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Le blog d'André Boyer

LES PREMIÈRES SANCTIONS MASOCHISTES DE L'HISTOIRE

14 Juillet 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

L'EURO BAISSE, LE ROUBLE MONTE

L'EURO BAISSE, LE ROUBLE MONTE

Iran, Syrie Irak, Corée du Nord, Venezuela, Cuba et tout récemment Russie, les sanctions pleuvent. Solution miracle qui contraint les pays sanctionnés à plier devant le droit international ou solution de facilité qui cache un échec total?

 

Le système des sanctions ne date pas d'hier et ce ne sont pas les États-Unis qui l'ont inventé même s'ils l'utilisent jusqu'à plus soif. Car Machiavel écrivait déjà au XVe siècle : "Il vaut mieux triompher de son ennemi par la faim que par le fer" et, durant la Première Guerre Mondiale, les pays de la Triple-Entente avaient mis en place un embargo sévère à l'encontre de la Triple-Alliance, affaiblissant l'Empire allemand et provoquant des centaines de milliers de morts, selon les historiens.

Aujourd'hui, une sanction économique internationale consiste à faire pression sur un pays en tentant de le priver de ses ressources économiques dans le but (officiel) de le faire changer de comportement. Les sanctions deviennent ainsi une arme de substitution à la force militaire.

Au fond, il s'agit d'utiliser les sanctions pour faire la guerre à un pays sans effusion du sang, du moins visible, car les opinions publiques s'offusquent naturellement des horreurs de la guerre. C'est pourquoi Madeleine Albright, secrétaire d'État sous Bill Clinton, a été particulièrement imprudente lorsque, pour se défendre des crimes de guerre contre l'humanité dont on l'accusait en raison de son soutien aux sanctions internationales contre l'Irak qui auraient provoqué la mort de 500 000 enfants irakiens,  elle déclara que c'était une « décision difficile » mais qu'en définitive cela « en valait la peine"!

Les sanctions ont donc l'avantage d'être acceptables par l'opinion publique, ce qui a fait dire au Ministre des Finances, Bruno Lemaire, lorsque l'attaque de l'Ukraine par la Russie a débuté : "Nous allons livrer une guerre économique et financière totale à la Russie", dans le but officiel de la gagner mais avec pour effet direct de punir les populations européennes, ce  qu'il n'avait apparemment pas envisagé.

Car peut-on  vraiment gagner une guerre en appliquant des sanctions? On cite toujours le cas de l'Afrique du Sud qui aurait renoncé à l'apartheid sous le poids des sanctions. Mais deux données spécifiques expliquent ce succès: tout d'abord, l'ensemble, ou très peu s'en faut, de la communauté internationale a respecté de stricts embargos dans les années 1970 et 1980 contre l'Afrique du Sud pour obtenir l'abolition des lois ségrégationnistes. Ensuite la classe dirigeante d'Afrique du Sud faisait partie de la classe dirigeante anglo-saxonne, elle ne pouvait donc pas se couper très longtemps de cette dernière, en raison de ses intérêts croisés et de sa culture.  

Mais l'Afrique du Sud reste le seul cas moderne du succès des sanctions. L'échec le plus célébré est certainement Cuba. Le 25 janvier 1962, toutes les relations, diplomatiques, commerciales et aériennes, ont été supprimées entre Cuba, les pays d'Amérique Latine et la plupart des alliés occidentaux des États-Unis. Cet embargo avait pour objectif de faire plier le régime de Fidel Castro, qui avait le double défaut d'être communiste et irrespectueux des droits de l'homme. Or le soutien sans faille de l'URSS à cet allié essentiel, l'adaptation de l'économie cubaine à l'embargo et l'essoufflement des sanctions expliquent que, soixante ans plus tard, le régime politique n'a toujours pas changé à Cuba.

Mais les sanctions, dont la France est également friande*, sont non seulement inefficaces mais parfaitement immorales, car les premières victimes en sont les populations civiles. Le cas de l'Irak est l'un des plus scandaleux, puisque l'embargo sur les médicaments a généré des centaines de milliers de morts, tandis que cet embargo sur les médicaments s'applique actuellement à l'Iran. La population civile de Syrie a, de son côté, subit une double peine, avec une décennie de guerre civile conclue par des sanctions économiques pour punir le régime syrien : c'est ainsi qu'aujourd'hui 14 millions de Syriens relèvent d'une aide humanitaire et que les défenseurs des droits de l'homme deviennent des bourreaux de l'humanité. En clair, tant qu'il n'y aura pas de vote contrôlé par les Nations Unies en Syrie, pas de médicaments pour les enfants syriens!

Il reste tout de même l'aspect symbolique des sanctions qui ont au minimum l'avantage de montrer à l'opinion publique mondiale que l'on ne peut pas violer impunément. Mais encore faut-il que les mêmes règles s'appliquent à tous. Or elles s'appliquent aujourd’hui à la Russie mais elles  ne se sont pas appliquées aux États-Unis et à leurs alliés lorsqu'ils ont attaqué la Serbie et détaché le Kosovo de son territoire national en 1999. Du coup le symbole de la sanction, au lieu d'être vue comme une juste punition internationale, offre l'image d'un vulgaire outil de puissance.

En matière de sanctions, on ne les avait encore jamais vu prendre une forme aussi baroque que contre la Russie. En effet, les sommets en matière de contre productivité des sanctions sont atteints puisqu'elles frappent plus une partie des pays qui appliquent les sanctions, l'Union Européenne et la Grande Bretagne, et les pays tiers, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud que le pays théoriquement visé, la Russie. Les Russes souffrent certes beaucoup de la vente à perte de Mc Donald a un concurrent russe car je ne suis pas sûr que la qualité des hamburgers n'en pâtisse pas (encore que), tandis que les Européens souffrent et souffriront fortement de la pénurie de gaz et de céréales.

S'y l'on y ajoute qu'une grande partie du monde, à commencer par la Chine et l'Inde, n'appliquent pas les sanctions occidentales, on voit une grande nouveauté apparaitre sur la scène des sanctions internationales, à savoir des sanctions que des pays s'appliquent à eux-mêmes, au premier rang desquels campe l'Allemagne.

 

Cela n'entre pas dans le champ d'analyse de ce billet, mais il reste donc à prévoir combien de temps les premières sanctions masochistes de l'histoire tiendront...

 

* La France n'est pas en reste en matière de sanctions qu'elle applique à 24 pays, militaires pour la Lybie, la Corée du Nord, le Zimbabwe, l'Iran, sectorielles pour le Venezuela, la Somalie, la Syrie, l'Irak, l'Iran, la Russie et la Corée du Nord. Il s'y ajoute les sanctions mises en place par l'UE.  

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