Les scénarii syriens de l'Apocalypse
20 Août 2012 Publié dans #ACTUALITÉ
À Alep et ailleurs en Syrie les combats continuent. J’ai consacré, du 20 juillet au 1er aout, quatre articles centrés sur la persécution et la prise de pouvoir des Alaouites. Cet article décrit les trois scénarii possibles de l’évolution du conflit syrien.
L’issue la moins probable serait que le régime d’Assad réussisse à mater la rébellion. Sans l’intervention des Etats-Unis, de l’Arabie Saoudite, de la Turquie et des Européens, ce scénario aurait au contraire été le plus probable. Mais la famille Assad n’a jamais exercé une autorité incontestable, car son pouvoir est fondé sur une coalition entre ses partisans alaouites, les chrétiens et d’autres minorités religieuses ou ethniques, comme les Druzes.
Ce « gouvernement des minorités » s’était donné pour tâche de contrôler les Arabes sunnites, qui sont majoritaires dans le pays. Mais la décision de l’Arabie saoudite et de la Turquie, appuyée par les Etats-Unis, d’armer et de financer les sunnites a probablement rendu intenable la position d’un régime dirigé par les Alaouites.
Un scenario plus probable est que l’Armée syrienne libre parvienne finalement à chasser Assad, au moins en ce qui concerne certaines régions. Il y a fort peu de chances que s’instaure ensuite un système politique démocratique. Les profonds clivages religieux et ethniques qui façonnent la Syrie ne le permettront probablement pas. De plus, on constate que les éléments islamistes extrémistes commencent à s’imposer au sein de la rébellion, notamment parce que les unités rebelles adoptent des pratiques qui rappellent celles d’Al-Qaïda. Cela n’est pas si étonnant, puisque le régime théocratique d’Arabie Saoudite a une forte influence sur l’opposition syrienne. Si les insurgés parviennent à prendre le contrôle de la majeure partie du pays et à le conserver, la Syrie de l’après Assad sera sans doute dotée d’un régime islamiste et autoritaire.
Le scenario le plus probable reste cependant que la Syrie finisse par éclater en plusieurs Etats autour de critères confessionnels et ethniques, à la manière de la Yougoslavie où se juxtaposent la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Kosovo, la Macédoine et le Monténégro, pas moins de sept États indépendants !
L’armée d’Assad, dominée par les Alaouites, est apparemment en train d’essayer d’établir une zone refuge pour les Alaouites et les chrétiens dans l’ouest du pays. Sauf intervention massive de la Turquie, des Etats-Unis et de leurs alliés européens, le régime d’Assad garde les moyens d’établir une telle entité. Ce sera la première étape du démantèlement de la Syrie. Les Kurdes syriens ont déjà mis en place des postes de contrôle dans le Nord-Ouest de la Syrie, où ils sont majoritaires et où ils cherchent à former un Etat kurde quasiment indépendant, à l’image de la région kurde d’Irak.
D’ores et déjà, la Syrie est devenue un pion dans la lutte d’influence qui oppose l’Arabie Saoudite, la Turquie, les USA appuyée par l’Union Européenne d’un côté, l’Iran et la Russie d’autre part. À moins de prendre ses diplomates pour de doux rêveurs qui croient à l’instauration naturelle de la démocratie de la paix et de la liberté une fois les méchants tyrans chassés, comme le furent Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi, le fait que les USA se prêtent à une déstabilisation aussi dangereuse de la région est révélateur de leurs calculs machiavéliques pour s’assurer du contrôle du Moyen Orient en s’appuyant sur les sunnites, même les plus extrémistes.
Il est révélateur aussi que l’Europe suive béatement la politique des alliés américains et saoudiens, au nom des Droits de l’Homme, comme si ces derniers devaient progresser avec les développements actuels et futurs de cette tragédie…