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Le blog d'André Boyer

LES LETTRES INTERSTELLAIRES

6 Mai 2025 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE

LES LETTRES INTERSTELLAIRES

Sans nul doute, vous lirez avec grand intérêt, comme moi, le dernier ouvrage de Christian Caleca intitulé Les Lettres interstellaires qu’il vient de publier aux Éditions Maïa.

 

C’est un ouvrage remarquable par l’étendue et la profondeur de ses analyses, appuyé par les données les plus sérieuses. J’ai déjà rendu compte de ses ouvrages précédents, car il a écrit de magnifiques ouvrages sur la vie humaine, une vie souvent liée à la musique, comme Un Récital Intérieur et Le Quatuor de Lucerne. Déjà L'Accident, son troisième ouvrage, abordait une thématique éloignée en apparence de la musique, encore qu’il traitât de l’harmonie avec le monde et la vie, une harmonie que l’on attend de la musique.

Avec Les Lettres interstellaires, l’ambition de l’écriture s’élargit, adossée aux écrits précédents, mais avant de rendre compte du fond de l’ouvrage, il me semble utile de souligner le caractère original de la forme épistolaire qu’il utilise. Cette forme semble inspirée des Lettres Persanesde Montesquieu adaptées au monde actuel : un être extraterrestre, très empathique avec l’humanité, adresse une série de lettres officiellement destinées à un correspondant extra-terrestre, mais, on l’aura compris, dont nous, pauvres humains, sommes invités à faire notre miel.  

Ce choix narratif permet de porter un jugement lucide et profond sur les comportements humains, les institutions, et les choix collectifs à l’heure des crises écologiques, démographiques, technologiques ou morales.

Dans une première lettre, Kappa, notre épistolier, commence par décrire l’Univers tel qu’il le connait, notant les progrès des connaissances de l’humanité à cet égard, et prenant note de l’inquiétude des humains quant à l’existence probable mais non prouvée d’une ou de plusieurs vies dans l’univers.

Cela le conduit, depuis cette immensité que l’homme a du mal à embrasser, à aborder dans sa deuxième lettre la question générale des croyances des êtres humains, ce qui lui permet de se saisir des sujets brûlants de la transcendance, des religions et de la spiritualité.

Mais il ne peut se contenter d’observer l’esprit humain, il lui faut aussi constater ce que l’homme fait. Aussi, dans la troisième lettre, notre extra-terrestre se rapproche-t-il des organisations et met en lumière les dangers que court la démocratie et la liberté, c’est-à-dire les valeurs qui sont chères à l’homme pour vivre en (relative) harmonie avec ses semblables. 

Car, il le sait, avec les sociétés humaines surgit toujours le risque de guerre, interne et externe, qu’il observe dans la quatrième lettre, ce qui l’oblige à remarquer que les rapports de puissance évoluent, faisant passer l’Ouest ou l’Occident d’un pouvoir universel et incontesté à une situation nouvelle dans laquelle le « Sud global » cherche à imposer à son tour  sa loi : de quoi sera fait l’avenir des rapports entre les nations, les continents et à quelle vitesse évolueront-ils ? Grave question.

Mais aussitôt Kappa sait prendre ses distances. Il élargit sa perspective et se saisit des données utiles pour embrasser le sens profond et puissant du mouvement : sa cinquième lettre aborde les chocs démographiques, à savoir les débats autour de la réduction générale mais diversifiée du taux de fécondité et ses conséquences prévisibles sur l’organisation de l’humanité, des conséquences que l’humanité n’a pas encore vraiment saisies, ou dont elle ne veut pas encore reconnaitre l’importance.

Or comprend Kappa, le danger est double pour l’humanité, interne avec la démographie et externe avec les menaces qui pèsent sur le climat, la nature et les êtres vivants, sujet dont s’empare aussitôt sa sixième lettre. Naturellement il faut s’en inquiéter, mais jusqu’à quel point et que faut-il faire ?

Continuant à ruminer les dangers qui guettent l’humanité, dans sa septième lettre Kappa en revient presque malgré lui à la conflictualité de la race humaine, sa violence, ses haines et toujours la guerre. C’est une constante certes, mais il prend conscience que cette conflictualité varie avec les régions, les pays, les races et les pouvoirs politiques. Elle n’est donc pas fatale, se rassure-t-il, car on peut lutter contre elle si l’on prend conscience de ces données.

Heureusement la huitième lettre constitue une bonne surprise pour nous les Français, car notre extra-terrestre la consacre à notre pays qu’il présente comme singulier et dont il s’attache à cerner les caractéristiques avec enthousiasme, mais aussi avec réalisme. Et il nous laisse avec une question sur ce que l’on peut faire pour défendre ce pays singulier.  

Sans doute grâce à cet aparté sur la France, la neuvième lettre est-elle plus apaisée. Elle rend hommage à l’esprit humain, au travers de l’esprit scientifique, de sa volonté de comprendre et de savoir. Un savoir qu’il faut accumuler, donc stocker et comprendre : quel enjeu tout de même !

Et comme l’esprit scientifique n’est jamais loin du miracle de l’art, donc de la peinture, des récits et surtout de la musique, Kappa observe avec émerveillement dans sa dixième lettre le grand, le beau mystère de l’esprit humain : admirons, rêvons, créons !

Mais bientôt les contournements de l’esprit humain viennent assombrir à nouveau les humeurs de notre extra-terrestre, qui observe avec inquiétude dans sa onzième lettre l’irruption d’un nouveau puritanisme avec les dérives du wokisme. Comment le dénoncer ? comment lutter ?

Et puis notre extra-terrestre n’a pas eu de chance car il est arrivé sur cette Terre alors même que l’Intelligence Artificielle (IA) y prenait son essor. Nouveau progrès, nouveau danger, il se demande dans sa douzième lettre jusqu’à quel point l’IA peut mettre en danger l’esprit humain, modifier les équilibres fragiles de l’humanité. Encore et toujours, comment y remédier ?

Sachant qu’il va bientôt retourner chez lui, le voilà dans sa treizième lettre qui regarde avec un respect teinté de condescendance, pour ne pas écrire de peur, les humains amorcer l’exploration et la conquête spatiale. Jusqu’où iront-ils ? Mais il se rassure en s’interrogeant sur le moment, probablement encore assez lointain, où aura vraiment lieu une percée de l’homme dans l’espace.

D’autant plus qu’avant de retourner chez lui et de quitter les êtres humains auxquels il a fini par s’attacher, voilà notre épistolier, dans sa quatorzième et dernière lettre, qui se penche encore au chevet de cet être humain prétendant devenir autre, un être augmenté par le transhumanisme. Malgré tout ce qu’il a appris sur l’humanité, Kappa ne sait pas trop s’il s’agit d’une vision futuriste ou d’une billevesée d’apprenti sorcier ?

Mais enfin, entre les excès du wokisme, le risque de l’IA et la sorcellerie du transhumanisme, Kappa ne peut pas quitter pas notre Terre, sans appréhension pour son avenir. Il sait pourtant que l’homme a toujours su s’adapter pour faire face aux menaces d’où qu’elles viennent, mais il s’est sans doute trop s’identifié avec l’être humain dont il a fini par partager les espérances et les inquiétudes.

 

Il est temps qu’il retourne chez lui, en nous laissant en cadeau de départ un remarquable bouquet de réflexions, de constats, d’analyses et de prise de position qui nous laisse un peu exsangues, mais tellement enrichis !

 

Références : Christian Caleca, Les Lettres interstellaires, Éditions Maïa, 2024.

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