LE DIRECTOIRE DE LA BANQUEROUTE
La politique de force du Directoire le conduisit à redresser les finances de la République aux dépens des rentiers et des pays conquis.
Le Directoire organisa en effet "la banqueroute des deux tiers" qui reste jusqu’à ce jour l'unique banqueroute de la République. Le 9 vendémiaire an VI (30 septembre 1797), Dominique Ramel, ministre des Finances du Directoire, ferma le marché des titres publics et fit voter une loi annulant les deux tiers de la dette publique.
Il tentait ainsi de solder la dette publique et de rétablir l’équilibre des finances publiques après plusieurs années d’agitation révolutionnaire. Mais, comme les impôts ne rentraient pas, le Directoire redéfinit les contributions directes en établissant la contribution foncière, la mobilière, la personnelle, la patente commerciale ainsi qu'une célèbre contribution sur les portes et fenêtres. Il accrut également les droits d'enregistrement, un droit sur les tabacs étrangers, rétablit l'octroi à Paris et lança une batterie de recettes et de nouveaux impôts : une loterie nationale, un droit sur les chemins et un autre droit sur les hypothèques.
Ces mesures drastiques, si elles visaient à rétablir l’équilibre des comptes publics, eurent en contrepartie des effets négatifs : elles ruinèrent les petits rentiers touchés par « la banqueroute des deux tiers », accrurent le chômage et firent baisser les prix agricoles, plongeant les paysans dans la misère.
Mais, malgré ces mesures extraordinaires, les impôts rentraient difficilement alors que les victoires militaires, qui avaient permis de ponctionner les pays occupés, n'étaient plus au rendez-vous. Ces rentrées fiscales décevantes contraignirent la République à faire appel aux fournisseurs des armées pour boucler les fins de mois. Elle les paya en biens nationaux, ce qui créa de nouveaux riches et contribua à accroitre encore le discrédit du Directoire.
Alors que les royalistes avaient été exclus du pouvoir par le coup d’État du 18 fructidor an V (1797), ce fut l’opposition jacobine qui remporta les élections de Germinal an VI (avril 1798), du fait des difficultés économiques. Les néo jacobins obtinrent en effet, avec la faible participation électorale désormais habituelle, trois cents sièges sur les quatre cent trente-sept à pourvoir.
Le Directoire, mis à nouveau en minorité, cette fois-ci sur sa gauche, fit montre d’une grande inventivité pour contourner le suffrage des urnes. Pour y parvenir, il fit purement et simplement annuler, par le biais d’une commission ad hoc, toutes les élections qui pouvaient être dangereuses pour son pouvoir. Comme cette décision fut prise par la loi du 22 floréal an VI (11 mai 1798), l’on appela les cent vingt-six députés invalidés les « floréalisés ».
Les députés jacobins rescapés furent sélectionnés par les Conseils, qui choisirent les têtes qui leur revenaient, ce qui ne rendit pas ces derniers plus indulgents pour le Directoire. Au nom de la lutte contre la corruption, ils prirent pour cibles principales Barras et Reubell,. Les citoyens étaient d’autant plus sensibles à ce mot d’ordre que l’hiver 1798-1799 fut d’une exceptionnelle rigueur, rendant la vie de chacun difficile.
Aussi les élections suivantes, celles de l'an VII (mars avril 1799), se révélèrent encore plus mauvaises que celles de l'an VI. Elles concernaient trois cent quinze députés et comme presque tous les députés «floréalisés » l’année précédente furent réélus, le Directoire se sentit impuissant à réagir contre une poussée électorale aussi spectaculaire. La pression des Cinq-Cents s’accrut ; ils exigeaient du Directoire des explications sur sa politique, contraignant La Révellière-Lépeaux et Merlin de Douai à la démission. Quant aux néo-jacobins, ils préconisaient désormais une politique de salut public, leur sanglante marotte.
Le Directoire se trouvait en outre face à des difficultés militaires. Les victoires de la Convention, puis du Directoire, avaient complètement modifié la situation stratégique, donc politique, économique et sociale de la France.
Il fallait désormais compter avec les généraux sur le plan politique, intégrer le flux de ressources financières émanant des territoires conquis et voir se développer une classe sociale formée des innombrables militaires envoyés ou revenus du front.
Les victoires militaires avaient en effet permis d’installer en Italie des « républiques sœurs », cisalpine, ligurienne, romaine et même parthénopéenne. La Suisse avait été transformée en République helvétique et la Hollande en République batave.
Déjà à l’avènement du Directoire, la France de 1795 était nettement plus étendue que celle de 1789. Depuis sa prise de pouvoir, il s’y ajoutait Avignon, la Savoie, Nice, les anciennes enclaves allemandes, l’évêché de Bâle et les ex-Pays-Bas autrichiens, ce qui représentait 580 000 km2, soit plus qu’aujourd’hui. La République comptait alors environ 32 millions d’habitants, dont 28 millions sur le territoire de l’ancien royaume.
Mais, pendant l’hiver 1798-1799, une nouvelle coalition dirigée contre la France s’ajouta à des insurrections royalistes en divers points du pays. À l’été 1799, la situation militaire était devenue critique, car les conquêtes de la République engendraient dans les pays conquis de multiples mécontentements, sociaux, nationalistes et religieux. En Belgique, une guerre des paysans dut être réprimée. En Suisse, les ruraux catholiques menaient une guerre d’embuscade. En Calabre, les insurgés chassaient progressivement les Français, qui perdirent Naples. Dans toute l’Italie, les insurrections et les coups de main tenaient les troupes en alerte. Le Directoire tenta en vain un débarquement en Irlande alors que Bonaparte se trouvait en difficulté en Égypte où il avait subi une défaite navale et s’enlisait dans un conflit avec les Turcs.
La situation devenait critique sur le plan militaire.
À SUIVRE