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Le blog d'André Boyer

Bain de sang à Krasnoï

9 Mai 2011 Publié dans #HISTOIRE

Ayant perdu le contact avec Koutouzov au cours des deux semaines précédentes, Napoléon a cru à tort que l'armée russe était aussi affaiblie que la sienne. C’est pourquoi, à partir du 11 novembre, il commet l'erreur de reprendre sa retraite par petites unités et sur plusieurs jours, ne s'attendant pas à une offensive des Russes.

BD17pO23sWs5qUOB41QjFb.jpgLe 14 novembre, en tête de l'armée, les Corps de Poniatowski et de Junot passent Krasnoï, à 80 kilomètres de Smolensk et continuent à l'Ouest vers Orcha, 50 kilomètres plus loin.

Le lendemain 15 novembre, Napoléon, avec les seize mille hommes de la Garde impériale, arrive à son tour à Krasnoï où il pense rester quelques jours. Il s’agit de permettre aux six mille hommes du IVe Corps d’Eugène de Beauharnais, aux neuf mille hommes du Ier Corps de Davout et aux huit mille hommes du IIIe Corps de Ney, de le rejoindre pour poursuivre la retraite. Ces derniers, qui constituent l’arrière-garde, ne quittent Smolensk que le 17. À ces troupes organisées se sont joints quarante mille hommes et femmes qui marchent en désordre autour de ces divisions.

Plus au sud, dans des régions moins dévastées, l'armée de Koutouzov se dirige aussi vers Krasnoï dont elle atteint les environs  en même temps que Napoléon, le 15 novembre. Les Russes disposent de soixante mille hommes, d’une importante cavalerie et de 500 canons auxquels s’ajoutent les vingt mille cosaques qui  harcèlent les troupes françaises le long de la route.

Les dix sept mille hommes de Miloradovitch barrent l’accès à Krasnoï. Napoléon, à la tête des seize mille hommes de la Garde impériale, décide  de marcher sur lui. Impressionné par l’allure de la Garde, Miloradovitch refuse[1] le combat. Les troupes de Napoléon n’ont plus alors qu’à chasser les trois mille cinq cent cosaques d’Ozarowski qui défendent Krasnoï avant d’en décimer la moitié dans une attaque aussi surprise que nocturne. À ce moment-là, Napoléon envisage de rester à Krasnoï quelques jours pour permettre au reste de son armée de se regrouper. Les événements vont en décider autrement.

Le 16 novembre, le IVe Corps d’Eugène de Beauharnais se présente à son tour devant Krasnoï. Il perd, dans les combats que lui imposent les soldats de Miloradovitch, le tiers de ses hommes, son artillerie et son train des bagages.

Le 17 novembre, dans l'après-midi, le Ier Corps de Davout se hâte à son tour vers Krasnoï. La nouvelle de la défaite d'Eugène fait que Davout a décidé de ne pas attendre le IIIe Corps de Ney, qui n'a toujours pas quitté Smolensk. Miloradovitch déclenche un barrage massif d'artillerie contre lui, menaçant rapidement le Ie Corps d'anéantissement. Napoléon décide alors de le soutenir en simulant une offensive de la Garde impériale contre les troupes de Miloradovitch. Dans le même temps, ce qu’il subsiste du IVe Corps d'Eugène passe à l'ouest de Krasnoï pour sécuriser la route de retraite vers Orcha. Dès que Davout et Ney seront arrivés, Napoléon espère reprendre aussi rapidement que possible sa retraite afin de ne pas présenter son flanc à Koutouzov lorsqu’il marchera vers Orcha. 

