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Le blog d'André Boyer

GENEALOGIE DE LA MORALE

7 Décembre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

NIETZSCHE DE LA MAIN DE NIETZSCHE

NIETZSCHE DE LA MAIN DE NIETZSCHE

En 1887, Nietzsche publie sa Généalogie de la morale après une série d’essais publiés à un rythme soutenu: Par-delà le bien et le mal (1886), La Naissance de la tragédie (1872), Considérations inactuelles (1873-1876)Humain, trop humain (1878), Aurore(1881), Le Gai Savoir (1882) et Ainsi parlait Zarathoustra (1885).

 

Nietzsche n’est pas en bonne santé. Après avoir enseigné pendant dix ans la philologie à l’université, il a dû s’arrêter à cause d’une santé défaillante. Comme Schopenhauer qu’il appelle « mon grand maître », il s’oppose de toutes ses forces défaillantes à une époque dominée par la morale judéo-chrétienne et par l’ascension des idées égalitaires, qu’elles soient démocratiques ou socialistes.

Il confronte en effet la morale de l’époque grecque, qu’il admire, à celle de l’époque chrétienne qu’il juge décadente. Il voit au travers des dieux de l’Olympe des personnages à visage humain comme Éros, Jupiter, Vulcain ou Dionysos qui célèbrent respectivement l’amour, la guerre, la force ou l’ivresse.

Ces dieux ont été remplacés par un Dieu chrétien qui déteste les passions charnelles, condamne les excès, refoule le désir au profit d’un idéal ascétique. Pour Nietzsche, la morale chrétienne étouffe la volonté, la passion et le désir. Elle est une morale d’esprits faibles qui craignent d’affronter une vie qui est force et destruction, dynamisme et chaos, création et mort. Aussi n’hésite-t-il pas à rejeter toutes les philosophies idéalistes qui vouent un culte à des « valeurs universelles » comme la Raison, le Bien, le Vrai, la Justice, l’Ordre et qui ont en commun de nier la « vraie » vie.

Car la vitalité grecque et la morale chrétienne correspondent aux deux versants de la nature humaine : la première renvoie aux instincts, aux pulsions, en somme aux forces vitales qui sont en nous, tandis que la morale représente tout ce qui nous enjoint d’être sage, raisonnable, conforme, humble et soumis.

Nietzsche y voit le refuge des faibles, qui sont dominés par leur peur de la mort, leur esprit de servilité et leur mauvaise conscience. C’est ce qu’il cherche à démontrer dans deux ouvrages liés, Par-delà le bien et le mal (1886) et Pour une généalogie de la morale (1887).

L’objectif de Par-delà le bien et le mal est de désacraliser la morale, qui, pour lui, n’émane d’aucune transcendance mais trouve sa source dans les instincts et les pulsions. C’est ce que pensait aussi Schopenhauer et ce que reprendra Freud en opposant les pulsions inconscientes et le « surmoi », ce dernier représentant la culture et la morale chargés de dompter les forces bouillonnantes du désir.

Pour une généalogie de la morale constitue un complément et une explication de Par delà le bien et le mal, qui lui-même avait pour vocation d’éclairer la thèse soutenue dans Ainsi parlait Zarathoustra.

L’ouvrage est structuré en trois essais. Dans le premier essai, « du Bien et du Mal », Nietzsche oppose la « moralité du maître » et la « morale des esclaves ».  La première est développée par les forts,  qui sont sains et libres, qui sont de ce fait capables de définir eux-mêmes leurs propres valeurs et d’inventer leur propre définition du bonheur. Les esclaves sont ceux qui héritent de valeurs, tant ils sont incapables de prendre en main leur système moral. Il précise à ce propos : « Si l’on veut dire par là qu’un tel système a amélioré l’homme, je n’y contredis pas, sauf à ajouter que pour moi « amélioré » signifie la même chose que « domestiqué », « affaibli», « découragé », « raffiné », « amolli ».

Dans le second essai, Nietzsche traite de la culpabilité et de la mauvaise conscience, qui sont pour lui les deux traits majeurs de la morale d’esclave. Pour lui, la mauvaise conscience agit comme une valeur inhibitrice, transmuant la violence potentielle de l’homme à l’égard des autres en violence contre soi-même.

Le troisième essai est dédié à la critique de l’ascétisme, que la morale contemporaine considère, à tort pour lui, comme l’expression d’une volonté forte, alors que Nietzsche y voit l’expression d’une faiblesse qui engendre une volonté incapable de se libérer des instincts d’obéissance.

Ainsi Nietzsche dénonce t-il la transcendance des valeurs, contre laquelle il oppose une immanence radicale : est bon ce que je désire, est bon ce que je considère tout simplement comme bon.

Il affirme à contrario que la morale chrétienne est née d’un ressentiment envers tout ce qui est puissant, fort ou en bonne santé. Or cette morale d’esclave cherche à domestiquer nos instincts, alors que pour lui ces derniers doivent être libérés, valorisés et encouragés, comme le met en pratique le Surhomme, qui assume la vie telle qu’elle est, qui dit « oui » à la vie.

Cependant, comme Nietzsche observe que la morale des faibles est devenue dominante, il en conclut que la morale, loin d’être un moyen utilisé par les forts pour discipliner les faibles, est au contraire l’ultime ruse des faibles pour dompter les puissants.

Ultime sursaut, alors que Nietzsche note que l’idéal ascétique signifie une volonté de néant, une haine de l’humain et de l’animalité, une répulsion contre les sens, une peur du bonheur et de la beauté, la dernière phrase de son essai est la suivante :

« L’homme préfère encore vouloir le néant que ne pas vouloir du tout. »

 

On retrouve ici le concept fondamental de Schopenhauer : Wille zum Leben…

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