Les élites républicaines engagent la France dans la guerre
Après avoir voté contre la guerre pas plus tard qu’en mai 1914, les Français vont découvrir en une semaine (une semaine, pas plus !), entre le 27 juillet et le 2 août 1914, qu’ils sont jetés dans une guerre totale contre l’Allemagne :
Dés le 27 juillet, les syndicats français, affreusement inquiets de la tournure des évènements, manifestent contre la guerre sur les grands boulevards. Dans la nuit, tous les permissionnaires sont rappelés, bien que l’on n’en soit pas encore officiellement à l’étape de la mobilisation générale, qui signifie la guerre.
Le 28 juillet, l’Autriche-Hongrie, forte du soutien actif de Guillaume II, décide de déclarer le 28 juillet la guerre à la Serbie. Ce faisant, l’Allemagne sait qu’elle peut être conduite à mener une guerre européenne. Elle s’y prépare. Elle a son plan pour éviter d’être prise en tenaille entre les troupes russes et françaises.
Le 29 juillet, le tsar Nicolas II hésite à donner l’ordre de mobilisation générale. Il finit par le donner le 30 juillet à 16 heures. La guerre est aux portes de l’Europe.
Le 31 juillet, le schéma de la guerre se met en place, lorsque l’Allemagne demande à la Russie d’annuler l’ordre de mobilisation générale, alors qu’elle sait que ce serait pour cette dernière un recul inacceptable.
À 17h 40, Joffre envoie l’ordre de mettre en place « une couverture militaire complète ».
À 19 heures, l’Ambassadeur allemand rencontre le Président du Conseil Viviani et lui demande si, dans l'éventualité d'une guerre russo-allemande, la France garderait la neutralité. Viviani tergiverse en demandant le temps de la réflexion, mais à 21h 40, comme par hasard, la figure de proue de l’opposition à la guerre en France, Jean Jaurès, « le seul homme apte en France à s’opposer à la guerre avec l’Allemagne », est assassiné par Raoul Villain qui agit pour le compte d’on ne saura jamais qui.
Le 1er août à 11 h, l’Ambassadeur allemand rencontre de nouveau Viviani pour obtenir sa réponse : neutralité ou pas ?
Or Viviani se contente de lui faire la déclaration apparemment sibylline suivante: « La France s'inspirera de ses intérêts ».
Mais à 15 h 45, Viviani explicite sa réponse en décrétant la mobilisation générale pour le lendemain 2 août, ce qui signifie clairement la guerre. La première affiche de mobilisation est apposée quinze minutes plus tard au coin de la place de la Concorde et de la rue Royale. L'ensemble de la population est informé le même jour par des affiches, placardées sur la voie publique dans chaque commune, puis par le tocsin sonné par les cloches des églises et beffrois.
À 17 h, l'empereur Guillaume II ordonne la mobilisation en Allemagne, donc une heure et quart après celle ordonné par le gouvernement français. Il déclare la guerre à la Russie à 19 h. La guerre avec la France est désormais une affaire d’heures.
Le lendemain 2 août, le Président Raymond Poincaré publie dans le Figaro une déclaration, affichée ensuite sur les murs de toutes les communes de France, dans laquelle il déclare notamment, après une déclaration de principe trompeuse sur la volonté pacifique de la France : « La mobilisation n’est pas la guerre ; dans les circonstances présentes elle apparaît au contraire comme le meilleur moyen d’assurer la paix dans l’honneur. Fort de son ardent désir d’aboutir à une solution pacifique de la crise, le gouvernement, à l’abri de ces précautions nécessaires, continuera ses efforts diplomatiques et il espère encore réussir. »
Il sait bien qu’il essaie de tromper les Français, lui qui est l’un des artisans principaux de la décision, ruminée et préparée depuis 1871, de s’engager dans la guerre contre l’Allemagne.
Au soir du 2 août, l'Allemagne somme le gouvernement belge de ne pas s'opposer au passage des troupes allemandes à travers la Belgique.
Le 3 août à 18 h 45, l'ambassadeur d'Allemagne transmet au chef du gouvernement français la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France.
Le 4 août, le Président du Conseil lit à la Chambre de députés une déclaration selon laquelle, la France, vient « d'être l'objet d'une agression brutale et préméditée » alors que depuis l’assassinat de l’Archiduc François Ferdinand, «On ne peut lui imputer aucun acte, aucun geste, aucun mot qui n'ait été pacifique et conciliant » et « qu'elle a fait, jusqu'au dernier moment, des efforts suprêmes pour conjurer la guerre qui vient d'éclater et dont l'empire d'Allemagne supportera, devant l'histoire, l'écrasante responsabilité. » Aussi, « dans la guerre qui s'engage, la France aura pour elle le droit » et c’est pourquoi « elle sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée. »
La doctrine officielle est désormais établie : la France n’a ménagé aucun effort pour éviter la guerre, elle a été injustement agressée et il y répond par l’union sacrée. L’argument servira un quart de siècle durant, le temps de justifier la guerre suivante qui en découlera, en 1940.
À SUIVRE