LE TOKAMAK D'ITER
17 Avril 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
Il est question en Europe de relancer les bonnes vieilles centrales destinées à produire de l’énergie à partir de la fission nucléaire de gros atomes d’uranium que l’on scinde en deux. Mais qu’en est-il de la piste de la fusion nucléaire ?
La fusion nucléaire, c'est l'inverse de la fission, puisqu'au lieu de casser de gros noyaux, on en rassemble deux légers, typiquement des noyaux d'hydrogène qui se lient entre eux pour donner de l'hélium.
L'avantage de la fusion sur la fission provient de ce qu'elle ne génère pas de déchets radioactifs à vie longue. Elle est également plus sûre que la fission, car elle s'arrête spontanément si le plasma redescend en dessous des seuils critiques de température et d'électricité.
En revanche, la fusion nucléaire est difficile à contrôler car la température du plasma doit être maintenue à une température extraordinairement élevée, 150 millions de degrés, dix fois celle qui règne au centre du soleil.
Pour résoudre ce problème, il faut organiser un confinement magnétique dans lequel on piège les particules de plasma, noyaux et électrons et, parmi les différentes solutions expérimentées, le tokamak s'est imposé.
Tokamak est un acronyme qui signifie en russe "chambre toroïdale avec bobines magnétiques". Ce type de chambre magnétique a été inventé par plusieurs physiciens soviétiques dans les années 50, dont les deux prix Nobel, Igor Tamm et Andrei Sakharov. Cette chambre a la forme d'un tore, ou d'une bouée, dotée d'aimants verticaux qui entourent la chambre où est confiné le plasma.
Un projet international public a été organisé, accompagné de nombreuses initiatives privées ou publiques partout dans le monde. Ce projet public, c'est ITER qui signifie en anglais " réacteur thermonucléaire expérimental international" et en latin tout simplement "chemin". Le projet a démarré en 1988, rassemblant 35 pays qui comprennent tous les pays de l'Union Européenne, les États-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud, le Royaume Uni et la Suisse.
En 2005, le site de Cadarache, en France donc, a été retenu. La structure en béton qui abritera la machine est désormais achevée et l'assemblage de la machine a déjà commencé. À ce jour, un complexe de trois bâtiments de 60 mètres de haut et de 120 mètres de large a été construit et le tokamak, en construction, pourra accueillir 800 mètres cubes de plasma dans une chambre à vide qui pèse 5000 tonnes. Il faudra y placer de gigantesques aimants pour délimiter la chambre et éviter que le plasma ne rentre en contact avec l'enceinte, tandis que, pour atteindre les 150 millions de degrés nécessaires à la fusion du deuterium et du tritium, plusieurs dispositifs participeront au chauffage du plasma.
Ce plasma est composé de deuterium facilement accessible par distillation, par exemple à partir de l'eau de mer et de tritium, qui n'existe pas à l'état naturel et qui sera produit ailleurs, en attendant de parvenir à le produire directement dans le réacteur. Il est prévu d'obtenir le premier plasma sans fusion aprés 2025 et le premier plasma avec une fusion "deuterium-tritium" en 2035. Aprés ITER, il est prévu en outre de construire un deuxième réacteur, DEMO (Demonstration power plant) qui démarrera en 2050 et qui est destiné à faire la transition avec le passage à la production industrielle.
Ce projet s'inscrit dans l'objectif prioritaire d'arrêt de l'utilisation des ressources fossiles, charbon, gaz et pétrole afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Dans ce cadre, la fusion nucléaire a pour objectif d'offrir une solution supplémentaire parmi les différentes solutions, que ce soit les énergies renouvelables comme l'hydraulique, le solaire et l'éolienne ou la fission nucléaire.
C'est donc une option qui n'a sans doute pas vocation à être déployée partout, mais qui pourrait être connectée prés des grandes villes ou dans des bassins industriels. Or, il faut se souvenir que la fusion présente de nombreux avantages par rapport à la fission nucléaire :
- Les réserves de combustibles sont abondantes.
- Il n'y a aucun risque d'emballement ou d'explosion, puisque, si l'on arrête de chauffer le plasma, la réaction cesse.
- Dans un réseau intelligent, les réacteurs à fusion peuvent être allumés ou éteints plus facilement que les réacteurs à fission.
- Les déchets radioactifs sont limités et peu dangereux.
Reste à laisser le temps aux chercheurs et aux ingénieurs de surmonter les nombreux défis technologiques qu'entrainent la nécessité d'avoir de très hautes températures dans les chambres de combustion des réacteurs...