Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

L'APOGÉE DE LA VÉRITÉ EXPÉRIMENTALE

28 Juin 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

PIERRE GASSENDI

PIERRE GASSENDI

Il est de fait qu’il ne peut y avoir, dans une même société, plusieurs vérités concurrentes.

 

Les tenants de la vérité par l’expérimentation se sont donc rapidement chargés de liquider la vérité concurrente traditionnelle fondée sur la raison adossée à la religion. Pascal a bien essayé, avec son pari, de maintenir la religion sans renier la science, mais, las, la vérité de la religion fut rapidement mise en cause, dès 1686, par Newton puis, entre autres, par Laplace et John Locke. Le coup de grâce à la vérité religieuse fut porté par Darwin au XIXe siècle, lorsqu’il postula que la sélection naturelle constituait le principe d’évolution des êtres vivants et donc que l’homme n’était plus l’acteur de sa propre destinée. Mais, avant Darwin, il y avait belle lurette que l’on considérait tout fait scientifique comme « vrai », et qu’inversement tout  ce qui n’était pas scientifique n’avait plus aucune consistance, du point de vue de la vérité.

 

La foi en l’expérimentation était donc très tôt devenue une nouvelle religion comme en témoigne l’incroyable expédition arctique de Pierre Moreau de Maupertuis en 1736.

L’enjeu était de déterminer la courbure de la Terre. Un projet gigantesque d'expédition en Arctique débuta en 1669 à l'Observatoire de l'Académie Royale des Sciences où Louis XIV en personne venait contrôler le relèvement des coordonnées terrestres. Le directeur de l'Académie, Jacques Cassini, avait des doutes : il lui semblait que le relevé des coordonnées montrait que la Terre n'était qu'un sphéroïde aplati plutôt qu'une sphère. On pouvait craindre une erreur de l'ordre d'un degré dans le calcul de la latitude, erreur insupportable pour tout scientifique digne de ce nom.

Il fallait en avoir le cœur net.

Deux expéditions particulièrement complexes et coûteuses furent organisées, respectivement à l'Équateur et au Pôle Nord. La première demanda dix ans. La seconde fut conduite par Maupertuis dans des conditions de survie extrêmement périlleuses. Toutes deux permirent conjointement d'obtenir une mesure de la sphère terrestre proche de la perfection.

Ces efforts héroïques, ces travaux inouïs, ces mesures méticuleuses manifestaient l’ambition d’une science qui voulait s’imposer face aux traditionalistes et aux sceptiques, en leur assénant les résultats indiscutables de l’expérimentation, quel qu’en soit le prix. L’observation et la mesure étaient alors l’alpha et l’oméga de toute théorie scientifique, et à bien des égards, elles le restent. 

La confiance dans les pouvoirs de la science était justifiée par les changements de la vie matérielle qui en découlaient. La science s’imposait comme la méthode nouvelle et infaillible pour dévoiler graduellement les secrets de la vérité du monde.

Ce triomphe n’allait pas tarder à être discuté, quelques dizaines d’années seulement après que  la science ait amorcé sa marche triomphale : les philosophes se sont chargés d’ébranler les certitudes scientifiques, avec l’aide d’une arme secrète, l’ego.

David Hume ouvrit les hostilités en postulant que toute pensée commence par des impressions. Pour lui, si les sensations sont les seuls faits vérifiables, on ne peut plus faire état de relations de cause à effet objectives. Descartes enfonça tout de suite le clou avec son « je pense donc je suis », postulant que la pensée de l’individu était par définition subjective et en déduisant que la philosophie devait se recentrer sur le moi. 

Mais si l’Univers était voué à la réalisation de soi, il n’était plus question d’accepter les doctrines déterministes de Leibniz (tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes) et de Spinoza, ce dernier niant qu’il puisse exister  une liberté de la volonté, à rebours du  subjectivisme triomphant de Descartes. Après Spinoza, Kant fut le dernier philosophe notable qui s’opposa au subjectivisme, lui-même ennemi de la vérité scientifique objective. Ce dernier posa le principe de l’existence d’une réalité inaccessible, transcendante et idéale que l’on pouvait découvrir plutôt par l’intuition que par la raison. Il ne prenait donc pas l’individu comme sujet créateur de la vérité.

 

Mais, après Kant, les philosophes renoncèrent à rechercher les moyens d'atteindre LA vérité objective, dans la mesure où ils se replièrent sur la conscience du « moi ».

 

À SUIVRE

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article