À la recherche d'autres dirigeants
Un pays, c’est une grosse organisation à gérer. Chargée de cultures, de traditions et de procédures, la France avance à pas hésitants vers un futur dont elle ne discerne pas clairement les contours.
Cela fait longtemps que cela dure. Croyant que l’orgueil d’être Français autorisait tous les abus, Louis XIV a poussé les Français à faire la Révolution et à enfanter Napoléon. Depuis, la France se cherche, se prenant tantôt pour une puissance jusqu’à se noyer dans le sang de 14-18, s’affaissant soudain dans de laamentables bourbiers dont les derniers ont pour nom la débacle de 1940 et la décolonisation algérienne.
Depuis 1945, la reconstruction, le pacte social, la modernisation de la France, la construction européenne ont donné le sentiment que la France était devenue une organisation moderne, efficace, tournée vers le bonheur de ses citoyens. Et voilà que depuis 1974, elle patauge à nouveau. Ses chefs ont cru trouver, non pas la recette du succès, mais celle du pouvoir conservé. Le « modernisme » en bandoulière, l’Europe comme une incantation, les avantages sociaux distribués comme des cadeaux de Noël, tous ces rêves sont venus se fracasser sur la rude compétition mondiale. Une France ouverte à tous, généreuse pourus, n’exigeant rien de personne, est un luxe qui a éberlué bien des fourmis, allemandes, américaines, japonaises et plus récemment chinoises.
Cela fait des années maintenant que des trous béants se creusent un peu plus chaque année sous les pas d’une organisation française qui ne sait plus se sortir d’aucun guêpier. Le système éducatif vacille, menaçant de faire de l’école une immense garderie. Les agressions physiques et matérielles se multiplient. Le cœur de la fonction régalienne de l’Etat est atteint lorsque la police, la justice et le système pénitentiaire sont débordés. Alors que son industrie périclite, la France voit sa croissance économique s’affaisser, la plaçant dans le peloton de queue des pays industrialisés. Et, juge de paix de la plupart de ces failles, les déficits s’ajoutent sans cesse aux déficits précédents.
Aux dernières élections, le président de la République Française a promis monts et merveilles, du travail, de l’ordre, de l’argent, la sécurité. Le chemin de la lumière était retrouvé, le chef était jeune, moderne, dynamique. Hélas, il a fallu se résoudre à constater qu’il était plus préoccupé de clinquant que d’efficacité. Petit à petit, on a compris qu’il était prêt à sacrifier la France à tous les puissants, les banquiers, les grands États et les forces cachées qui prétendaient continuer à diriger et à ponctionner le pays.
Le chef et ses amis ont cru qu’il suffisait de cacher les faits, de distribuer des indemnités à tous et de laisser en liberté les condamnés que l’on ne pouvait plus garder pour que la multitude ferme les yeux. Pendant que le système se fissurait, il est vrai qu’il fut un temps où il suffisait de parler de la liberté qui existe chez nous mais pas chez les autres, de l’égalité incomparable qui y règne et des droits de l’homme dont nos dirigeants se faisaient les thuriféraires, pour que le bon peuple se disent que des gens qui parlaient d’or ne pouvaient pas être si mauvais, qu’ils savaient où ils allaient et que seules les crises, forcément venues de l’extérieur, expliquaient les déboires nationaux.
Aussi, les trous avaient-ils beau devenir béants, l’organisation France continuait de fonctionner, nourrie de certitudes vaporeuses qui se perdaient dans l’air du temps. Il était question de remplacer Nicolas par Dominique, en attendant que Jean-François relève ce dernier cinq ans plus tard, dans le ballet bien réglé des successions alternatives au sein de l’oligarchie héréditaire.
C’est alors qu’au Sud de l’organisation France, les peuples se révoltèrent contre leurs tyrans, eux aussi bouffis de certitudes et de corruption. La-bas, ce furent les jeunes qui sonnèrent l’hallali, convaincus que leurs dirigeants les menaient à l’abattoir. Ici, pour se rassurer, les citoyens se tournèrent vers leurs dirigeants, les yeux enfin grand ouverts. Ce qu’ils virent les effara : un ministre qui frayait avec un dictateur, un zozo nommé ambassadeur, un Président dont on annulait le procès. Chacun compris soudain que la France était dirigée, et depuis longtemps, par un Conseil d’Administration composé d’incapables : des profiteurs c’était normal, des menteurs c’était encore dans l’ordre des choses, mais des imbéciles c’était trop !
Tandis que tout le petit monde des dirigeants devenait fébrile, les uns fermant les yeux, les autres cherchant une recette qu’ils n’auraient pas encore appliquée, les citoyens n’écoutaient plus aucun boniment, n’obéissaient plus à aucune consigne : les commandes du navire France étaient mortes, l’équipage ne répondait plus, la partie était finie.
C’est que les citoyens étaient partis à la recherche d’une équipe toute neuve, qui mettrait en place un nouveau système de gouvernement, qui leur dirait ce qu’ils auraient voulu entendre depuis si longtemps et qui, enfin, ferait ce qu’ils attendaient.
Ils sont en train de la chercher, ils ont quatorze mois pour trouver…