Coup d'État de l'UE à Kiev
La cinquième élection présidentielle ukrainienne de 2010 s’est déroulée en janvier 2010 selon un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Elle permet, comme en France, d’élire un président de la République pour un mandat de cinq ans.
Le chef de l'État sortant, Viktor Iouchtchenko, leader de la « révolution orange », avait annoncé sa volonté de briguer un second mandat. L'ancien Premier ministre, Viktor Ianoukovytch, candidat perdant du second tour de l'élection présidentielle de 2004, avait fait également acte de candidature, comme l'ancienne alliée du président sortant Iouchtchenko et Premier ministre, Ioulia Tymochenko.
Au total, dix-huit candidats ont brigué le palais Maryinsky. Au premier tour, le président sortant a été lourdement sanctionné puisqu’il n’est arrivé que cinquième avec 5,45%.
Son parti, le parti Orange qui vient, en février 2014, de remporter provisoirement son bras de fer avec le Président Viktor Ianoukovytch, était jugé responsable de la corruption et des lourds déficits de l’économie ukrainienne.
Le premier tour, qui a rassemblé 66,76 % des électeurs, plaça Viktor Ianoukovytch en tête avec 35,32% des voix, suivi de Ioula Timochenko, avec 25,05% des voix. Ces deux candidats s’affrontèrent au second tour qui fut remporté par Viktor Ianoukovytch avec 3,5% de voix de plus que sa concurrente Ioula Timochenko, un écart légèrement supérieur à celui qui a séparé Hollande de Sarkozy en 2012. Le taux de participation se révéla un peu plus élevé qu’au second tour, 69,15%.
Néanmoins Ioula Timochenko contesta l’élection de son concurrent. Malgré le jugement des observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui avaient trouvé le scrutin « transparent et honnête », elle dénonça des « fraudes massives » dans l'Est du pays, réclama l'annulation de l'élection et refusa de démissionner de son poste de Premier ministre. Finalement, le vote d’une motion de censure l’y contraignit.
C’est à cette harpie (voir mon blog « Sainte Ioulia Timochenko, martyre) que les apprentis sorciers européens viennent de remettre les clés du pouvoir en Ukraine....
Devant les membres du Parlement ukrainien, Viktor Ianoukovytch dénonça, comme aujourd’hui le nouveau pouvoir, les dettes colossales, la corruption, la pauvreté et une économie qui s'effondrait.
Il souhaitait des relations fortes à la fois avec l'Union européenne et la Russie, avec laquelle il signa un traité permettant à la flotte russe de stationner à Sébastopol pour 25 ans, en échange de quoi il obtint la diminution de 30% du prix du gaz russe livré à l'Ukraine.
L'opposition, acquise aux USA et financée par ces derniers, protesta violemment contre cet accord, tandis que Viktor Ianoukovytch faisait renforcer ses prérogatives présidentielles par la Cour constitutionnelle. C’est alors que se renforcèrent aussi les pressions occidentales contre son pouvoir. En 2012, l'ONG américaine Freedom House raya l'Ukraine de la liste des pays libres. Accusé de corruption, l'ancien ministre de l'Economie du gouvernement Tymochenko, Bogdan Danilichine, obtint l'asile politique en République tchèque tandis qu'en Ukraine, Ioulia Tymochenko était assignée à résidence, avant d’être condamnée à sept ans de prison ferme pour corruption.
L’Union Européenne fit semblant de ne voir dans cette condamnation qu’un motif politique alors que nul ne pouvait ignorer ses énormes détournements de fonds. L'UE conditionna désormais la signature d’un accord de libre-échange avec l’Ukraine à la libération de Ioula Timochenko, exerçant directement une pression politique sur le gouvernement ukrainien et encourageant ouvertement son opposition.
Fin 2013, le gouvernement ukrainien décida de résister à la pression en refusant l'accord avec l'Union européenne. Ce refus entraina aussitôt la programmation d'importantes manifestations pro-européennes à Kiev, l'occupation de la place de l’Indépendance et de la mairie, avec comme mot d'ordre la démission du président Ianoukovytch.
La légitimité de Viktor Ianoukovytch fut irrémédiablement remise en cause lorsque les milices paramilitaires rompirent la trêve pour reprendre possession de la place de l’Indépendance, provoquant la mort de 67 manifestants et de 13 policiers. La foule, aidée par les « négociateurs » européens, obtint gain de cause avec le départ du Président pour l’est du pays et sa « destitution » par le Parlement ukrainien.
La suite de cette affaire va prendre la forme d'une partie d'échec entre les apprentis sorciers européens et le maitre russe...
Mais cette affaire ukrainienne est déjà une première: c’est en effet la première fois que l’Union Européenne organise ouvertement un coup d’État dans un pays voisin contre un chef d’État régulièrement élu. Nous, citoyens européens, même abreuvés d’images cherchant à justifier cette action violente, devons prendre conscience de la vraie nature du pouvoir qui nous dirige.