Plutôt périr qu'avouer son erreur!
En relisant mes blogs, il m’a semblé intéressant de faire le point sur la situation économique du monde, de l’Europe et de la France, en cette fin d’année 2010.
Le 18 janvier 2010, dans un article intitulé « la mondialisation ou la vie », je pronostiquais que la mondialisation était en train de s'achever à l'instant où chacun s'accordait à célébrer son triomphe. Je maintiens ce diagnostic au moment où les dettes publiques des États européens, américains et japonais atteignent des sommets. Il faudra bien retrouver des situations équilibrées, soit par la mondialisation, soit contre la mondialisation. La lutte commence entre les bénéficiaires et les perdants du libre-échange.
Le 31 janvier, dans « Regardez les Grecs ! », je prévoyais, sans aucun mérite, la dégringolade grecque. Tandis qu’à Davos, Monsieur Papandréou jouait l’homme sûr de son fait, je notais que le Premier Ministre se trouvait dans l’obligation, s’il voulait répondre à la demande du marché, d’imposer des mesures drastiques de réduction de la consommation à sa population. En janvier, je n’y croyais pas mais c’est pourtant ce qu’il a fait. La même pièce s’est jouée en Irlande, il y a quelques semaines. Cependant, la fin de l’histoire n’est pas connue, ni pour les Grecs ni pour les Irlandais: résignation de la population ou renversement des gouvernements, retour progressif à l’équilibre ou dérive incontrôlable vers la récession ? la suite en 2011, demain.
Face à celui que j’ai appelé un « imbécile utile » Joseph E Stigler, je présentais dans mon blog du 21 février quelques éléments de la pensée de Maurice Allais, Prix Nobel d’Économie en 1988, décédé le 11 octobre dernier dans un silence de cathédrale. C’est que Maurice Allais a été un des rares à prédire la crise financière dite des subprimes, notant que « l'économie mondiale tout entière repose aujourd'hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile. Jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s'était constatée. Jamais sans doute, il n'est devenu plus difficile d'y faire face. Jamais sans doute une telle instabilité potentielle n'était apparue avec une telle menace d'un effondrement général. »
Pour y faire face justement, Maurice Allais, qui observe que la cause fondamentale du chômage dans les pays développés provient de la libéralisation totale du commerce, recommandait la création d’ensembles régionaux homogènes, ce qui remettait en cause les principes sacro-saints de la mondialisation. C’est pourquoi on ne l’a pas écouté et on ne l’écoutera pas jusqu’au moment où les faits lui donneront raison, ce qui ne tardera guère à mon avis. En attendant, c’est toujours mal vu d’avoir raison trop tôt…
Un mois plus tard, dans mon blog du 21 mars, je revenais sur la politique des gouvernements grecs qui ont généré des déficits désormais non-finançables, sauf à pratiquer une violente cure d’austérité qui aurait pour effet la récession, le chômage et les émeutes. Or cette situation est aussi celle de l’État français. Comment pourra t-il réduire son déficit qui est si monstrueux que seule la moitié de ses dépenses est financée par l’impôt[1] ? