoir en Europe, comme elle a été la seule, dans d’autres conditions stratégiques, à imposer à la Grande-Bretagne la création des États-Unis.