L'éternel retour
18 Mai 2014 Publié dans #PHILOSOPHIE
Nous pouvons, et en même temps, nous ne pouvons pas fuir le caractère tragique de la vie, grâce, ou à cause, du concept de « l’éternel retour » que propose Nietzsche :
« Et si une nuit, un démon se glissait auprès de toi et te murmurait à l’oreille : « cette vie, il te faudra la vivre encore une fois, et encore d’innombrables fois; elle ne comportera rien de nouveau, chaque douleur et chaque plaisir reviendra sans cesse, selon le même enchainement. Est ce que tu vas maudire ce démon ou est ce que tu vas le remercier ? » (Le Gai Savoir, IV, 341)
L’idée de revivre une infinité de fois chaque instant de notre vie peut sembler à première vue démoniaque. Revivre nos désagréments, nos échecs, nos disputes, nos accidents, nos tragédies, nos maladies, notre mort. Et les revivre encore et toujours, dans le même ordre…
Dans l’esprit de Nietzsche, cette pensée désespérante est en même temps une thérapie. S’il y a éternel retour (et pourquoi n’y aurait-il pas éternel retour?), nous n’avons plus aucune excuse pour ne pas vivre pleinement notre existence.
Même le suicide n’est plus une échappatoire à la vie, puisque nous aurions à le vivre une infinité de fois.
Alors, si nous devons accepter l’hypothèse de l’éternel retour, il faut endosser pleinement notre vie pour que nous acceptions la répétition infinie de chacun de nos instants. Du coup, l’idée de l’éternel retour élimine la possibilité d’une vie malheureuse, puisque je ne voudrais jamais répéter indéfiniment une telle vie. L ‘eternel retour ne nous laisse pas d’autre choix que de faire ce que nous aimons ou, écrit d’une autre manière, d’aimer ce que nous faisons.
L’idée de l’éternel retour nous réconcilie aussi avec le passé. Même si nous sommes capables de créer notre présent et de façonner notre avenir, nous restons prisonniers de notre passé sur lequel notre volonté n’a pas de prise. Nos regrets, nos remords, nos mauvaises décisions, les opportunités que nous avons ratés, la douleur des souvenirs pénibles ou la nostalgie des moments heureux, tout notre passé nous rappelle l’impuissance de la volonté. Mais si nous voulons le retour du présent, nous devons vouloir aussi le retour du passé, puisqu’il est aussi notre avenir.
Nous devons donc, avec l’éternel retour, assumer nos actes, sans remords ni regrets. Ainsi, nous nous réconcilions avec le temps, dés lors qu’il est éternel et circulaire.
Il faut bien sûr être amoureux de la vie pour demander une nouvelle part de souffrances et de joies, de blessures et de plaisirs, de surprises et de déceptions. Mais notre récompense sera de traverser victorieusement les marécages du pessimisme et du nihilisme.
Mais quel est l’être humain qui est vraiment capable d’accepter l’éternel retour de sa vie ?