LA FUITE EN AVANT DE NAPOLÉON
3 Avril 2025 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Bien décidé à s’installer comme un roi en République, Bonaparte pose une cour aux Tuileries, assiste à la messe tous les dimanches dans sa chapelle et voyage en province.
Le 27 mars 1804, le Sénat finit par obtempérer en invitant Bonaparte à « rendre son ouvrage immortel comme sa gloire », ce qui se traduit le 18 mai 1804 par une nouvelle Constitution de la République, dite de l’an XII, approuvée » par 3521675 « oui » contre 2579 « non » le 2 août 1804.
Les deux premiers articles de cette constitution disent l’essentiel :
Article premier : Le gouvernement de la République est confié à un empereur, qui prend le titre d'Empereur des Français.
Article II : Napoléon Bonaparte, premier consul actuel de la République, est empereur des Français.
La république n’est pas abrogée, elle a simplement un empereur à sa tête ! Quant à la constitution, elle est déjà la sixième de la Première République, au sein des seize constitutions que compte la France à ce jour depuis la première constitution de 1791.
Le 2 décembre 1804, Napoléon se couronne lui-même empereur, prêtant un serment par lequel il s’engage à maintenir l’égalité civile, la liberté politique et… les ventes de biens nationaux. Louis XVIII réplique deux jours plus tard en s’engageant, lorsqu’il retrouvera son trône, à respecter la liberté, l’égalité et toutes les propriétés, y compris nationales. On voit bien que le droit de propriété est alors au centre des débats…
Mais au terme d’une folle course en avant, la fin du régime est désormais programmée : Il lui reste neuf ans et demi à vivre et, si ce n’était le génie militaire de Napoléon et la difficulté organique de coordonner les actions d’une coalition militaire périphérique, son régime aurait duré beaucoup moins longtemps.
On peut classiquement regarder l’action de Napoléon comme une épopée, écourtée par des erreurs stratégiques telles que l’occupation de l’Espagne et l’invasion de la Russie. On peut également la comprendre, d’un point de vue plus réaliste à mon sens, comme l’agonie programmée d’un système politique qui ne se survit onze années qu’à coups d’exploits militaires, avec des conséquences tragiques pour la France et l’Europe.
Car, on le sait, Napoléon pilote non seulement l’Empire mais toute une série d’États satellites, avec sur les bras le conflit avec le Royaume-Uni qui s’est rouvert, comme on le sait, depuis le mois de mai 1803. Bonaparte a en effet été élu à la tête de la République italienne, nommé médiateur de la Confédération helvétique, choisi comme suzerain de la République batave, et reste l’inspirateur des décisions de la Diète germanique. Il a signé des traités de commerce avec Naples, l’Espagne, la Russie, le Portugal et la Turquie. Il est également actif dans le domaine colonial, notamment à Saint-Domingue.
La mécanique est désormais en marche qui réduira à néant, année après année, les efforts surhumains de Napoléon et de ses soldats pour conserver l’Empire, trop grand, trop hétérogène, trop autocratique.
À partir de mai 1803, inexorablement, Napoléon Bonaparte conduit la France à sa perte, par le chemin aventureux et glorieux qui est le sien. C’est ce qui pendait au nez de la France depuis que ses dirigeants avaient commencé à déclarer la guerre à l’Europe entière le 20 avril 1792.
En 1803, une fois la paix d’Amiens rompue par le rejet par la France de l’ultimatum anglais, l’Angleterre met l’embargo sur les navires français et hollandais. Les sujets britanniques présents sur le sol français sont arrêtés. Les marchandises anglaises sont prohibées en France. Le Hanovre, possession anglaise, est occupé et remis à la Prusse. Napoléon cherche ensuite à envahir l’Angleterre en organisant une opération de diversion navale. Mais il échoue dans sa tentative de débarquement lorsque, à Trafalgar, la flotte de Villeneuve est définitivement battue par celle de Nelson le 21 octobre 1805.
En 1805 justement, le 8 avril précisément, les Russes se joignent au Royaume-Uni en signant une convention ayant pour but de ramener la France à ses frontières de 1789, une convention à laquelle l’Autriche adhère un mois plus tard. L’Autriche était pourtant réticente dans un premier temps, d’autant plus qu’elle avait même reconnu l'Empire français mais la création d’un royaume d’Italie satellite de l'Empire français et l'annexion de la République Ligurienne provoquent son revirement. La Suède de Gustave IV rejoint la coalition le 30 octobre 1805.
Les buts de guerre des alliés sont bien résumés le 5 août 1805, par le diplomate russe Voronzof : « Quant au motif et à la justice d’une coalition contre Bonaparte, elle ne peut être reconnue que comme juste et nécessaire par ses infractions des traités d’Amiens et de Lunéville, sa royauté de l’Italie, l’usurpation de Gènes, et enfin tout ce qu’on peut attendre de son audace et de la puissance énorme et gigantesque qu’il s’est formée et qui menace toute l’Europe. »
À SUIVRE