LA RÉVOLUTION VERTE
15 Juin 2024 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
La révolution agricole aux États-Unis et en Europe a été suivie d’une Révolution Verte, en particulier en Asie, largement financée par des fonds publics et privés américains, l’objectif étant d'accroître considérablement la production vivrière.
Le principe retenu fut d'adapter les nouvelles techniques agricoles appliquées dans les pays industrialisés aux conditions particulières des agricultures asiatiques, à savoir une force de travail nombreuse pratiquant une culture manuelle et répartie dans de très petites exploitations familiales.
Il n’était pas question de rassembler des terres pour pratiquer une forte mécanisation car cela aurait provoqué un exode massif qui n’aurait pas pu être absorbé par l’industrie et les services. Du coup, la Révolution Verte a reposé sur la sélection génétique de variétés à haut potentiel de rendement, principalement pour le riz et le blé, sur une large utilisation des engrais minéraux et des pesticides, sur la maitrise de l’eau par irrigation et drainage ainsi que sur l’utilisation d’animaux de trait ou de petits motoculteurs.
Cette politique a été appuyée par d’importants investissements publics dans les infrastructures agricoles : voies de transport, électrification, irrigation et drainage. Ils ont été complétés par de forts investissements dans la recherche agricole visant à sélectionner des variétés de plantes adaptées aux contextes locaux et une politique de prix avec une garantie d’achat des récoltes par l’État et des taxes sur les importations
Dans les pays où la volonté politique a été insuffisante, la Révolution Verte n’a été que partiellement réalisée, comme en Amérique Latine et au Moyen Orient à l’exception de l’Égypte.
Dans les régions où elle a eu lieu, elle a permis de quadrupler les rendements agricoles entre 1970 et 1990, et en riziculture à passer jusqu’à quatre récoltes par an. Les techniques utilisées étant intensives en travail, les emplois et les revenus agricoles ont fortement augmenté, créant un pouvoir d’achat qui a stimulé le développement des activités rurales non agricoles, notamment dans les secteurs des biens de consommation et de la construction, également intensifs en travail. Il reste que les agriculteurs les plus pauvres n’ont pas eu les moyens d’accéder à la Révolution Verte
En sus de cette dernière, tirant parti de la libéralisation des mouvements de capitaux et des échanges agricoles internationaux, de nombreux investisseurs, entrepreneurs, grands propriétaires, firmes multinationales fournissant des intrants ou distributeurs de produits agricoles et fonds d’investissement se sont lancés dans la modernisation de grands domaines agricoles, en Amérique Latine, en Afrique et en Asie. Ils ont défriché les fronts pionniers des régions disposant de réserves de forêts et de savanes, y développant des cultures de blé, de maïs, de riz, de soja, de coton, de canne à sucre et de palmier à huile.
Il s’y est ajouté, à partir des années 1990, la ruée des mêmes investisseurs vers la modernisation des anciens domaines collectifs de l’Ex-URSS, de l’Europe centrale et orientale comme l’Ukraine.
Cette deuxième révolution agricole des temps modernes a cependant laissé de côté de vastes régions d’Afrique subsaharienne, d’Amérique latine et d’Asie centrale où des centaines de millions de paysans ont vu leur productivité stagner.
Mais, au total, la production agricole a augmenté de manière spectaculaire, accompagnant la croissance démographique mondiale. Elle a ainsi été multipliée par 2,6 entre 1950 et 2000, permettant de nourrir une population mondiale qui a augmenté presque aussi vite, passant de 2,5 milliards de personnes à 6 milliards dans le même intervalle de temps.
L’accroissement de la production s’explique pour plus de 70% par celui du rendement agricole qui a été multiplié par plus de deux en cinquante ans, mais aussi par l’accroissement des surfaces cultivées qui sont passées de 1330 à 1500 millions d’hectares entre 1950 et 2000, par l’accroissement du nombre de récoltes par an et par la réduction des périodes de friche entre les cultures[1].
Cette progression de la production s’est accompagnée d’une forte baisse des prix agricoles.
À SUIVRE
[1] Il faut signaler également les initiatives des paysans dans des régions à forte densité de population, deltas d’Asie du Sud-Est, Rwanda, Burundi, Yucatan, Haïti, Polynésie, qui ont construit des écosystèmes cultivés superposant plusieurs étages d’arboriculture fruitière, dominant des associations denses de cultures vivrières et fourragères, des élevages d’herbivores, de porcs et de volailles et parfois même des bassins de pisciculture. Ces paysans ont pu obtenir ainsi, sans faire appel à des engrais d’origine extérieure, des niveaux de production supérieurs aux systèmes de production les plus performants issus de la deuxième révolution agricole.