LA GUERRE D'UKRAINE N'AURA PAS LIEU
27 Février 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
Même les plus ahuris de nos concitoyens ont pris conscience que Poutine avait donné l'ordre, le 24 février 2022, d'envahir l'Ukraine pour la remettre au pas. À la suite de cet évènement, ce peut être, ou ne pas être, l'occasion de remettre nos idées en place.
Les médias s'emploient avec ferveur à nous fournir une lecture convenable des évènements: Poutine est fou, les Ukrainiens résistent et nous avons pris des sanctions qui vont faire trés mal à la population russe qui se retournera immanquablement contre le dictateur.
Il s'agit de nous rassurer en nous disant que ce qui est en train de se passer en Ukraine n'est pas normal et que nous allons revenir, après un temps plus ou moins long de crise, à la situation antérieure. Merci de chercher à nous rassurer, mais cette lecture de la "crise ukrainienne" me parait totalement irréaliste.
Il s'agit au contraire d'un basculement d'une situation dans laquelle nous somnolions tranquillement vers un état de veille nettement moins confortable.
Nous dormions, lorsque nous pensions mollement que Poutine n'oserait jamais attaquer toute l'Ukraine, au plus un petit bout du Donbass. Je le pensais moi-même, y compris lorsque j'entendais la CIA nous annoncer une attaque imminente : ces crétins de la CIA, ai-je ricané ! Poutine ne le fera jamais, parce que c'est trop risqué...Je me trompais.
Pourtant, je savais que Poutine avait fortement perfectionné son outil militaire, y compris en développant des armes hypersoniques qu'il est le seul à posséder à ce jour. Le 3 mai 2020*, dans un billet intitulé "Aux confins de la peur" j'écrivais, entre autres, ceci, en gras déjà: "Les États-Unis se trouvent pour la première fois de leur histoire dans une situation d’infériorité technologique face à la Russie sur le plan militaire."
Et je concluais en notant que "sans même imaginer que l’on ne puisse jamais utiliser de telles armes, les conséquences de leur seule existence sont à venir, en termes de rapports de force et donc d’alliances, dont on voit les prémisses au Moyen-Orient."
On les voyait en effet, ces prémisses, en Syrie.
Mais je n'avais pas su tirer les conséquences de ce que j'écrivais il y a bientôt deux ans, à savoir que la Russie avait les moyens militaires d'agir à sa guise, d'autant plus qu'elle possédait désormais la deuxième armée conventionnelle du monde, derrière les USA, mais devant la Chine, l'Inde et la France.
En revanche, il ne m'avait pas échappé que les Russes en général, et Poutine en particulier, avaient fortement été humiliés par les évènements qui ont suivi la chute de l'URSS, fin 1991, l'époque de Gorbatchev et d'Eltsine, la profonde détresse du peuple soviétique, les pensions payées en monnaie de singe, la famine et la Russie bafouée par les États-Unis qui n'ont jamais respecté leur engagement de ne pas étendre l'OTAN aux frontières de la Russie.
J'ai observé aussi comment ce mépris de la Russie s'est traduit par le bombardement de la Serbie, jusqu'à ce que cette dernière consente, exsangue, au détachement par la force du Kosovo qui était à la fois une partie de son territoire et le lieu fondateur de son identité. Mais ce fut aussi accorder à Poutine un permis d'intervenir militairement où il le souhaitait, en Syrie, en Géorgie et maintenant en Ukraine.
J'ai observé comment les Russes ont continuellement été traités avec un mépris condescendant, en premier lieu par les Britanniques. Ils ont été successivement accusés d'être des tricheurs, avec leur exclusion pour dopage dans les compétitions sportives internationales, des assassins au travers de troubles accusations d'empoisonnement, des usurpateurs du fait du rôle des oligarques. La Russie n'était qu'un vulgaire fournisseur de gaz, dont le PIB, guère plus élevé que celui de l'Italie, ne lui donnait pas la parole sur la scène mondiale.
En Ukraine, j'ai observé comment les Occidentaux ont organisé sans aucune gêne un coup d'état en 2014**, avec la complicité active de Laurent Fabius, accompagné par les Ministres des affaires étrangères allemand et polonais qui ont persuadé le Président Ianoukovytch de céder à l'opposition. Cette dernière l'accusait de résister à l'UE qui voulait le contraindre à renoncer à un traité d'amitié avec la Russie. Face à l'émeute fortement soutenue par les Européens et les Américains, il fut contraint de fuir en Russie avant d'être illégalement destitué.
J'ai observé comment l'Ukraine, dirigée depuis 2014 par des gouvernements pro-occidentaux, a mené une bataille permanente sur le front du Donbass où elle a mobilisé jusqu'à cent mille hommes, coupé l'eau à la Crimée depuis 2014, signé les accords de Minsk le 5 septembre 2014*** puis refusé obstinément de les appliquer, ces accords prévoyant notamment un cessez-le-feu, une zone démilitarisée sur la ligne de contact et un dialogue pour la création d'un statut spécial relatif aux régions en conflit de Donetsk et de Lougansk.
J'ai observé comment les parties prenantes européennes, France et Allemagne, n'ont fait aucun effort pour que ces accords soient appliqués par l'Ukraine. La conclusion de mon billet était la suivante : "Il reste encore à stabiliser le pays en le dotant d’un pouvoir politique légitime et d’un accord de bon voisinage avec la Russie. Un autre régime donc."
À la suite de tous ces évènements, nous voici arrivés à une guerre et à ses conséquences, qui restent à comprendre.
* Dans un billet intitulé "Aux confins de la peur"
** Voir mon billet "Coup d'État à Kiev" du 24 février 2014
*** Voir mon billet "L'Ukraine au bord du Rubicon" du 19 février 2017
À SUIVRE