Le prince Sisowath Monireth
18 Février 2012 Publié dans #HISTOIRE
Les réactions désolées qu’a suscitées mon blog, relatant comment l’Ambassade de France à Phnom Penh avait livré les principaux dignitaires du Royaume du Cambodge qui s’étaient réfugiés dans ses locaux, m’encouragent à prolonger mon blog précèdent par une brève biographie consacrée au Prince Sisowath Monireth (1909-1975), en hommage à sa mémoire.
On se souvient que le 17 avril 1975, le prince Sisowath Monireth se présente devant l’Ambassade de France. Le portail ne s’ouvrant pas devant lui, il comprend qu’on lui en refuse l’asile ; il n’insiste pas et repart lourdement remettre sa destinée entre les mains de ses bourreaux.
Qui était cet homme auquel les bureaucrates de l’Ambassade refusaient l’asile ?
Ils ne connaissaient que lui, puisqu’il était le fils de Preah Bat Sisowath Monivong (1875-1941), roi du Cambodge de 1927 à sa mort. Lorsque le Cambodge fut occupé par les Japonais en 1941 et que la Thaïlande s'empara de ses provinces occidentales, le roi Sisowath Monivong se retira à Kampot où il mourut le 22 avril 1941. Son fils, Sisowath Monireth était l’héritier du trône, mais les autorités françaises lui préférèrent son petit-fils, neveu de Sisowath Monireth, Norodom Sihanouk âgé de 19 ans et estimé plus docile que son oncle par l’administration coloniale française.
Sisowath Monireth a effectué, comme moi, ses études secondaires au Lycée Felix-Faure (l’actuel Lycée Masséna) à Nice, avant d’intégrer l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. En 1934, il crée le premier mouvement scout cambodgien, « Angkar Khemarak Kayarith ». Début 1939, il entre dans la Légion Étrangère comme sous-lieutenant et participe aux combats de la seconde guerre mondiale en France, puis en Afrique du Nord, ce qui lui vaut d’être nommé Chevalier de la Légion d’Honneur. Écarté sous le protectorat français du Cambodge, il devient en 1945 Premier ministre, ministre de l’intérieur et de la défense nationale. Il crée alors, avec le soutien des autorités françaises, la première armée cambodgienne moderne composée des anciens bataillons coloniaux et l’école d’officiers du Cambodge. Lorsque le Cambodge devient indépendant en 1954, il en est le premier ambassadeur à Paris. Après avoir assumé de multiples responsabilités, il redevient inspecteur général de l’armée royale cambodgienne et conseiller militaire auprès de Norodoma Sihanouk jusqu’en 1970.
Lorsque Lon Nol chasse Sihanouk et prend le pouvoir, il est mis aux arrêts par le nouveau régime qui s’effondre le 17 avril 1975, alors que les khmers rouges investissent Phnom Penh.
C’est à cet homme-là, qui avait consacré ses soixante-six années de vie au service du Cambodge et de la France, auquel notre Ambassade refusa l’asile.
« De mes souvenirs, surgit l’image d’un portail…Fait de deux battants qui hantent mes songes, d’un treillis de fer soudé sur un châssis tubulaire, il fermait l’entrée principale de l’ambassade de France quand les khmers rouges sont entrés dans Phnom Penh, en avril 1975. » (François Bizot, Le portail)