LE POUVOIR CENTRALISÉ DE PHILIPPE LE BEL
28 Décembre 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Les Rois ont très rapidement cherché à accroître leur contrôle sur la société française et cette tendance permanente au renforcement du pouvoir de l’Etat pointe déjà sous Philippe Auguste (1180-1223).
Ce dernier assure la diffusion de l’autorité du monarque par la mise en place des baillis, investis de pouvoirs d’administration, de justice et de finances, qui ne porte que sur son domaine royal, un domaine qui ne comprend pas encore les possessions de ses vassaux, comme la Bretagne par exemple.
Saint Louis (1226-1270), qui succède à Philippe Auguste, acquiert pour sa part une réputation d’arbitre international qui est sanctionnée par sa canonisation, équivalente au prix Nobel de la Paix d’aujourd’hui. Après lui commence à s’affirmer la toute puissance de la monarchie française, qui fait aujourd’hui de la France le seul véritable État centralisé du continent européen, sinon du monde.
Alors que Philippe Auguste régnait en France, la Grande Charte, appelée Magna Carta, était concédée aux Anglais en juin 1215 par Jean sans Terre sous la pression des barons et de l’Église. Elle garantissait à tous les hommes libres le droit de propriété, la liberté d’aller et de venir en temps de paix. Elle donnait aussi des garanties en cas de procès criminel, comme l’impartialité des juges ou la nécessité et la proportionnalité des peines. Elle posait le principe essentiel, pour un régime parlementaire, qu’aucun impôt ne serait levé sans le consentement du Conseil du royaume, un Conseil où siégeaient les barons, les comtes et les hauts dignitaires ecclésiastiques.
Pendant ce temps, les souverains hispaniques ne parvenaient pas encore à obtenir l’unité politique de la péninsule, les principautés italiennes se livraient à des luttes intestines, l’Allemagne était éclatée entre de multiples souverainetés hétérogènes coiffées par un Saint Empire Romain Germanique qui servait de cadre juridique à la cohabitation de princes et de ducs quasi autonomes dirigés par un Empereur qu’ils élisaient eux-mêmes. Mais les habitants du Saint Empire Romain Germanique n’étaient pas les sujets directs de l'Empereur, contrairement aux sujets du Roi de France, car ils avaient soit leur propre seigneur, soit ils appartenaient à une ville d’Empire dirigée par un Maire élu.
Dans cette Europe des libertés et des autonomies, Philippe IV le Bel (1285-1314), Roi de France, agit en sens contraire. Il devient le maître d’œuvre d’une monarchie française qui ne cesse de s’affermir en droit et en fait, dotée d’une très nombreuse administration centrale. C’est lui qui procède massivement à la confiscation des biens des particuliers et à l’expulsion collective des groupes qu’il considère comme des obstacles à son pouvoir.
Il innove aussi en lançant de grandes campagnes d’opinion, en recourant au nom de la raison d’État, à la calomnie, à l’intimidation et à la désignation de boucs émissaires individuels ou collectifs. L’affaire des Templiers est ainsi montée de façon à attiser les fantasmes d’une population appauvrie par l’Etat et la conjoncture. On voit les conseillers du roi accuser sans vergogne les Templiers d’être secrètement affiliés à l’islam, de cracher sur la croix ou de pratiquer des rites obscènes, avec pour objectif central d’obtenir l’adhésion de l’opinion publique à la confiscation de leurs biens.
Au total, Philippe le Bel n’a de cesse d’accroître sa puissance par la guerre et par de nouveaux carcans administratifs. Il est le premier à oser dévaluer la monnaie.
En mettant en œuvre pendant ses vingt-neuf années de règne la plupart des outils de pouvoir qui fondent encore aujourd’hui la spécificité de la France, Philippe Le Bel se retrouve à la tête d’un Etat puissant qui compte plus de sujets que tout autre Etat en Europe.
Il reste que ses difficultés financières le contraignent à convoquer des assemblées appelées à le soutenir par des subsides, les premiers « États Généraux », dont on retrouvera l’écho à l’aube de la Révolution Française. Il échoue aussi dans sa tentative d’inventer l’impôt permanent en raison de l’incapacité de son administration, encore trop faible, à fixer l’assiette de l’impôt.
Après le règne de Philippe le Bel, les XIVe et XVe siècles furent des temps de crise. La guerre de Cent Ans entraîna la révolte des campagnes et des villes, ce qui provoqua en retour un nouveau durcissement du corset étatique et fiscal de la France.
À SUIVRE