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Le blog d'André Boyer

La corde se tend...

11 Décembre 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

Il arrive un moment où tout devient clair dans une situation qui apparaissait longtemps brouillée. Les relations de cause à effet deviennent apparentes, la solution apparaît à l’horizon, il suffit de se laisser guider par la lueur de plus en plus vive qu’elle dégage.

stretched.jpgOn l’observe au bridge comme aux échecs, sur un champ de bataille comme dans une négociation longtemps embrouillée. C’est désormais le cas de la crise qui se développe en Europe.

Nous démêlons dans ce blog les fils de la situation française, des fils très similaires à ceux qui se tissent dans les autres pays de l’Union Européenne. Ce sont des fils qui se tendent chaque jour un peu plus. Inévitablement, ils se rompront lorsque la tension deviendra trop forte. C'est alors que la crise, après un instant de paroxysme, sera résolue. 

Observons l’état de la tension de ces fils, un par un :

Fil no 1, l’accroissement du fédéralisme européen : les dirigeants de l’Union Européenne ont dramatisé la situation pour monter d’un cran le niveau de fédéralisme : pour sauver l’Euro, disent-ils, il faut obliger les États à réduire, sous contrainte centralisée, le déficit budgétaire. La relation entre le sauvetage de l’Euro, la réduction des déficits et la contrainte centralisée n’est nullement avérée, comme on le constatera en examinant les autres fils. Mais ce qui est acquis, c’est que s’est créée une nouvelle tension politique entre les partisans et les adversaires du fédéralisme européen qui ne demande qu’à grimper  avec la pression fiscale et sociale exercée sur les populations. Les partisans du fédéralisme répéteront alors que ce sera encore pire si ces contraintes se relâchent tandis que les adversaires dénonceront l’inutilité sinon la nuisance de contraintes supplémentaires. Jusqu’où ira la tension, vers encore plus de fédéralisme ou moins de fédéralisme ? 

Fil no 2, le déficit budgétaire : du fait du fil no 1 qui vient d’être tissé, sa  réduction, qui signifie l’accroissement des impôts et la réduction de la dépense de l’État, est désormais imputable aux nouvelles règles fédérales. Cette réduction sans croissance, puisque la situation économique et monétaire dans laquelle se trouve plongée les pays de la zone Euro interdit toute relance, va accroître les tensions économiques et sociales. Comment peut-on imaginer que cette tension va se réduire dans les quelques années qui viennent ? Jusqu’où ces tensions seront-elles considérées comme acceptables ? Or, si les taux d’intérêts montent en raison de la dégradation prévue de la dette de la France (voir fil no 4) ou si la croissance devient négative par excès de rigueur et par les réactions de défense de la population, cette tension budgétaire peut devenir en quelques mois insupportable…

Fil no 3, le déficit du commerce extérieur : pour la France, il devrait atteindre 77 milliards en 2011, en accroissement constant depuis 10 ans, période à laquelle il était à l’équilibre ou légèrement excédentaire. On peut envisager à long terme une amélioration de la compétitivité de l’économie française par des changements structurels, mais à moyen terme son redressement implique  une protection douanière ou une baisse du prix d’exportation des produits français. La première est exclue du fait des règles de l’OMC et de l’UE et la seconde du fait de l’existence de l’Euro. Jusqu’où peut-on accroître le déficit sans que ne se trouve posée la question du choix entre l’Euro et le rétablissement de la compétitivité de l’économie française ?

Fil no 4, le partage des revenus entre les détenteurs de capitaux et les emprunteurs :  Au fur et à mesure que la charge de la dette augmente, les premiers s’inquiètent des possibilités de remboursement des seconds, tandis que les seconds mettent en question la légitimité des premiers à fixer les intérêts et à exiger le remboursement intégral des sommes prêtées. Jusqu’où la tension entre prêteurs et emprunteurs peut-elle s’accroître avant que ne soit mis en question le remboursement des dettes elles-mêmes?

On observe donc que les logiques actuellement en oeuvre ne peuvent qu'accroître les tensions, si l’Europe continue sur sa pente fédérale naturelle, si les États s’obstinent, sous la houlette européenne, à rétablir l’équilibre des finances publiques par plus de rigueur, si le maintien de l’Euro est obtenu au détriment de la compétitivité des économies du sud de l’Europe, ou si les emprunteurs, qui ont eux mêmes défini les taux d’intérêt des emprunteurs en fonction du risque qu’ils estiment subir, exigent le remboursement intégral des créances.

Or, aucun des quatre fils ne pourra résister indéfiniment à l’augmentation illimitée de sa tension. Le fil no 1, politique, conduit à la remise en cause durable de l’objectif fédéraliste européen en raison des règles de plus en plus contraignantes qu’il veut imposer. Le fil no 2, la recherche de l’équilibre budgétaire, est gros de mouvements sociaux. Le fil no 3, le déficit commercial, contient en germe la nécessité d’une dévaluation des pays du sud de l’Europe. Le fil no 4, celui de l’équilibre des forces entre prêteurs et emprunteurs, conduit à un moratoire des dettes.

Aussi peut-on conclure que l’état de crise actuel conduit plutôt, après la période de forte tension dans laquelle l’Europe est actuellement plongée, à une nouvelle situation qui aura pour but de permettre aux différentes parties, États, banques, entreprises, salariés, de pouvoir conduire leur destin plutôt qu’à se contenter d'obéir aux injonctions, qu’elles viennent du « marché » ou des technocrates de toute obédience.   

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