L'IRRÉSISTIBLE MÉCANISME DE MODERNISATION AGRICOLE
25 Mai 2024 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
La révolution agricole en cours depuis un siècle a radicalement modifié le marché agricole, en s'appuyant largement sur l'évolution scientifique et industrielle, modifiant en même temps la nature des produits agricoles, leur prix et les structures de production pour une population mondiale multipliée par cinq depuis le début du XXe siècle.
Au début du XXe siècle, après dix mille ans d'évolution et de différenciation, les agricultures du monde étaient très diversifiées. L'écart entre les agricultures manuelles et les agricultures à traction animale allait de 1 à 10 tonnes de céréales par agriculteur et par an. Cet écart a continué à se creuser au XXe siècle, car certaines agricultures ont été profondément transformées par une deuxième révolution agricole concomitante de la deuxième révolution industrielle, tandis que d'autres ne progressaient pas.
Ce développement agricole inégal s'est accompagné d'une énorme croissance de la production alimentaire mondiale, qui nourrit, bien ou mal, plus de huit milliards d'êtres humains en 2024, tout en induisant pauvreté et sous-alimentation chez de nombreux paysans.
Amorcée aux États-Unis dès le début du XXe siècle, une nouvelle révolution agricole s'est en effet généralisée au cours de la seconde moitié de ce siècle dans les pays industrialisés, où les secteurs agricoles étaient très majoritairement composés d'exploitations familiales.
Ce processus a été soutenu par des politiques agricoles massives, favorables à la modernisation de ces exploitations familiales.
Dans les pays développés, cette révolution agricole s'est déroulée par étapes, au fur et à mesure que l'industrie et la recherche en fournissaient les moyens mécaniques, chimiques et biologiques :
- tracteurs et machines de puissance, de capacité et de complexité croissantes, permettant de réduire la force de travail humaine et animale ;
- engrais minéraux pour les plantes et aliments concentrés pour les animaux, qui permirent d'augmenter leurs rendements ;
- produits de traitement phytosanitaires et zoo pharmaceutiques permettant de réduire les pertes ;
- variétés de plantes et races d'animaux sélectionnées, à haut rendement potentiel, adaptées à ces nouveaux moyens afin de les rentabiliser ;
- nouveaux moyens de transport, de conservation, de transformation et de distribution permettant aux exploitations des différentes régions de se spécialiser dans les productions les plus avantageuses pour elles.
Concernant la culture des céréales par exemple, la superficie maximale cultivable par un travailleur est passée d'une dizaine d'hectares dans les années 1940 à 200 hectares aujourd'hui. Dans le même temps, grâce aux semences sélectionnées, aux engrais minéraux et aux pesticides, les rendements ont pu augmenter de plus de 1 tonne par hectare à chaque décennie, atteignant actuellement 10 tonnes par hectare dans les régions les plus favorables. Ainsi, dans les exploitations les mieux situées et les mieux équipées des pays développés, la productivité du travail dépasse souvent 1000 tonnes de céréales par agriculteur et par an, et peut même parfois atteindre 2 000 tonnes.
Seule une minorité d'exploitations ont franchi toutes les étapes de ce développement, fortement promu par des politiques publiques cherchant en priorité à nourrir des populations croissantes. Dans les pays de l'Union européenne, la politique agricole commune a été protectionniste jusqu'en 1992 pour de nombreux produits comme les céréales, la poudre de lait, le beurre ou la viande bovine.
Les producteurs européens étaient protégés par des taxes à l’importation, ils bénéficiaient de prix rémunérateurs et stables. Cette politique de prix était accompagnée d'une politique de crédit avantageuse, d'une politique de recherche et de vulgarisation, mais aussi d'une politique de structure visant à favoriser la cessation d'activité des exploitations les moins productives et l'agrandissement des autres, tout en restant dans des structures de production familiales.
Il en était de même en Suisse et au Japon où les exploitants familiaux étaient protégés de la concurrence, ce qui a permis à ces pays peu dotés en terres cultivables, de maintenir leur niveau recherché d'auto-approvisionnement alimentaire.
À partir du milieu des années 1960, une variante de cette révolution en cours dans les pays développés, la révolution verte, s'est étendue à certains pays en développement. Là aussi, des politiques publiques très volontaristes ont favorisé la modernisation d'une partie des exploitations familiales.
À SUIVRE