Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

Il ne s'est rien passé au Portugal?

12 Juin 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Comme vous le savez, il ne s’est rien passé au Portugal le 5 juin dernier.

 

images-copie-1.jpegIl a fallu tendre l’oreille pour apprendre qu’il s’était déroulé là-bas une élection qui avait vu la victoire historique de la droite sur  la gauche. Mais les médias français nous ont expliqué que cela ne change rien car les partis portugais s’étaient entendu avant les élections, droite et gauche confondus, pour appliquer la potion du FMI et de l’UE. Regardons les faits de plus prés. 

 

L’abstention, vainqueur des élections portugaises :

L'abstention a dépassé 40%, ce qui  est un record absolu pour des législatives depuis l'avènement de la démocratie au Portugal en 1974. Cela montre surtout que les Portugais ne se font aucune illusion sur la capacité de leurs gouvernants à améliorer la situation.  Il reste qu’avec 39% des suffrages exprimés qui lui donne 105 sièges, le Parti social-démocrate de Passos Coelho bénéficie d'une majorité confortable, car il est allié au  CDS-PP qui comptabilise 24 élus, ce qui fait un total de 129 sièges sur les 230 qu'en compte la chambre portugaise uni camérale. Le Parti socialiste enregistre symétriquement une lourde défaite puisqu’il perd  24 députés avec 28% des voix (moins 8%) et ne dispose plus que de  73 sièges à l'Assemblée de la République. Le CDU (Coalition Démocratique Unitaires rassemblant les communistes et les écologistes) enregistre de son côté une légère progression passant de 15 à 16 députés avec un pourcentage constant de 7% des voix. Le Bloc de gauche (extrême gauche) perd la moitié de ses voix pour se retrouver avec 5% des voix et 8 sièges. Les résultats complets du scrutin seront annoncés le 15 juin après le dépouillement des votes de l'étranger qui sont représentés par 4 élus.

On peut donc craindre une crise profonde de la démocratie représentative au Portugal, induite par l’impression qu’il n’y a aucun véritable choix politique. Le quotidien Jornal de Notícias a commenté les élections en ces termes, le 6 juin : « Désormais, ce sont donc le PSD et le CDS qui remplaceront le PS pour devenir les gouverneurs du FMI, de l’UE et de la BCE et appliquer les plans du marché pour le protectorat portugais. »

 

Le leadership du futur chef de gouvernement portugais ?

Né en 1964, Pedro Passos Coelho est un homme d'appareil, sans expérience en termes de charges publiques puisqu’il n’a été que député et maire de Vila Real[1], mais jamais ministre. Pedro Passo Coelho a grandi en Angola, où son père travaillait comme médecin. C’est un homme politique auquel on n'attribue pas le moindre écart de conduite. Après un premier échec, il a été élu en mars 2010 président du PSD avant de remporter l’élection anticipée de juin 2011. Il dispose d’un entourage formé de politiques peu expérimentés si bien que personne ne peut prédire ce que seront ses capacités de leader dans un pays en crise.

 

Le diagnostic portugais : rétablir les équilibres financiers 

Le Parlement a été dissous fin mars 2011, lorsque José Socrates a vu son quatrième plan d'austérité en moins d'un an rejeté par le Parlement. Ce dernier a été contraint, deux semaines plus tard, à faire appel à l'aide internationale en raison de la hausse insupportable des taux d'intérêt exigés par les marchés. Lourdement endetté avec 160 milliards d'euros fin 2010, le Portugal a fini l'année 2010 en récession avec un déficit public représentant 9,1% de son PIB et un chômage concernant plus de 11% de la population active.

Pedro Passos Coelho a promis d'aller « bien au-delà » des exigences posées par l’UE, le FMI et la BCE en échange d’un prêt de €78 milliards. Mais il devra commencer par réduire le déficit public de 9,1% du PIB l'an dernier à 5,9% cette année, et descendre à 3% d'ici 2013, quels que soient les moyens choisis.

 

L’ambiance portugaise: révolution libérale ou résignation ?

L’objectif de Pedro Passos Coelho est de surprendre les investisseurs de manière à ce que le Portugal revienne sur le marché des capitaux le plus vite possible. Il lui faut à la fois baisser les dépenses et relancer la croissance. Il a l’ambition d’établir un « contrat social » entre l’État, les employés et les syndicats, mais il se heurte à la résistance de syndicats opposés aux réformes du marché du travail. Il veut faire une réforme constitutionnelle pour faciliter les réformes, mais il a besoin pour ce faire de l’appui de l’opposition socialiste.

 Son manifeste électoral est une rupture par rapport à une pensée politique portugaise dominée par l’idéologie de l’État providence. Cette rupture est en opposition avec la tradition paternaliste de l’État portugais depuis des siècles.

 

Il s’est donc passé quelque chose au Portugal le 6 juin dernier, et l’on ne sait pas encore si cela conduira à l’émergence d’un Portugal libéral ou au repli du Portugal sur ses valeurs séculaires. 

 



[1] 60000 habitants, située dans la Région Nord du Portugal. 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article