Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

Le trilemme de Rodrik

13 Novembre 2011 Publié dans #ACTUALITÉ

 

Papandreou et Berlusconi renvoyés dans leurs foyers, deux eurocrates nommés, que dis-je désignés, respectivement à leur place, Luca Papedomos et Mario Monti. Quelle est la nouvelle donne ?

 

Les situations de la Grèce et de l’Italie sont fort dissemblables. La Grèce est insolvable : la dynamique de la dette grecque n’est plus soutenable quel que soit le scénario retenu en termes de croissance, de coût de financement et de solde budgétaire. Les « milieux financiers » en sont convaincus et s’attendent à ce que la Grèce fasse défaut à l’automne 2012, voire avant. Il est donc vraisemblable que les dirigeants européens aient fait nommer Luca Papademos pour gérer ce défaut grec dans les meilleures conditions pour la zone euro, donc avant les élections anticipées prévues le 19 février prochain. C’est du moins un schéma que l’on peut retenir.

Pour Mario Monti, c’est autre chose, il s’agit de sauver le soldat italien. Il va être immédiatement se trouver aux prises avec une rude contradiction, lui qui n’a pas été élu et qui ne bénéficie d’aucune légitimité démocratique et qui est chargé d’effectuer des réformes très douloureuses, sous le regard d’un Sylvio Berlusconi qui est enterré un peu vite par les medias.

Désormais se trouve posé au grand jour par l’Euro le trilemme de Dani Rodrik, à savoir qu’il est impossible d’avoir simultanément une intégration économique et financière avec le libre-échange, des flux de capitaux ouverts et une monnaie unique, des Etats- nations souverains et la démocratie.

rodrik 

La thèse de Dani Rodrik est que, dans le cadre d’une économie mondialisée, l’intégration économique génère une compétition entre Etats qui limite leur capacité à adopter des politiques interventionnistes que les populations souhaitent. Le gouvernement peut ignorer alors les populations et poursuivre des politiques de rigueur comme il le fait actuellement ou bien renoncer à une bonne part de sa souveraineté pour transférer le système démocratique à des instances supranationales. Mais au total, deux de ces trois choix seulement sont possibles à un moment donné.

On ne peut pas avoir en même temps une entité supranationale, l’Union Européenne utilisant une monnaie commune et des États souverains fondés sur des systèmes démocratiques.

Il est par contre possible d’avoir une Eurozone et des États souverains mais aux dépens de la démocratie. C’est ce que la Grèce, le Portugal et désormais l’Italie vivent en ce moment, puisque les populations ne sont surtout pas invitées, mais vraiment pas, à donner leur avis sur les mesures d’austérité qu’elles subissent. C’est une situation explosive à court terme sur le plan politique. 

Il est aussi possible d’avoir une Eurozone démocratique, mais aux dépens d’une forte perte de souveraineté des États-Nations : c’est le but de l’union fiscale et budgétaire des États, mais ce schéma n’est pas réalisable à court terme.

Il est enfin possible d’avoir des États-Nations souverains et la démocratie, mais au prix de la disparition de l’Eurozone, ce qui n’est pas pensable pour les dirigeants européens.

Les Allemands, et eux seuls, auraient, croit-on, les moyens  de  résoudre le dilemme de Rodrik. Puisqu’ils veulent garder l’Euro, qu’ils prennent en charge les dettes accumulées par les États du Sud de l’Europe. C’est la condition nécessaire pour aller vers l’union fiscale et transférer à l’eurozone la souveraineté des États. Alors les peuples de l’eurozone reconnaîtront leur nouveau protecteur. Mais s’ils reculent, l’Eurozone coulera. 

Pour la France, le moment de vérité approche. Elle vit le trilemme de Rodrick depuis 1983. C’est alors qu’elle a choisi l’Europe et une relative rigueur contre les promesses sociales et l’isolement. Elle est allé jusqu’au bout de sa logique d’abandon de souveraineté avec l’Euro, en échange d’une promesse démocratique : l’euro serait protecteur, nous redonnerait une souveraineté collective et assurerait une solidarité en Europe. Mais aujourd’hui, la situation se dégrade. La démocratie est malmenée et les abandons de souveraineté n’ont pas donné montré les bénéfices espérés. L’Euro se révèle un bouclier de verre et la solidarité entre européens n’est pas assurée. Sur la grève subsistent des Etats à la souveraineté affaiblie, une démocratie exsangue et une intégration financière incontrôlée.

 

Si les Allemands jettent l’éponge, ce sera le moment pour l’État de retrouver la base du contrat social qui le lie à ses citoyens : assurer leur sécurité, civile, sociale et économique.

 

Dani Rodrick, The Globalization Paradox: Democracy and the Future of the World Economy, 2011

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
<br /> <br /> Lumineux !<br /> <br /> <br /> J'ajouterai que la mondialisation telle que nous la vivons avec des pays émergents déjà capables de nous imposer leurs choix est un obstacle supplémentaire à la souveraineté<br /> de la France (si tant est qu'elle veuille la recouvrer).<br /> <br /> <br /> Sur la crise de la zone euro et son avenir, on peut lire aussi :<br /> <br /> <br /> http://mondesfrancophones.com/espaces/economies/la-zone-euro-des-piigs-aux-piifs/<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre