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Le blog d'André Boyer

SCHOPENHAUER, LA BIBLE ET LE SENS DE LA VIE

20 Mai 2025 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

SCHOPENHAUER, LA BIBLE ET LE SENS DE LA VIE

Schopenhauer est très séduisant par son côté ironique, son intelligence, son refus des jouissances vulgaires et des passions fortes, loin des inepties frénétiques du monde moderne.

 

Il ne vous a pas échappé que Schopenhauer était un rentier qui a vécu à l’abri des tempêtes du monde pendant presque trente ans à Francfort, dans une sorte d’ermitage où il a pu polir son œuvre magistrale. Il a vécu en solitaire, sans femmes ni enfants, comme un être totalement voué à l’aventure intellectuelle dans laquelle il s’est illustré avec éclat.

L’attirance irrésistible que cet auteur a exercée sur moi comme sur tous les êtres avides d’accomplissement intellectuel, réside dans son culte de l’intelligence, sa volonté de créer son petit bonheur à part, sa déification des œuvres de l’homme, notamment au travers du statut des arts et sa prétention à réaliser son salut par soi-même, sans aide extérieure. On y trouve tout ce que veut l’homme moderne : se sauver du monde et briller par ses qualités propres : le péché d’orgueil dans toute sa pureté.

Or de Schopenhauer découle le nihilisme du début du vingtième siècle : Hitler avait le buste de Schopenhauer sur son bureau et il avait emporté Le Monde comme volonté et comme représentation dans les tranchées de la Première Guerre mondiale.

Quelle valeur accorder en effet à la vie humaine quand on pense que tout n’est qu’illusion et que notre substance profonde est indestructible ? L’homme schopenhauerien se coupe des autres et méprise la charité chrétienne.

Ce qui est très révélateur chez Schopenhauer, c’est sa haine du juif et de la Bible. Lorsqu’il en parle, c’est avec une hargne étonnante : « Un petit peuple de rien du tout, isolé, bizarre, gouverné sacerdotalement c’est-à-dire par la folie, parfaitement méprisé d’ailleurs de toutes les grandes nations de l’Orient et de l’Occident, ses contemporaines, je veux parler du peuple juif » (Le Monde comme volonté et comme représentation, II, 49). Houellebecq, qui connaît bien Schopenhauer, déclare très justement : « Le monothéisme est le seul sujet qui lui fasse réellement perdre son calme » (entretien au Point, octobre 2016).

Cette haine du juif et ce dégoût pour l’Ancien Testament sont très caractéristiques de la pensée de Schopenhauer et elle constitue peut-être même la clé de sa vision du monde. Il faut constater que ce sentiment est très partagé par les intellectuels de notre époque : les écologistes ne pardonnent pas à l’Ancien Testament son anti-panthéisme et la prééminence de l’homme sur la création, les féministes vomissent le patriarcat, les démocrates rejettent son anti-sentimentalisme.

Mais ce que Schopenhauer, comme Voltaire, n’accepte décidément pas, c’est la transcendance radicale du Dieu biblique. Yahvé est un Dieu qui intervient dans l’histoire, qui dépouille l’homme de son aspiration à forger son propre destin, à édifier son propre bonheur. Cette conception du monde est inacceptable, elle insulte son intelligence : quand on est Schopenhauer, on n’accepte pas de voir sa destinée remise entre les mains d’un Dieu qui parle à des bergers, car on tient à ses prérogatives, on se hausse de toute la hauteur de l’intelligence humaine, seule capable de prendre conscience d’elle-même et de déchirer le voile de Maya*.

On peut aimer Schopenhauer et son chant des sirènes, mais on peut aussi refuser de s’enfoncer dans sa solitude orgueilleuse. On peut laisser la vie se dérouler et se faire féconder par l’imprévu et par l’autre. On peut rencontrer des trésors d’humanité dissimulés chez les personnes les plus simples, et de chacun, apprendre quelque chose.

 

La vie nous engage à ne pas avoir peur, et même si le monde entier nous pousse vers la direction contraire, vers son confort, ses écrans et ses livres, à écouter la voie du monde et ne plus rencontrer seulement l’image de sa vie, bien propre, bien nette, mais la vie elle-même.

 

* Le voile de Maya désigne l'illusion qui masque la véritable nature de la réalité, selon la philosophie hindouiste. Une fois ce voile révélé, l'objectif philosophique est de percer cette illusion pour accéder à la vérité transcendante qui permet d’atteindre la libération spirituelle.

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