UN PROJET JUGÉ CHIMÉRIQUE
20 Mai 2024 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE
Le projet chinois de création d'une formation à la gestion remonte à 1985 et nous l'avons réalisé en 1989. Dix ans plus tard, je reprenais mon projet d'origine avec la création d'une formation à la gestion en Indonésie après la Chine. Nous sommes dans le long terme.
J'avais vaguement prévu que le succès chinois entrainerait d'autres demandes et d'autres projets à réaliser. C'est ce qui s'était effectivement produit en Bulgarie, en Tchécoslovaquie, en Algérie, à Madagascar, au Maroc, mais aussi à l'IECS Strasbourg. Après toutes ces aventures universitaires, je voulais revenir à la source de mon projet une fois clos l'épisode strasbourgeois qui s'était révélé le plus lourd de tous.
N'était ce qu'un rêve, une chimère ? La chance, sur laquelle je compte parfois un peu trop, me favorisa de bout en bout de ce projet. Je m'en ouvris à mes vieux complices de la FNEGE, Jean-Claude Cuzzi, son Secrétaire Général et Joël Rateau, son Directeur du Développement. Tous deux se gaussèrent de mon projet qu'ils trouvèrent irréaliste : le marché était pris par les Australiens, les Singapouriens, les Américains. Ils rirent lorsque je précisais que ce serait une formation en français : mais, voyons personne ne parle le français en Indonésie, c'est l'anglais, l'anglais, l'anglais, même si quelques vieux parlaient encore hollandais, mais le français !
Ils rirent, mais je maintins mon projet dans sa conception d'origine, en déclarant que je ne le modifierais qu'une fois que j'aurais ausculté le terrain, que je ne connaissais pas du tout. Si j'obtenais une petite mission de 15 jours, trois semaines en Indonésie, invité par le Ministère des Affaires Étrangères (MAE) pour ne pas être marginalisé une fois sur place, je pourrais faire une proposition réaliste.
Ils riaient toujours, mais ils commençaient à voir émerger une demande vendable au MAE, une demande modeste. Ils n'y croyaient toujours pas, mais ils pourraient arguer auprès du MAE que je n'avais échoué jusque-là dans aucun de mes précédents projets et que l'on pouvait se risquer à me confier une petite étude de marché.
En outre, ils avaient une motivation secrète pour donner un coup de pouce à mon projet indonésien : l'un et l'autre avaient résidé plusieurs années en Indonésie, à la suite de quoi ils avaient gardé l'un et l'autre un attachement persistant pour ce pays
J'eu la preuve de cet attachement lorsque j'appris que la FNEGE avait obtenu du MAE la mission que je sollicitais, non pas pour moi mais pour deux personnes, Joël Rateau et moi-même. Puisque mon compagnon de voyage connaissait déjà l'Indonésie, je comptais donc sur lui pour éviter les principaux pièges de communication, mais j'appris sur place qu'il était fort difficile d'échanger avec les Indonésiens puisqu’ils s'efforçaient d'éviter toute communication!
Nous partîmes tous deux en mission en Indonésie du 17 au 30 septembre 1995, doté d'un programme qui avait été concocté par l'Ambassade de France en Indonésie, qui nous faisait visiter une bonne partie de Java, en nous rendant notamment à Yogyakarta, Bandung et Surabaya, mais qui, curieusement, ne nous permettait pas de rendre visite aux universités sises à Jakarta.
La logique sous-jacente à ce programme, qui m'avait immédiatement intrigué, apparut clairement dans le discours que fit l'Ambassadeur de France lorsqu'il nous reçut. L'Ambassadeur était alors Thierry de Beaucé, écrivain et diplomate, qui avait créé l'Agence pour l'Enseignement du Français à l'étranger durant le gouvernement Rocard. Après le départ de ce dernier, Il avait été nommé Ambassadeur de France en Indonésie par François Mitterrand dont il était proche et il l'était toujours alors que Jacques Chirac venait d'être élu Président de la République. Sa position était donc menacée au plan politique, mais me disait-on autour de l'Ambassade, elle l'était aussi au plan personnel, en raison d'une présence à Jakarta jugée insuffisante.
Quoi qu'il en soit, avec une nuance de mépris que je perçus nettement dans le ton de ses paroles, il m'indiqua les quatre principes cardinaux que je devrai suivre pour élaborer un projet de formation à la gestion en Indonésie, projet auquel il me fit comprendre sans ambages qu'il ne croyait pas un instant, considérant implicitement que nous étions venus faire quinze jours de tourisme aux frais de la République.
Le ton me déplu, ses allusions également, mais surtout je ne pouvais que rejeter ses quatre principes, puisqu'ils allaient directement à l'encontre de mon projet.
À SUIVRE