LA VÉRITÉ FONDÉE SUR L'EXPÉRIMENTATION
24 Juin 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
En Occident, l’Antiquité s’achève avec la disparition de Rome et l’invasion de l’Empire qui se traduisent par une chute démographique et des routes désertées.
Les temps sont ceux de la recherche d’une protection physique et spirituelle autour du seigneur local et de l’Église. Puis, le fil du progrès matériel se renoue, la population s’accroit fortement au XIIe siècle, le rythme des innovations s’accélère, comme l’invention du gouvernail, de la boussole, des moulins à eau et à vent, du joug frontal pour les bœufs.
Les villages deviennent des bourgs, les villes, artisanales et commerçantes, se peuplent d’immigrants et débordent hors de leurs vieilles fortifications.
La circulation des informations s’accroit à partir du XIIe siècle, le papier de chiffon atteint l’Europe depuis la Chine. C’est alors que l’Université multiplie les copies, que l’on se met à chercher la vérité dans les vieux livres et qu’un enchaînement de débats se met en mouvement.
Mais ces échanges sont aussi les vecteurs de la peste, comme la mondialisation fut celui du coronavirus. L’année 1348 reste à cet égard le plus grand cataclysme de l’histoire de l’humanité puisqu’elle provoque la baisse de moitié de la population européenne. Il faudra un siècle pour en effacer les conséquences, après de drastiques mesures de confinement, mais il est remarquable qu’elle ne fût qu’un coup d’arrêt dans la progression démographique, dans l’amélioration des conditions matérielles de la vie et dans le développement de la curiosité intellectuelle.
Lorsque la peste recule à force de précautions, la croissance démographique reprend dans un monde traumatisé qui annonce les bouleversements de la Réforme et de la Renaissance.
Le surgissement de l’imprimerie autour de 1450, comme aujourd’hui celui d’Internet, accélère radicalement la transmission des idées entre les quatre cent mille européens capables de lire en latin. Ce groupe de lettrés commence par s’emparer de l’acquis culturel laissé par les générations précédentes, avant de prendre conscience de la nécessité de dépasser les textes anciens pour donner une place centrale à la notion de réalité : Pic de La Mirandole l’exprime bien dans ses neuf cents thèses et Giotto Di Bondone le révèle lorsqu’il peint avec réalisme des misérables soignés par les franciscains.
Allant au-delà des découvertes techniques, des conjectures nouvelles voient le jour. L’une des plus significatives est celle de Copernic en 1543 qui propose une nouvelle vision de l'Univers, une vision intellectuelle tout simplement confirmée par l’expérience, grâce à Galilée. Ce dernier construit une lunette, la tourne vers le ciel et découvre qu’il peut observer, de ses propres yeux, le système de Copernic.
De cette confirmation par l’expérience du système de Galilée émergea un nouveau paradigme quant à la recherche de la vérité. Désormais il devenait « évident » que l’empirisme était la seule et unique méthode pour comprendre le monde. Il faut convenir que les résultats de la méthode empirique furent spectaculaires, en particulier lorsque Newton, observant une pomme tomber de l’arbre, en tira son modèle de gravitation universelle.
Le nouveau principe posait que tout ce qui n’était pas vérifié par l’observation pouvait être remis en cause. Encore fallait-il disposer d’outils de mesure qui furent paradoxalement obtenus grâce au développement des mathématiques, domaine du raisonnement pur s’il en est. C’est ainsi qu’au début du XVIIe siècle, Descartes et Fermat élaborèrent les principes de l’analyse mathématique et que, appliquant ces principes aux ellipses, Kepler établit en 1609 sur la première loi des orbites suivies par les planètes, en s’appuyant sur ses observations.
Une « vérité » fondée sur l’expérimentation ne pouvait que contester une autre « vérité », fondée sur la religion.
À SUIVRE