En attendant, après que le simulacre d’attaque eut sauvé Davout, il envoie ce même 17 novembre à cinq heures de l'après-midi, onze mille soldats de la Garde pour sécuriser l'est et le sud-est de Krasnoï. Tandis qu'une colonne de cinq mille hommes marche le long de la route de Smolensk, une autre de six mille hommes marche au sud vers Ouvarovo. Koutouzov, impressionné, annule l'offensive prévue malgré l'écrasante supériorité numérique de ses troupes. Pendant ce temps, au nord de Krasnoï, les troupes de Davout commencent à arriver, fortement affaiblies par l’artillerie russe et le harcèlement des cosaques. Tous ces combats consomment quantité de soldats : c’est ainsi que, prés d’Ouvarovo, le 1er régiment d'infanterie légère de la Jeune Garde se retrouve réduit à onze officiers et cinquante soldats…

Afin de ne pas prendre le risque de se laisser encercler, la hantise de tout général, Napoléon décide de repartir aussitôt vers Orcha, quitte à sacrifier le IIIe Corps de Ney. Ce ne fut pas une décision facile, mais il finit par se résoudre à ordonner à la Vieille Garde de rejoindre le IVe Corps d'Eugène, à l'ouest de Krasnoï. De son côté, la Jeune Garde est relevée par les troupes de Davout, troupes qui ne comptent plus que la moitié des hommes partis de Smolensk. Seule une division de trois régiments commandée par le général Friedrich est laissée à Krasnoï.

Koutousov finit la journée du 17 novembre en submergeant l’arrière-garde de Napoléon, qui perd la totalité d'un régiment, tandis que sur la route d’Orcha, ce dernier pulvérisait un petit détachement de troupes russes dans un extraordinaire capharnaüm d'explosions, de wagons renversés, de fugitifs paniqués et que les cosaques s’emparaient du train de bagages du Ier Corps et même des effets personnels de Davout !thumbnail-1.aspx

À la nuit, ce 17 novembre, les soixante dix mille  soldats de Koutouzov occupent Krasnoï et ses environs. Pendant ce temps, sans se douter que c’est Koutouzov, et non Napoléon, qui l’attend à Krasnoï, le maréchal Ney, après avoir  quitté Smolensk le matin même, se dirige droit dans le piège.

C’est le lendemain 18 novembre à trois heures de l'après-midi  que se joue enfin le dernier acte de cette sanglante représentation, une aventure extraordinaire qui commence lorsque le IIIe Corps de Ney rencontre les 12 000 hommes de Miloradovitch. Ney dispose de 8 000 hommes qui sont pris sous le feu de l’artillerie russe. Miloradovitch, qui sait bien que Ney n’a aucune chance de percer au travers de l’ensemble des armées russes qui l’entourent, lui offre une reddition honorable. Ney la rejette, croyant toujours que Davout se trouve à Krasnoï et tente au contraire de se frayer un chemin à travers les rangs ennemis. Il parvient à percer les deux premières lignes d'infanterie, mais ses troupes épuisées succombent face à la troisième ligne. Miloradovitch fait alors à Ney une seconde proposition de reddition, que ce dernier rejette encore pour se lancer au  combat à la tête de ses hommes, un fusil à la main.

Il résiste jusqu’à la nuit, puis laissant ses feux de bivouac allumés, profite de l'obscurité pour s'échapper vers le Nord à travers la forêt, franchir à gué le Dniepr à peine gelé, se jeter dans la forêt avec deux mille rescapés poursuivis par les Cosaques de Platov et finit par rejoindre les troupes françaises à Orcha le 20 novembre. Ils ne sont plus que huit cent survivants, mais Napoléon qui les croyaient perdus, décerne  à Ney le titre de « Brave des braves » et puise dans cet exploit de nouvelles espérances, même si les combats de Krasnoï ont réduit la Grande Armée à trente mille hommes et vingt-cinq canons, sans aucune cavalerie.

Mais l'armée française n'était pas totalement anéantie.

 

Il lui restait à franchir la Bérézina…

 



[1] « La garde impériale avec Napoléon parmi eux traversa les rangs de nos Cosaques comme un navire de 100 canons aurait traversé une flottille de bateaux de pêche. »

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