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Le blog d'André Boyer

Le scalp de la BNP

21 Juillet 2014 Publié dans #ACTUALITÉ

La Cour Fédérale des Etats-Unis, District de New York Sud, a rendu son « Exposé des faits » (que je tiens à votre disposition en pdf) et le représentant de la BNP, George Dirani, a reconnu cet exposé « véritable et exact ». En foi de quoi, la BNP a accepté de payer la somme de 8,9 milliards de dollars (6,5 milliards d’Euros)  

 georges-chodron-de-courcel-bnp.jpg

Quels jugements porter sur cette décision de notre point de vue ? Plus précisément, comment juger le comportement de la BNP ? Quelles sont les justifications de la décision américaine ? Comment apprécier l’attitude des responsables français ? Quelles sont les conséquences de cette décision ?


Le 30 juin 2014, les procureurs et les régulateurs ont annoncé les sanctions qu'ils imposaient à BNP Paribas, première banque française, une fois que cette dernière ait accepté de plaider coupable face aux accusations américaines de s’être soustraite à l’interdiction américaine de commercer avec le Soudan, Cuba et l'Iran tout en cherchant à falsifier ses dossiers pour échapper aux poursuites.

Ces sanctions s’élèvent non seulement à une amende de 8,9 milliards de dollars, mais aussi la suspension du droit à effectuer certaines opérations en dollars et le licenciement de douze cadres de la BNP.

À elle seule, l’amende est supérieure aux bénéfices de BNP en 2013. D’autres banques, américaines celles-là, ont subi des amendes plus lourdes. La Bank of America a été sanctionnée à trois reprises, en février 2012, janvier 2013 et mars 2014 par des amendes de respectivement 11,8, 11,6 et 9,3 milliards de dollars pour des accusations portant sur des saisies immobilières, des ré achats d’hypothèques et des créances hypothécaires et la JP Morgan Chase a reçu l’amende unitaire la plus forte, de 13 milliards de dollars en octobre 2013, pour des accusations relatives à des créances hypothécaires.

On peut se poser la question d’évaluer la sanction appropriée pour une entreprise qui encourage un génocide.

Pour la Justice américaine, cela mérite une année de profits et le licenciement de quelques cadres. La BNP a en effet reconnu avoir aidé le gouvernement soudanais à vendre du pétrole en violation des sanctions américaines contre le Soudan, en utilisant, contrainte et forcée par l’utilisation du dollar comme monnaie de transaction, la chambre de compensation de New York. Elle s’est livrée à ces profitables transactions au moment même où des milices soutenues par le gouvernement Soudanais massacraient des civils par dizaines de milliers au Darfour. Au lendemain de la crise du Darfour, en 2006, la branche suisse de la BNP détenait près de la moitié des actifs en devises du Soudan, dont le Président est devenu par la suite le premier Chef d’État en exercice à être accusé de crimes de guerre par la Cour pénale internationale.

Mais la BNP, toute occupée à compter ses dollars, ne voulait pas le savoir.

La BNP a dissimulé un total de 190 milliards de dollars de transactions libellées en dollars entre 2002 et 2012, selon le département des services financiers de New York (DFS), qui comprend également des transactions impliquant Cuba et l'Iran. Pour dissimuler l’origine des transactions, la BNP a enlevé les informations d'identification des documents et ré acheminé les paiements au travers d’un réseau de banques satellites.  Les courriels internes montrent que nombre de cadres supérieurs de la banque étaient au courant de ces opérations qui suscitaient chez eux un certain malaise, dont on ne sait s’il provenait de leur peur d’être pris la main dans le sac ou de l’immoralité des opérations qu’ils couvraient.

En 2005, par exemple, un courriel d'un responsable interne de la conformité des opérations de la Banque s’inquiétait de l’utilisation d’un réseau de banques arabes utilisé par BNP pour contourner l'embargo contre le Soudan. Selon le DFS, ces inquiétudes étaient ignorées par la Direction de la banque, y compris par Georges Chodron de Courcel, le directeur de l'exploitation de la banque. Ce dernier a « autorisé des transactions illlicites de manière continue » (source DFS).

Il est vrai que les enjeux financiers étaient importants, puisqu’en 2006 les lettres de crédit de la filiale de la BNP étaient équivalentes à 25% des exportations du Soudan.Cela explique sans pourquoi il a fallu attendre 2007 pour que Baudouin Prot, le directeur executif de la BNP de l’époque, se résigne à donner officiellement l’ordre de mettre fin à ces opérations, mais sans se donner la peine de vérifier que nombre de ses subordonnés ne lui obéissaient pas !

Pour finir, le curriculum vitae de Georges Chodron de Courcel mérite que l’on s’y arrête. J’ai mis sa photo en illustration de ce blog. Il est le cousin de Bernadette Chirac et fait partie de la famille des industriels Chodron, ennoblie par Napoleon III. Agé de 64 ans, il a été déchargé « à sa demande », le 30 juin 2014, de ses fonctions de Directeur Général Délégué de la BNP et prendra sa retraite le 1er octobre 2014.

Pure langue de bois, puisqu’il ne part qu’à la demande de la DFS, et inutile de lui souhaiter une bonne retraite puisqu’il reste administrateur de Bouygues, Alsthom, FFP, Nexans, Compagnie nationale à portefeuille, Groupe Bruxelles Lambert, BNL, également censeur de Safran, de Scor, d’Exane et en outre membre du Conseil de surveillance de Lagardère.


Espérons quel sa « retraite » de la Direction Générale de la BNP lui permettra de faire mieux bénéficier de son expérience réglementaire et éthique l’ensemble de ces importants groupes français…

(À suivre)

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A
<br /> Bel article qui expose clairement faits reprochés à la BNP et soulève<br /> encore une fois l'absence de comportement éthique des banques. Je reste curieux de découvrir la version complète<br /> originale de l'exposé des faits de la Cour fédérale.<br />
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A
<br /> Cher Michel, <br /> <br /> <br /> je n'ai pas encore fini d'écrire la totalité de l'article, mais pour le moment, j'arrive à la même conclusion que toi!<br /> <br /> <br /> Amitiés, <br /> <br /> <br /> André<br />
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M
<br /> Très utile rappel des faits. On a hâte de lire la suite. Personnellement, je dirais - mais je ne suis pas le seul, bien sûr - que le scandale n'est pas que les USA "punissent" la BNP mais que les<br /> autorités de régulation française et européennes ne l'aient pas fait avant.<br />
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