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Le blog d'André Boyer

Le printemps arabe a t-il jamais existé?

11 Novembre 2013 Publié dans #ACTUALITÉ

L’aggravation de la guerre civile en Syrie, la restauration autoritaire en Egypte, la tension politique en Tunisie, la déstabilisation du Liban, la perpétuation du chaos en Irak et en Libye suscitent l’inquiétude qui succède à l’espérance démocratique du printemps arabe.

printemps-arabe.jpgMais le printemps arabe a t-il jamais existé ?

En effet, le renversement de Ben Ali en Tunisie, de Moubarak en Egypte, la rébellion armée contre la dictature de Kadhafi en Libye, la protestation civile contre celle d’Assad, la contestation de Saleh au Yémen ou l’occupation de la place de la Perle par les manifestants au Bahreïn répondent à des logiques propres.

Tout d’abord, la communauté des croyants musulmans n’a pas d’expression politique, même si on ne peut pas ignorer  la circulation des combattants d’un front à l’autre, les échanges entre les mouvements qui se réclament des Frères musulmans, les financements politiques et les livraisons d’armes en provenance du Golfe. 

Il faut ensuite situer les événements de 2011 dans la continuité de mobilisations antérieures, les longues luttes sociales, politiques ou civiques, comme les grèves du bassin minier de Gafsa, en Tunisie en 2008 ou le Printemps de Beyrouth en 2005, après l’assassinat du Premier ministre Hariri. Ils s’inscrivent aussi dans la lignée du nationalisme radical des années 1950 dont procèdent très directement les Frères musulmans égyptiens. Les « Printemps arabes » ont condensé dans une courte période des transformations de divers ordres qui étaient en germe dans chaque pays en fonction des spécificités de leur organisation des rapports sociaux, de leurs échanges économiques et de leurs institutions. 

Pour tous les pays pourtant, l’on a observé que le « printemps arabe » se traduisait par une victoire provisoire des partis islamiques qui bénéficiaient de leur implantation dans la société et de leur invocation de principes islamiques. Ils comblaient ainsi simultanément les attentes religieuses et l’espérance d’une plus grande justice sociale. Comme de plus, ils étaient auréolés du prestige de la répression qu’ils avaient subis de la part des régimes autoritaires et qu’ils disposaient du  financement provenant des pétromonarchies du Golfe, il n’est pas étonnant qu’Ennahda en Tunisie et les Frères musulmans en Egypte aient obtenus des victoires électorales marquantes.

Ces partis islamiques conservateurs ont proposé un modèle de société de bien-être fondé sur la « charité ». Cet islam de marché repose sur des transformations profondes du champ religieux, qui s’est désormais positionné aussi bien dans les domaines de la banque, de la finance, de l’industrie ou du commerce que dans ceux de l’enseignement, de la prédication ou du pèlerinage. Mais ils ont ensuite été confrontés à trois défis:

assurer la croissance économique, seule susceptible d’améliorer le niveau de vie des masses populaires ;

garder le contrôle de l’expression politique de l’islam ;

affirmer leur domination politique dans le cadre du parlementarisme.

De fait, en Egypte et en Tunisie, les partis islamiques au pouvoir n’ont pu éviter la scission des salafistes et n’ont pas fait la preuve de leur compétence économique. Cela a conduit les Frères musulmans à perdre la mise politique en Egypte et Ennahda en Tunisie à se retrouver sous la pression conjuguée de l’opposition de gauche et des nostalgiques de l’ancien régime.

C’est ainsi que l’Egypte est passée à une seconde phase, celle de la restauration autoritaire provenant de la volonté de l’armée et des privilégiés de l’ancien régime de préserver leur empire économique, par le biais d’une stratégie de la tension à l’encontre des Frères musulmans, avec l’appui des salafistes du parti Al-Nour et avec le soutien financier de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis.

En Tunisie, les intérêts constitués autour de Ben Ali n’ont jamais baissé les bras tandis qu’Ennahda s’est de son côté résigné à réprimer la mouvance salafiste, sans toutefois couper les ponts avec cette dernière comme le montrent les circonstances des assassinats politiques de 2013.

Mais il reste que le scénario le plus noir est celui des guerres civiles de Syrie et de Libye. Elles ont débordés les frontières des Etats contestés, provoquant des exodes de populations, déstabilisant les équilibres régionaux et intensifiant les trafics d’armes. La Tunisie et le Mali continuent de subir de plein fouet les effets collatéraux de la guerre civile en Libye tandis que les retombées de la guerre syrienne sont beaucoup  menacent d’être plus graves du fait de l’implication concomitante de la Russie, de l’Iran, de la Turquie, des pays occidentaux, de l’Arabie saoudite et du Qatar.

En outre, le traumatisme de ces guerres civiles sera de longue durée, du fait des bouleversements humains et économiques qu’elles provoquent. Les veuves, les orphelins les réfugiés, les déplacés, les combattants, les perdants du conflit voire les criminels de guerre ne sont pas prêts de se retrouver dans un nouveau régime apaisé.

 

Si l’on constate ces évènements issus des printemps arabes, plutôt que du printemps arabe, il reste à trouver une clé pour comprendre l’évolution des mouvements en cours…

 

(À SUIVRE)

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