TOUT VA BIEN DANS MARCOM?
27 Juillet 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE
Le programme MARCOM se mit en place fin 1989 début 1990, dans des locaux mis à sa disposition par le Ministère Bulgare de l’Enseignement.
La prudence nous paraissait de mise, car il s’agissait pour la FNEGE du tout premier programme de formation à la gestion dans un pays de l’Europe post communiste, Jikov ayant été renversé le 10 novembre 1989 par des communistes réformistes.
Ce sont donc ces communistes réformistes qui accueillirent avec bienveillance un programme de formation correspondant à leurs plans pour former les cadres des entreprises qu’ils voulaient faire évoluer.
Nos cours étaient en français et de facture classique, rodés par des formations analogues en Algérie ou ailleurs, nos professeurs étaient expérimentés et nous trouvâmes en Bulgarie de nombreux cadres francophones qui provenaient, si ma mémoire est bonne, de six lycées bilingues à travers le pays.
Tout le monde prenait ses marques, le directeur Branimir Botev, le directeur adjoint Paul Fourquet, les professeurs français qui venaient pour la première fois en Bulgarie et la vingtaine, je crois, d’étudiants cadres qui découvraient les méthodes de l’enseignement universitaire français.
En décembre 1990, je fis une visite à Marcom. Tout semblait fonctionner correctement à l’école. Nous commencions à délivrer des diplômes, les étudiants étaient contents, l’Ambassade comme l’administration bulgare qui se réjouissaient du succès de notre programme.
Et moi aussi, j’étais content, fort satisfait de moi-même, parcourant le monde, semant des écoles partout, en Chine, à Madagascar, en Algérie et concevant un nouveau projet à Prague. J'avais tort, naturellement.
Je visitais Sofia et ses environs en compagnie des Fourquet. La neige recouvrait la ville, surtout aux abords du mont Vitocha qui culmine à 2300 mètres. La nuit, les couloirs de mon hôtel, proche du Parlement, étaient pleins de manifestants au repos qui s’élevaient contre les nouveaux droits octroyés à la minorité turque, mais la ville semblait désormais habituée à l’agitation qui avait suivi la chute du régime communiste. Les artistes bulgares exposaient de véritables chefs d’œuvre dans des galeries qui n’étaient pas encore fréquentées par les touristes. Les yaourts bulgares s’avéraient particulièrement délicieux dans les cafés villageois ornés de leurs fenêtres à petits carreaux entourés de glace.
Tout allait donc bien à Sofia.
Comme d’habitude, rien n’annonçait la tempête à venir.
Pourtant vint un premier signe, dont nous comprimes la signification plus tard, lorsque tout fut accompli.
Notre première surprise vint d’une proposition de projection de MARCOM à Mihaïlovgrad, une ville de cinquante mille habitants, située à cent kilomètres au nord de Sofia, pas très loin du Danube et qui s’appelle désormais Montana. Nous étions étonnés par ce projet parce que Mihaïlovgrad était une ville moyenne, peu connue et peu active. Une extension à Plodiv, la deuxième ville du pays, nous aurait paru plus logique.
Mais l’argument de Botev était que la délégation de communistes (réformateurs) locaux était enthousiaste, qu’ils mettaient de beaux locaux à notre disposition et qu’ils sauraient trouver et mobiliser les stagiaires. Au printemps 1991, nous nous rendîmes donc à Mihaïlovgrad (futur Montana), nous visitâmes des locaux qui sentaient la naphtaline, mais dotés de beaux fauteuils en cuir rouge, nous rencontrâmes des notables qui semblaient réjouis de notre passage et des journalistes locaux qui nous photographièrent en abondance.
À l’usage, la réalité s’avéra plus prosaïque. Il n’y eut aucun programme de formation à la gestion à Mihaïlovgrad et des informateurs bien intentionnés nous expliquèrent plus tard que Botev avait passé un accord avec les notables locaux pour leur permettre d’annoncer une formation « internationale » dans cette petite ville en échange d’une livraison de viande de bœuf à Sofia sur laquelle il aurait reçu une commission.
Tout cela, nous ne le sûmes que trop tard, trop tard pour éviter la catastrophe qui vint.
À SUIVRE