LES ERREMENTS DÉMOCRATIQUES DU DIRECTOIRE
Il faut reconnaitre que, dans les premiers mois du Directoire, la liberté de la presse et la liberté religieuse furent respectées. Les importations de denrées améliorèrent les approvisionnements dans les villes, non sans aggraver la situation financière de l’État.
Le problème économique principal restait l'inflation, ce qui décida le Directoire à supprimer l'assignat. Une loi autorisa la création de mandats territoriaux qui pouvaient être échangés contre des assignats et permettaient d'acquérir les biens nationaux à des conditions très favorables. Ceux qui saisirent l’aubaine purent acquérir des biens nationaux avec des billets sans valeur et ils devinrent par conséquent des adversaires résolus du retour des immigrés.
À partir du 21 mars 1796, le franc seul eut un cours légal, fixé à cinq grammes d'argent. À l'inflation succéda la déflation ; les artisans se retrouvèrent au chômage et le Directoire ne parvint plus à payer les fonctionnaires. Il dut céder des propriétés nationales, vendre des biens nationaux aux enchères et se retrouva dans l'obligation d'emprunter partout, au dey d'Alger*, à des commerçants de Hambourg ou à divers financiers. Puis il trouva la solution à ses mécomptes financiers en prélevant de fortes contributions de guerre sur les pays conquis.
Quant au problème politique du Directoire, il se situait surtout à l’extrême gauche. Babeuf, qui faisait une critique radicale de la famille, de la religion et de la propriété fut arrêté et exécuté lorsqu’il fonda un comité insurrectionnel.
Enfin, le problème militaire conduisait à la recherche de la paix. La Convention avait déjà conclu la paix avec la Prusse, la Hollande et l'Espagne. Restaient l'Autriche et l'Angleterre qui refusaient de voir la rive gauche du Rhin sous contrôle français. Pour obtenir une paix favorable, Carnot proposa de lancer une manœuvre de diversion en Italie du Nord, tout en menaçant Vienne avec deux armées sur le Rhin et le Danube. Grâce au génie militaire de Bonaparte qui, avec peu de soldats et de moyens, obtint des victoires stratégiquement déterminantes, la diversion italienne se transforma en victoire décisive, pendant que les armées françaises piétinaient sur le Rhin.
La campagne d'Italie permit donc de signer, le 17 octobre 1797, le traité de Campo-Formio qui donnait à la France les Pays-Bas, la frontière sur le Rhin, la place forte de Mayence et les îles Ioniennes, tandis que l'Autriche recevait une partie de la Vénétie, l'Istrie et la Dalmatie et reconnaissait la république Cisalpine. Il créait cependant un problème politique car il avait été signé directement par Bonaparte, et non par le Directoire.
Auparavant, les élections d'avril 1797 avaient bouleversé la situation politique: elles furent en effet une catastrophe pour les Conventionnels, dont onze d’entre eux seulement furent réélus sur deux cent seize députés.
À la suite de ces élections, le corps législatif élut deux royalistes, Pichegru et Barbé-Marbois aux présidences respectives des Cinq-Cents et des Anciens et cette nouvelle situation créa une dissension au sein du Directoire, Barthélemy et Carnot à droite s’opposant désormais au trio de gauche, Barras, La Révellière-Lépeaux et Reubel.
La nouvelle majorité projetait de révoquer les lois révolutionnaires en attendant de pouvoir restaurer la royauté, ce qui poussait les trois Directeurs de gauche du Directoire à préparer un coup d’État contre les Conseils.
Ils se servirent de la révélation opportune de négociations entre Pichegru et le Prince de Condé pour le justifier. Jean-Charles Pichegru (1761-1804), sergent-major avant la Révolution puis monté rapidement en grade jusqu’à devenir en 1793 général en chef de l’armée du Rhin, puis de l’armée du Nord avec laquelle il avait conquis la Hollande avant d'être à nouveau chargé de l’armée du Rhin et de la Moselle en 1795-1796, prit contact avec Condé qui lui promit monts et merveilles s’il aidait les royalistes à restaurer Louis XVIII.
Le Directoire s'étonna de ses revers sur le Rhin en même temps qu'il le soupçonnait de royalisme contre lui. On lui retira son commandement, mais sa popularité persistante lui valut d’être élu en mars 1797 député au Conseil des Cinq-Cents par les monarchistes puis Président de ce même Conseil.
Lorsque le Directoire organisa le coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797), ses contacts avec les immigrés furent présentés comme une conspiration et le Directoire en profita pour faire arrêter, non seulement Pichegru, mais tous les dirigeants du parti royaliste qu’il fit déporter en Guyane*.
* La France n'ayant toujours pas remboursé ses dettes en 1827, le dey Hussein eut l'outrecuidance de s'en offusquer et donna un coup d'éventail au consul de France, ce qui provoqua l’expédition d'Alger en 1830, et in fine la conquête de l'Algérie.
** Pichegru réussira à s’évader de Guyane et à rejoindre Londres. En 1804, il conspire avec Cadoudal et Moreau pour enlever Bonaparte. Trahi par « l’ami » qui l’héberge, il est arrêté le 28 février 1804 et six jours plus tard, il est retrouvé étranglé dans la prison du Temple, officiellement suicidé.
À SUIVRE