BORDEAUX SOUS LA TERREUR
1 Avril 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Voici ce qui se passa à Bordeaux, après la mort du roi, selon le témoignage de la marquise de la Tour du Pin :
« La ville de Bordeaux, animée par les Girondins qui n’avaient pas voté la mort du roi, était en état de demi-révolte contre la Convention. Mais Bordeaux ne possédait pas, loin de là, l’énergique courage de la Vendée (…) Pouvait-on présumer qu’une ville de 80000 âmes se soumettrait sans résistance à 700 misérables, appuyés par deux canons seulement, tandis qu’une troupe d’élite, composée de tous les gens les plus distingués de la ville, était rangée derrière une nombreuse batterie en avant de la porte ? »
Pourtant, le matin du 13 septembre 1793, « l’armée révolutionnaire » entra dans Bordeaux…
La marquise de la Tour du Pin poursuit son récit :« Moins d’une heure après, tous les chefs fédéralistes étaient arrêtés et emprisonnés. Le tribunal révolutionnaire entra aussitôt en séance et il siégea pendant six mois, sans qu’il se passât un jour qui ne vit périr quelque innocent.
La guillotine fut établie en permanence sur la place Dauphine.
« La terreur dans la ville était telle qu’un ordre ayant été placardé prescrivant aux détenteurs d’armes, de quelque nature qu’elles fussent, de les porter avant midi du lendemain, sur la pelouse du Château-Trompette, sous peine de mort, on vit passer dans les rues des charrettes où chacun allait jeter furtivement celles qu’il possédait, parmi lesquelles on en remarquait qui n’avait pas servi depuis deux générations. On les empila toutes sur le lieu indiqué, mais il ne vint à personne la pensée qu’il eut été plus courageux d’en faire usage pour se défendre. »
La Terreur a aussi inventé les cartes de rationnement, qui ont fini par couter la vie à Robespierre et ses amis :
« Le jour même de l’entrée des représentants du peuple, on avait publié et affiché ce que l’on nomma le maximum. C’était une ordonnance en vertu de laquelle toutes les denrées, de quelques natures qu’elles fussent, étaient fixées à un prix très bas, avec interdiction, sous peine de mort d’enfreindre cette ordonnance »
Que produisit donc ce blocage des prix, peine de mort ou pas peine de mort ? : « Il en résulta que les arrivages cessèrent à l’instant. Les marchands possesseurs de grains les cachèrent plutôt que de les vendre à meilleur marché qu’ils ne les avaient achetés, et la famine conséquence naturelle de cette interruption des échanges fut imputée à leur incivisme. »
« On nomma alors, dans chaque section, un ou plusieurs boulangers chargés de confectionner du pain, et ils reçurent l’ordre formel de n’en distribuer qu’à ceux qui seraient munis d’une carte délivrée par la section. Il en fut de même pour les bouchers. On fixa la quantité de viande, bonne ou mauvaise, à laquelle on avait droit quand on était muni d’une carte semblable à celle destinée au boulanger. Les marchands de poisson, d’œufs, de fruits et de légumes abandonnèrent les marchés. Les épiciers cachèrent leurs marchandises, et l’on ne pouvait obtenir que par protection une livre de café ou de sucre.
On aura peine à croire à un tel degré d’absurdité et de cruauté, et surtout qu’une grande ville tout entière se soit docilement soumise à un pareil régime. Le pain de section, composé de toutes espèces de farine, était noir et gluant, et l’on hésiterait maintenant à en donner aux chiens. »
La marquise de la Tour du Pin décrit aussi les manifestations contre l’Église:
«La Terreur était à son comble à Bordeaux. L’horrible procession qui marqua la destruction de toutes les choses précieuses possédées par les églises de la ville venait d’avoir lieu. On rassembla toutes les filles publiques et les mauvais sujets. On les affubla des plus beaux ornements trouvés dans les sacristies de la cathédrale, de Saint-Seurlin, de Saint-Michel, églises aussi anciennes que la ville et dotées, depuis Gallien, des objets les plus rares et les plus précieux. Ces misérables parcoururent les quais et les rues principales. Des chariots portaient ce qu’ils n’avaient pu mettre sur eux. Ils arrivèrent ainsi, précédés par la Déesse de la Raison, représentée par je ne sais quelle horrible créature, jusque sur la place de la Comédie. Là, ils brûlèrent, sur un immense bûcher, tous ces magnifiques ornements. »
Ces faits n’étaient pas propres à Bordeaux, Ils eurent lieu aux quatre coins de la France.
À SUIVRE