MIRACLE À JAKARTA
Nous avons donc abordé la série de rendez-vous que l’on nous avait préparé sur l’ile de Java, sans savoir ce que nous pourrions en tirer.
Ces rendez-vous se situaient à Jakarta, à Jogjakarta, à Bandoeng et, tout au bout de Java, à Surabaya. Nous cherchions à savoir s’il était possible de créer une formation en français ou, à défaut, en anglais, si cette formation serait bien reçue et si le cadre pour l’organiser serait propice à nos actions. À force d’échanges un tableau du souhaitable et du possible s’est progressivement peint sous nos yeux.
La difficulté était double : d’une part, nos interlocuteurs choisis par l'ambassade n’étaient pas toujours les bons, soit parce qu’ils n’étaient pas concernés par notre projet, soit parce qu’ils n’étaient pas qualifiés et d’autre part notre équipe, composée d’un ex attaché culturel qui connaissait l’Indonésie et d’un professeur qui cherchait à créer un programme de gestion avait du mal à faire la synthèse.
Chaque soir, nous faisions le bilan de nos rencontres et chaque soir, c’était une nouvelle solution qui prenait corps dans nos esprits. En onze jours, nous avons obtenu trente-cinq rendez-vous, qui étaient censés nous permettre de nous orienter vers les partenaires préférentiels, de choisir entre le français et l’anglais ou de déterminer les besoins prioritaires des entreprises françaises en Indonésie.
Nous avons navigué de Djakarta à Bandung, puis de Bandung à Yogyakarta et de là vers Surabaya avant de retourner à Djakarta. Nous y avons rencontré des responsables universitaires, dans le domaine de l'économie et de la gestion et des représentants d’entreprises, indonésiens et français comme Alcatel, Cegelec, Accor, SAE, la Lyonnaise des Eaux, Total, dont nombre d’entre elles ont été depuis absorbées dans d’autres groupes.
Au fil des rencontres, si, à première vue, l’influence américaine était très forte, nous observions une présence française disséminée mais bien identifiée par les Indonésiens et dotée d’un réseau d’influence croissant.
Lors de ces rencontres, nous avons aussi appris qu’en Indonésie les étudiants choisissaient le privé parce qu’ils n’avaient pas pu entrer dans les universités publiques et qu’il existait partout, universités publiques et privées, un manque criant d’enseignants de bon niveau en gestion. Aussi, la demande formulée spontanément par les Indonésiens concernait la formation d’enseignants à l’étranger, d’autant plus qu’il n’existait pas, et pour cause, de formation à la gestion assurée par des institutions étrangères, puisqu’elles n’étaient pas autorisées à délivrer des diplômes.
Mais alors que faisions-nous en Indonésie puisque nous n'étions pas autorisés à y délivrer un diplôme ?
Je m'accrochais au mince espoir de "trouver la solution", d'autant plus que nos échanges nous ont conforté dans la conviction qu’il était préférable d’installer en Indonésie un programme de formation à la gestion plutôt que de former en France des étudiants de gestion indonésiens.
Ceci posé, dans quelle ville, dans quelle langue, en collaborant avec quelle institution et selon quelles modalités ?
Nous avons choisi Jakarta, d’autant plus qu’à cette dernière ville était associée l’Université d’Indonésie (UI) qui jouait un rôle de référence en économie, sinon en gestion. Nous avons aussi retenu de surmonter l'obstacle de l'enseignement en français, moins parlé d'évidence que l'anglais, en accroissant le degré d'attractivité de notre formation qui deviendrait le meilleur Master en Management (MM) du marché dans l'université indonésienne la plus prestigieuse, avec un double diplôme français et indonésien et un stage en France, à un prix cinq fois inférieur au MM anglo-saxons et en proposant en outre la formation en France de jeunes enseignants de gestion.
Mais ce projet mirifique était tout simplement irréalisable puisqu'il était interdit de délivrer un diplôme étranger en Indonésie. Il n'aurait donc jamais existé si, deux jours avant la fin de notre mission, je n'avais pas insisté pour obtenir un rendez-vous avec le Recteur de l'UI lorsque j’appris qu'il ne pouvait plus envoyer ses futurs doctorants aux États-Unis du fait de leur décision brutale de supprimer les bourses d'études, arguant de l'augmentation du PIB indonésien.
Au cours de cette réunion cruciale, j'ai proposé de mon propre chef au Recteur de remplacer les bourses américaines par vingt bourses françaises de doctorat en gestion en échange de la création d'un MM en français dans son université.
Dans les vingt-quatre heures, le Recteur d'UI avait obtenu du Ministre de l'Éducation, qui, comme je le savais, avait été son étudiant, une dérogation pour que ce diplôme français soit délivré en Indonésie, la première dérogation de ce type accordée en Indonésie.
Ce fut cet accord qui permit à la France, en créant un Institut Franco-Indonésien de gestion au sein de l'UI, d'obtenir une place prépondérante dans la formation de la gestion en Indonésie, accord qui facilita ensuite grandement les échanges économiques entre la France et l'Indonésie.
À SUIVRE