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Le blog d'André Boyer

Le nihiliste à la recherche d'un but

16 Avril 2013 Publié dans #PHILOSOPHIE


L’intuition fondamentale de Nietzsche consiste à considérer que le nihilisme ne résulte pas de la chute des valeurs mais du besoin de croire.

 

Tempete-copie-1.gifEn effet, nous avons besoin de croire en un idéal, une idole, une divinité, qui, lorsqu’ils s’effondrent, nous entraînent avec eux dans leur chute, que ce soit une utopie politique, le départ de celle ou de celui que nous aimions ou notre plan de carrière qui tombe à l’eau.

Le XXeme siècle a vu le socialisme, cette religion de substitution, se dissoudre dans une brume sanglante. L’archipel du Goulag, la révolution culturelle chinoise, le génocide du peuple khmer, la chute du mur de Berlin ont été vécus comme des traumatismes majeurs par les croyants du socialisme qui ont dû précipitamment se convertir à d’autres idoles, la publicité ou excellent les anciens trotskistes, la célébration du profit ou l’idole sacrée de l’Europe autour des anciens de Mai 68 reconvertis comme Daniel Cohn Bendit.

Or Nietzsche nous fait savoir qu’il est inutile de chercher des idoles de substitution et vain aussi de revenir en arrière à la quête du vrai socialisme, du vrai amour ou de l’entreprise qui croira vraiment en nous.

Le problème est ailleurs: l’homme se sent coupé en deux, avec une partie de lui-même qui croit au Bien et l’autre qui croit au Vrai. Il voudrait adhérer aux mensonges qui lui permettent de vivre mais il sait qu’il n’en a plus le droit. Alors, puisqu’il ne croit plus en rien, sans hiérarchie de préférences, le nihiliste ne sait ni s’engager ni renoncer.

Le scepticisme devient sa nouvelle croyance, puisqu’il ne peut vivre sans espérance. Ce scepticisme lui offre un confort intellectuel, un tranquillisant qui lui évite l’action. Il faut aussi que les autres soient comme lui, sceptiques et résignés. Il ne peut pas accepter que son voisin, son collègue soit supérieur à lui, ce qui lui renverrait une image négative : il ne veut ni admirer, ni mépriser. Il faut que rien ne le dépasse, ni Dieu, ni maître, rien vers quoi grandir.

Puis, puisqu’il a perdu tous ses idéaux, il lui reste une dernière aspiration, le bonheur.

 

Le bonheur, nous dit Nietzsche, est l’idéal nihiliste par excellence, car on ne désire être heureux qu’en dernier recours, lorsque l’on n’a plus le courage ni de désirer, ni de vouloir. 

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M
Bonjour, analyse assez fine (bien que le format d'un blog ne permette pas un véritable approfondissement), en revanche tout comme je ne suis pas d'accord sur certains points avec Nietzsche, je ne le suis pas avec vous (si tant est que ce texte soit aussi votre opinion et non pas une analyse sans partie pris).<br /> C'est notamment au niveau de l'idée de l'Autre qui surpasserai le nihiliste et l'angoisse que cela pourrait susciter chez ce dernier :<br /> le nihilisme (tel que je l'envisage en tout cas, pour l'être et écrire souvent à son propos) est un excès de relativisme, la supériorité d'untel envers le nihiliste est mise en perspective avec son infériorité avec un autre, lui même plus faible qu'un troisième... Et ainsi de suite, le nihiliste abandonne au monde sa hiérarchie comme vous l'avez d'ailleurs souligné, il est donc fondamentalement anarchiste (de manière apolitique), or sans idée de hiérarchie, il ne peut ressentir ni l'infériorité ni la supériorité. Il se refuse d'être supérieur ou inférieur à un homme, il se sait juste différent.
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A
Bonjour. <br /> Je suis désolé de vous répondre aussi tardivement, car votre texte m'a échappé dans un premier temps. Dans mon blog, je m'efforce d'expliciter la pensée de Nietzsche et non la mienne en propre. Or, sauf erreur de ma part, ce dernier souligne que le nihiliste ne souffre pas que les autres soient supérieurs à lui. Si je comprends bien votre propre analyse, vous considérez que le nihiliste, abandonnant l'idée de hiérarchie,au monde, est étranger au sentiment d'infériorité ou de supériorité vis à vis de l'autre. <br /> Si j'exprime mon opinion, votre proposition me parait logique, encore qu'il y ait peut-être un risque de confusion entre le nihilisme et l'anarchisme, certes proches mais néanmoins fondés sur des postulats philosophiques différents. <br /> Avec mes meilleures salutations, <br /> André Boyer<br /> PS: mes remerciements pour votre jugement positif sur mon texte.
J
Non, c'est justement parce qu'il a conscience qu'il ne trouvera pas le vrai qu'il est nihiliste. (Voir l'excellent article à ce sujet sur le blog : "le jardin philosophe " de Guy Carl. Sur ce plan (la vie comme une impasse ou une absurdité) il y a une grande amertume.<br /> Cela peut aller, (par orgueil) jusqu'au système sadien : puisque la vie est absolument désespérante, poussons la logique à fond.
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J
Coupé en deux entre le bien et le vrai ? Bien vu !. Mais vous semblez éluder le fait que le nihiliste a choisi le vrai. Vous avez raison de parler d'idéaux, d'espérance, Ce qui laisse indifférent le nihiliste. Mais le sceptique résigné espère encore, il dévalue ou relativise encore, tandis que le nihiliste n'a plus cet entrain. C'est comme l'athée et le véritable agnostique; L'athée pense encore à Dieu pour le réfuter.en construisant un système sans Dieu. Pour l'agnostique, Dieu est une non question.
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B
Oui, vous avez raison, le nihiliste est celui qui capitule devant l'impossibilité ontologique d'atteindre la vérité, mais vous avez écrit que "le nihilisme a choisi le vrai". Merci également pour la référence à Guy Carl que je ne connaissais pas. Pour moi cependant, le nihilisme nie le sens de la condition de l'homme, fait de chair, de sang et d'esprit qui contraint à accepter les contradictions que cela suppose.
B
Merci de votre excellent commentaire, d'autant plus que vous posez une redoutable question, lorsque vous écrivez que "le nihiliste a choisi le vrai". Le vrai? qu'est-ce que le vrai? A t-il vraiment choisi? Peut-il vraiment choisir? Comment reconnait-il le vrai? Peut-il reconnaitre le vrai et ne pas le choisir? Et ainsi de suite. Je vous suis tout à fait sur la différence entre le nihiliste et le sceptique, l'agnostique et l'athée. Comme il est difficile de ne pas espérer, si peu que ce soit... en ce sens le nihiliste est un héros. <br /> Merci encore de votre commentaire