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Le blog d'André Boyer

Les hommes et les bêtes

22 Février 2012 Publié dans #PHILOSOPHIE

Au moment où l’on apprend que, pour des raisons économico-religieuses, on abat une partie des animaux de boucherie en leur coupant la carotide et les jugulaires afin qu'ils se vident de leur sang la tête tournée vers La Mecque, tout en étant vivants, il est bon de se tourner vers le philosophe Arthur Schopenhauer (1788-1860).

schopenhauerSchopenhauer[1] s’indigne en effet de la position de philosophes comme Kant, qui considèrent que les animaux sont assimilables à des choses.  Pour Kant en effet, l’homme se situe « infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la Terre. Par là, il est une personne, un être entièrement différent par le rang et la dignité de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise… » (Anthropologie du point de vue pragmatique, I, 1)

Schopenhauer s’indigne d’une telle pensée et soutient au contraire que la « compassion sans bornes qui nous unit avec tous les êtres vivants, voilà le plus solide, le plus sûr garant de la moralité. » Quant à la condition animale, il ajoute : « On prétend que les bêtes n’ont pas de droit; on se persuade que notre conduite à leur égard ne relève pas de la morale et que l’on n'a aucun devoir envers les animaux. En philosophie, on fait reposer cette attitude sur une hypothèse admise, contre l'évidence même, d'une différence absolue entre l'homme et la bête…

« Contre ces déclarations intolérables, il suffit d'un remède: jetez un seul coup d'œil sur un animal, même le plus petit, le dernier, voyez l'égoïsme immense dont il est possédé : c'est assez pour vous convaincre que les bêtes ont bien conscience de leur moi, et l'opposent bien au monde, au non-moi…À ces sophismes des philosophes répondent les sophismes du peuple: quand il s'agit des animaux, le langage utilise des termes spéciaux pour le manger, le boire, la conception, l'enfantement, la mort afin de dissimuler, sous la diversité des termes, la parfaite identité des choses. En anglais par exemple, tous les noms d'animaux ont un genre neutre comme pour les objets inanimés »

Pourtant, s’indigne Schopenhauer : « Il faut vraiment être bouché pour méconnaître cette vérité que dans l'homme comme dans l’animal, l'essentiel est identique. Ce qui les distingue n’est pas le plus important, c’est-à-dire la volonté de l'individu, mais un élément secondaire qui se situe dans la capacité de connaître. Chez l'homme, cette capacité de connaître que l'on nomme Raison s'élève incomparablement plus haut que chez l’animal. Mais la supériorité de l’homme à cet égard ne tient qu'au développement plus ample de son cerveau. Pour le reste, l'homme et l'animal sont identiques. Faut-il donc rappeler aux gardiens de zoo comme aux adorateurs de la Raison que, si leur mère les a allaités, les chiens aussi ont eu une mère pour les nourrir ! »

Et notre philosophe de conclure : « Or, entre la pitié envers les bêtes et la bonté d'âme il y a un lien bien étroit: on peut dire sans hésiter que, quand un individu est méchant pour les bêtes, il ne saurait être homme de bien. »

Qu’ajouter de plus ? Schopenhauer s’inscrit  parfaitement dans la responsabilité de l’espèce humaine quant à la protection de la nature et partant, de celle des espèces animales.

 

Dans « Fondement de la morale », traduction d'Auguste Burdeau [1879], Le Livre de poche, 1991, p.96-98; 191 ; 194 sqq.

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