VERS DES NÉGOCIATIONS TENDUES À TIANJIN
4 Décembre 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE
Dans le cadre de la prestigieuse Université Nankai, les cours de français pour les futurs étudiants chinois du programme de gestion du MAE (master en administration des affaires) ont donc commencé sans encombre à Tianjin en septembre 1989.
Il s’agissait en effet de former au français des adultes qui n’avaient pour la plupart aucune notion de français, mais qui possédaient des notions convenables en anglais, ce qui nous laissait espérer une capacité avérée à apprendre une autre langue. À l’issue de cette année, un examen était organisé pour ne laisser passer en seconde année, celle de la formation à la gestion, que les étudiants capables de comprendre les cours dans notre langue. Notre objectif était bien sûr de former, puisque ce programme était financé par la France, de futurs cadres qui travailleraient avec ou dans les entreprises françaises installées en Chine.
La formation était donnée à Tianjin, immense métropole côtière aujourd’hui, ville moins importante mais surtout beaucoup moins fréquentée par les étrangers en 1989. Les premières plantations de vignes s’effectuaient dans la région, sous la direction de quelques employés de Remy Martin et c’étaient les seuls Français de Tianjin, à l’exception de notre professeur de français, Madame Crochemore.
Madame Crochemore, un professeur de Français d’une cinquantaine d’années, accompagnée de sa fille âgée de douze ans, de son chat, d’un piano et de quelques malles, avait accepté de venir de Dijon pour tenter une double aventure, culturelle et pédagogique. Au bout d’une année, on va le voir, elle jeta l’éponge sans dommage pour le programme car nous avions trouvé sur place des professeurs de français, mais à Beijing cette fois plutôt qu’à Tianjin.
Voici ce qui s’est passé :
Après la tempête du printemps de Pékin qui avait failli précipiter notre programme dans l’abime, tout se passait bien à Tianjin en cet automne 1989. Madame Crochemore enseignait à la satisfaction générale, semblait-il, elle-même ne semblait pas mécontente de son sort malgré sa solitude, et les étudiants apprenaient avec énergie le français, y consacrant plutôt 80 heures par semaine que nos traditionnels 35 heures, en écoutant, entre autres, RFI en ondes courtes pour en faire des comptes rendus.
Tout le monde était content, sauf moi. En effet, je voyais arriver avec inquiétude l’année suivante. Ce serait le temps où nous enverrions des professeurs d’université, au rythme d’un par mois, pour quinze jours de cours intensifs, avec deux difficultés, celle du voyage et celle du séjour. Le voyage à Tianjin depuis la France supposait une escale à Beijing, une nuit d’hôtel suivi d’un déplacement en train jusqu’à Tianjin, soit un jour aller et un jour retour de perdus pour dix jours de cours. En outre, le séjour à Tianjin serait austère pour mes collègues, privés de contacts et de sorties.
C’est pourquoi je comptais bien transférer notre programme de Tianjin à Beijing, profitant de ce que le conseiller culturel, instigateur du programme à Tianjin avait été muté vers un autre pays. Pour cela, j’avais, avec la FNEGE, recherché un autre partenaire, de mémoire l’université internationale de Beijing, avec qui nous avions ouvert des négociations préalables. Il me restait à trouver un prétexte. Or nos interlocuteurs chinois, toujours parfaitement prévisibles en ce qui concerne leur appétit financier, me l’ont offert sur un plateau.
Il était prévu d’effectuer, à mi-parcours de la formation au français, une visite d’évaluation de l’avancement du programme, visite que la FNEGE m’a chargé d’effectuer. C’était en janvier 1990. Il faisait un froid glacial à Beijing et guère moins froid à Tianjin. Je me souviens que j’avais acheté un confortable anorak vert bouteille, qui n’est pas ma couleur favorite, mais enfin il tenait chaud. Un vent glacé soufflait de l’ouest, m’accompagnant sans vergogne jusqu’à Tianjin où m’attendait au grand complet l’état-major de l’Université Nankai réuni pour cette première coopération franco chinoise qui se tenait chez eux. Il y avait même le ministre chargé des relations internationales pour la province du Hebei, qui n’avait pas encore été amputée de la communauté urbaine de Tianjin.
Tout ce monde qui me faisait face s’était aligné sur une longue estrade couverte d’une épaisse draperie verte, toutefois pas vraiment en harmonie avec les couleurs de mon anorak. Dans la salle, face à eux, je me suis retrouvé seul. Même l’interprète était assis à un coin de la tribune.
C’était intimidant, mais la situation était moins dangereuse qu’en juin 1989. Et les discours ont commencé, en chinois ensuite traduit en français, ce qui m’a laissé le temps de comprendre et de réagir…
À SUIVRE