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Le blog d'André Boyer

EDF AMPUTÉ AU NOM DU PRINCIPE DE CONCURRENCE

12 Février 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

EDF AMPUTÉ AU NOM DU PRINCIPE DE CONCURRENCE

L’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH) permet aux fournisseurs privés d’énergie d’avoir accès à une partie de la production d’électricité nucléaire d’EDF.

 

Voici ce qu'il s'est passé: dans les années 1970, à la suite des différents chocs pétroliers, les gouvernements successifs sous la présidence de Georges Pompidou et de Valery Giscard d’Estaing, ont décidé de développer un important réseau de centrales nucléaires afin d’obtenir l’indépendance de la France en matière de production d’électricité.

Ce réseau de centrales nucléaires, fort de 56 unités, fournit, par les soins d’EDF, environ les deux tiers de l’énergie électrique consommée en France. Mais la distribution de l’énergie électrique a progressivement évolué, car, en 1999, l’État a autorisé les entreprises consommant plus de 100 GWh (voir infra: lexique des abréviations) d’électricité à se fournir ailleurs qu’auprès d’EDF. Le marché de l’électricité s’ouvrait encore un peu plus à la concurrence en 2004, avec l’accès de cette électricité fournie par les concurrents d’EDF à tous les professionnels et aux collectivités, puis à tous les particuliers en 2007.

Tout se passait bien pour les concurrents d'EDF qui pouvaient acheter à bas prix de l’électricité fournie par les centrales à pétrole, à gaz et à charbon sur le marché européen. Peu importe alors la pollution, vive la concurrence qui permettait aux consommateurs d’obtenir des prix bas et aux fournisseurs de faire des profits !

La situation changea dès 2004 lorsque les prix du pétrole remontèrent, ce qui fit perdre toute compétitivité aux concurrents d’EDF. Les industriels, clients des concurrents d’EDF, voulurent alors revenir à ses doux tarifs verts, mais le droit européen l’interdisait pour une raison incompréhensible, si ce n’est celle de porter atteinte au pouvoir monopolistique d’EDF.

Pour aider les industriels, l’Assemblée nationale et le Sénat votèrent en 2006 une loi permettant aux industriels d’acheter l’électricité à un tarif un peu plus élevé que le tarif vert, le TaRTAM (Tarif Réglementé Transitoire d’Ajustement du Marché). Mais la Commission européenne s’y opposa et engagea une procédure contre la France en juin 2007, car, selon elle, ce système faussait le jeu de la concurrence, en clair favorisait EDF.

Pour satisfaire la Commission Européenne, le gouvernement Fillon demanda en 2008 à une commission, la Commission Champsaur, de plancher sur des solutions qui ne mettent pas en danger la production nucléaire française. Cette dernière remit en 2009 son rapport à Jean Louis Borloo, ministre de l’Écologie et Christine Lagarde, alors ministre de l’Économie. Ce rapport proposa l’instauration d’un accès « régulé » à l’énergie nucléaire et hydraulique d’EDF pour ses concurrents, qui bénéficiaient ainsi, sans contrepartie à ma connaissance, des investissements de l’État.

Ce rapport donna lieu à la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l'Électricité) supposée être au bénéfice du consommateur, qui entra en vigueur le 1er juillet 2011. `

Cette loi NOME permet aux consommateurs de revenir à tout moment aux tarifs réglementés d’EDF, encore que cette possibilité ait depuis disparu. Elle oblige aussi les autres fournisseurs d’électricité à disposer de capacités auprès d’un ou plusieurs producteurs et elle offre aux concurrents d’EDF un Accès Régulé à l’Énergie Nucléaire Historique (ARENH) aux conditions équivalentes à celles dont dispose EDF, pour la période 2011 à 2025.

Dans le cadre de l’ARENH, EDF est donc contraint de céder tous les ans à ses concurrents, à prix coûtant, 100 TWh d’électricité nucléaire sur les 360 TWh qu’il produit annuellement à partir des centrales nucléaires. Ce prix est actuellement fixé par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) à 42 €/MWh.

Pour obtenir une augmentation de ce prix après 2025, EDF est en train de marchander avec la Commission Européenne. En échange d’une augmentation du prix dans le cadre de l’ARENH, EDF est prêt à se scinder en deux EDF, un « EDF Bleu », nationalisé à 100% centré en majorité sur les activités nucléaires et un « EDF Vert » partiellement privatisé et en charge du développement des énergies renouvelables. Les salariés d’EDF y sont opposés et la Commission européenne, hostile à EDF, y est bien sûr favorable.

Voici quelle était la situation du marché de l’électricité en France, ignorée de 99% de ses utilisateurs, lorsque, patatras, les prix du marché européen de l’électricité se sont mis à flamber. Si l’on avait maintenu les règles de la loi NOME, les concurrents forcés de s’approvisionner en partie sur le marché libre auraient disparu.

Qu’a donc fait le gouvernement pour sauver les concurrents d’EDF ? Il a découvert qu’il avait le droit d’augmenter le volume d’électricité distribué à prix coutant par EDF et l’a fait passer de 100 à 120 TWh, soit 40% de la production d’EDF bradée à un prix légèrement augmenté, de 42 à 46,2 Euros par MWh, entre le 1er avril et le 31 décembre 2022. En clair, cela signifie qu’EDF achète son énergie électrique manquante à un prix variable à chaque instant et qui peut atteindre 300 euros par mégawatt pour le revendre à 46,2 euros et qu’il perd dans l’affaire environ 7 milliards d’euros dans l’année pour subventionner ses concurrents.

 

Derrière la mise en danger d’EDF dont nous analyserons la logique, se pose la question de la capacité de la France à disposer d’une énergie suffisante et la question de son coût, dans le contexte de la politique de l'UE et des diverses politiques énergétiques nationales développées en Europe.

 

Lexique:

un mégawatt-heure (MWh) = 1 000 kWh

un gigawatt-heure (GWh) = 1 000 MWh = 1 000 000 kWh 

un térawatt-heure (TWh) = 1 000 GWh = 1 000 000 MWh = 1 000 000 000 kWh

À SUIVRE

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