L'AFFAIBLISSEMENT AMÉRICAIN AU MOYEN ORIENT
12 Décembre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
La guerre en Ukraine agit comme un révélateur du rejet du leadership occidental, tel qu'il a été conçu et mis en œuvre par les élites américaines, en particulier au Moyen-Orient.
Pour comprendre la situation, je vous invite à vous arracher un instant à la lecture de ce billet pour consulter trois médias qui rendent compte de la visite récente de Poutine en Arabie Saoudite et aux EAU.
Regardez au choix :
LCI, si vous voulez vous rassurer :
https://www.youtube.com/watch?v=MwhipGdNoX4&t=129s
CGTN en français (la télé chinoise), si vous acceptez de vous inquiéter :
https://www.youtube.com/watch?v=5P8-bDpeaUg
Afrique Média si vous voulez comprendre :
https://www.youtube.com/watch?v=bv_IZZTu3YI
Quoi que vous ayez regardé, à moins que vous n'ayez rien regardé du tout, je m'accorde le droit de vous expliquer la signification de cet évènement: notez tout d'abord l'arrivée en fanfare de l'avion présidentiel russe escorté par quatre avions de chasse ultramodernes et surarmés, et les F16 D'Abu Dhabi qui tracent (le comble de l'insulte) les couleurs russes dans le ciel, un ciel que les avions américains basés dans la péninsule arabe se sont bien gardés de fréquenter au même moment.
Notez ensuite la délicate attention des dirigeants saoudiens de sortir de la naphtaline une ZIL 41052, un véhicule blindé pesant 5,5 tonnes (et consommant 65 litres aux 100 kms), auquel s'est ajoutée une réception somptueuse rassemblant tous les princes influents d'Arabie, mais aussi le chef d'état tchéchène Ramzan Kadyrov, retransmise sur toutes les télévisions du monde, montrant que l'Arabie Saoudite, à bon entendeur salut, faisait un pied de nez aux États-Unis, qui y disposent de bases et de facilités militaires, terrestres, navales et aériennes et où résident 80000 ressortissants américains.
Au premier degré, cet évènement constitue bien sûr un hommage rendu à Vladimir Poutine, mais surtout, à un second degré aisé à comprendre, un défi aux États-Unis et à leurs vassaux. Il signifie que les pays arabes, Arabie Saoudite en tête, rejettent, au plan symbolique bien sûr, la tutelle américaine. Cette Arabie Saoudite qui vendait son pétrole aux conditions américaines en échange de sa protection militaire, non seulement n'en a plus besoin, mais n'en veut plus.
Auparavant les dirigeants de 22 pays arabes et de 57 États de l'Organisation de la Coopération Islamique réunis le 11 novembre dernier, dont le président iranien Ebrahim Raïssi, le président turc Recep Tayyip Erdogan, l'émir du Qatar cheikh Tamim ben Hamad al Thani et le président syrien Bachar al Assad réintégré à la Ligue arabe en début d'année, ont déclaré qu'ils ne permettraient pas aux États-Unis d'utiliser leurs bases pour fournir des armes ou pour aider les forces israéliennes. Et cette déclaration a été soutenue par des pays aussi vassaux des États-Unis que la Jordanie, l’Arabie Saoudite, les E.A.U., Bahrein et surtout le Qatar qui abrite 11000 soldats américains,
Bref, Les pays arabes et islamiques manifestent une hostilité ouverte contre la politique militaire américaine, que ce soit au Moyen Orient ou en Ukraine et ils sont rejoint mezzo voce par les pays africains, américains du sud et par la Chine.
Désormais, il ne fait plus aucun doute qu'une intervention américaine, quelle que soit la région où elle serait conduite, susciterait une hostilité du même ordre. Les États-Unis en tirent actuellement les conclusions en ce qui concerne leurs bases au Moyen Orient et les acteurs régionaux s’apprêtent à remplir le vide stratégique laissé par le départ des forces américaines.
Ce départ s'impose en effet par la priorité qu'accordent les États-Unis à leur souci d’endiguer la Chine via le soutien à la sécurité et à la défense du Japon, de Taïwan, de la Corée du Sud, et aussi via le dialogue stratégique et diplomatique avec l’Inde et une partie de l’Asie du Sud-Est. Ils ont donc moins de capacités militaires à consacrer au Moyen-Orient et cette redéfinition des priorités stratégiques a précipité leur retrait d’Afghanistan.
D’autant plus que la stratégie américaine au Moyen-Orient s’est soldée par une succession d’échecs. La « guerre au terrorisme » n’a pas refaçonné le paysage régional conformément aux intérêts de Washington. Quant à la stratégie de pression maximale sur Téhéran employée par Donald Trump, elle s’est révélée politiquement contre-productive, le régime iranien ayant fait la démonstration de sa résilience.
Dans la perspective de l’allègement de la présence américaine dans le Golfe, le rôle des acteurs régionaux est donc appelé à se renforcer, d’autant plus que Moscou et Pékin n’entendent pas y jouer un rôle aussi central que celui jusqu'ici tenu par les États-Unis.
À SUIVRE