UN AUTOMNE AVEC SCHOPENHAUER
19 Octobre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
Né à Dantzig (Gdansk), Arthur Schopenhauer (AS) a vécu entre 1788 et 1860, mais il aurait pu vivre n'importe quand, puisque, selon lui, l'histoire est un mensonge.
Schopenhauer publia en 1819 la 1ere édition de sa grande œuvre, Le monde comme volonté et comme représentation. Avant d'en analyser le contenu, il me semble intéressant de parcourir sa vie afin de comprendre comment il a été conduit à écrire cet ouvrage et ce qui s'est passé pour lui, après le lancement de son œuvre qui a failli le dévorer.
La mère d’AS, Johanna Trosiener, avait 19 ans quand elle s’est mariée avec son père, Henri Schopenhauer, un riche commerçant de 38 ans. Son père choisit le prénom d’Arthur, pour le préparer au métier de commerçant européen auquel il le destinait, parce qu’il avait la vertu d’être international.
AS semblait donc né sous une bonne étoile. Lorsqu’il eut cinq ans en 1793, sa famille quitta Dantzig pour la ville libre de Hambourg, afin de fuir l’occupation prussienne, qui n’était pas apparemment appréciée par tous. Sa sœur naquit neuf ans après Arthur, en 1797, et c’est aussi l’année où son père décida de s’occuper de son éducation de futur commerçant : son avenir montrera que le futur est aussi un mensonge.
L’éduquer à être commerçant signifiait pour son père l’étude des langues et les voyages. À neuf ans (à neuf ans !) il l’envoya chez son correspondant au Havre pour qu’il y apprenne le français, en plein Directoire et pendant deux années. L’éducation était apparemment rude à l’époque et l’affection paternelle lointaine…
De retour à Hambourg, il ne cessa pas de suivre son père lors de ses déplacements commerciaux en Allemagne. Puis, lorsqu’il acheva ses études commerciales à 15 ans (on ne faisait pas d’écoles de commerce entre 18 et 23 ans à l’époque) son père l’envoya pendant un an et demi voyager en Europe, de mai 1803 à septembre 1804. Il séjourna assez longtemps à Londres pour parler ensuite couramment anglais et il voyagea aussi en France, en Savoie, en Suisse, en Bavière et en Autriche, qui devaient être des destinations commerciales courantes de son père.
À 16 ans, il devint un employé de l’entreprise familiale. Évidemment, cette activité à laquelle l’avait destiné son père ne l’intéressait pas, sinon on n’écrirait pas sur lui comme philosophe. Néanmoins, il s’y plia jusqu’à ce que son père meure en avril 1806, moins de deux ans après son retour, en tombant, volontairement dit-on, dans un canal situé derrière la maison. Sa thèse du « vouloir vivre » est sans doute liée à cet évènement fondateur de sa propre vie.
Sa mère, âgée de 40 ans et peu portée sur les activités commerciales, vendit le fonds de commerce pour s’installer à Weimar où elle comptait exercer ses talents littéraires, ce qu’elle fit avec succès. Comme toujours à cette époque, elle tint un salon auquel participa son fils qui y rencontra Goethe, avec lequel il se lia profondément d’amitié.
Pour sa part, AS entama des études littéraires à Weimar, puis, à 21 ans, des études philosophiques à Göttingen et à Berlin. Comme tous les bons étudiants qui ont besoin de modèles pour avancer, il subit de façon excessive l’influence de ses professeurs, en l’occurrence le philosophe Schultze à Göttingen. Il en tira cependant la substantifique moëlle en retenant qu’il existait quatre références essentielles en philosophie, Kant et Platon en premier, Aristote et Spinoza en second : on saurait plus mal choisir.
Armé de ce viatique, Il se rendit ensuite à Berlin de 1811 à 1813 pour mettre un point final à ses études. Il avait l’intention d’écouter Fichte, mais ce dernier n’eut pas l’heur de le convaincre et il quitta Berlin pour soutenir sa thèse à 25 ans, avant de retrouver Goethe à Weimar qui resta l’un de ses inspirateurs, mais aussi de se brouiller avec sa mère, ce qui aura l’avantage de l’obliger à s’installer seul à Dresde où il écrira son grand œuvre.
Cette grande œuvre, il lui faudra quatre ans pour l’achever, jusqu’à ce qu’il confie en septembre 1818 à son éditeur Le monde comme volonté et comme représentation, avant de partir, le cœur tranquille, pour un long voyage en Italie, tandis que son ouvrage paraissait au début de 1819.
Le cœur tranquille…
Il ne savait pas, comme beaucoup de doctorants lorsqu’ils mettent un point final à leurs thèses, que l’achèvement de sa grande œuvre signifiait le début de ses ennuis et de ses déceptions.
À SUIVRE