ENSEIGNER COÛTE QUE COÛTE EN INDONÉSIE
8 Septembre 2024 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE
Dès le quatrième trimestre 1995, un accord était signé entre l’University of Indonesia, le Ministère des Affaires Étrangères et le FNEGE pour la création d’un Institut Franco-Indonésien à Jakarta.
À la suite de cet accord, je demandais à la FNEGE, qui était chargée de la double mission de gérer le programme de recrutement et de formation des étudiants à Jakarta, de participer au premier recrutement d'étudiants et de donner le premier cours, afin "d'essuyer les plâtres" pour les collègues qui allaient me succéder à Djakarta.
Je ne fus pas déçu. Prévoyant qu'une formation de quelques mois ne suffirait pas à rendre les étudiants indonésiens bilingue en français, je prévoyais de leur remettre d'une part le contenu complet du cours sous forme de polycopié complet en français et d'autre part de donner mon cours en anglais et en français en m'adaptant à leur niveau de compréhension réel dans les deux langues.
Néanmoins, pendant la majeure partie de mon intervention de trois semaines sur la microéconomie, le cours fut une catastrophe de mon point de vue. Silence total dans la classe, aucune question, aucune réaction visible.
Je savais les Indonésiens « timides », exprimant fort peu leurs sentiments, et j’en eu la manifestation concrète en cours. Or, tout enseignant le sait, l’absence totale de manifestation d’intérêt, ou même de désintérêt, constitue une expérience terrible. Est-ce que les étudiants avaient compris quelque chose ? Est-ce que ce que je leur enseignais ne les intéressait absolument pas ? Est-ce que ma méthode d’enseignement était inadaptée ? Est-ce que les étudiants n’osaient tout simplement pas s’adresser à moi ? Pourtant je les connaissais, puisque j’avais participé au jury de recrutement et puisque je partageais leur repas, le soir, avant le cours et que je discutais évidement avec eux pendant ces repas.
Bref, ces cours étaient si épuisants pour moi, compte tenu de l’ambiance polaire dans laquelle ils se déroulaient, qu’à peine dans le taxi qui me ramenait à l’hôtel après le cours, je m’endormais pour toute la durée de la course…
Mais un soir, à peu près le dixième cours, une étudiante, originaire de l'ile de Flora je crois, posa enfin une question. L’ensemble de la classe décida alors que chacun avait désormais le droit de s’exprimer. Ma mission était remplie et les collègues qui me succédèrent ne firent jamais état du moindre problème quant aux échanges avec les enseignants.
Par ailleurs, se posait le problème de l’appui universitaire au programme de formation et d’accueil des doctorants indonésiens. La FNEGE me proposait naturellement d’associer l’IAE et l’Université de Nice, auxquels j’étais rattaché, à l’Institut Franco Indonésien de Gestion. Mais la direction de l’IAE de Nice n’était pas prête à se charger du pilotage du programme aux côtés de la FNEGE. Je proposais donc à l’IAE de Montpellier de se substituer à l’IAE de Nice, ce que son directeur, Pierre-Louis Dubois, accepta volontiers. Au bout d’un an, ce dernier fut cependant contraint de jeter l’éponge, en raison de l’opposition de son Président d’Université. Je m’adressais alors à l’IAE de Grenoble qui reprit le flambeau et, sauf erreur de ma part, le programme de collaboration avec l’University of Indonesia se poursuit toujours, sous de nouvelles formes.
Les années qui suivirent donnèrent lieu, après l’extraordinaire opération d’Indonésie, à d’autres missions instructives à l’étranger…
À SUIVRE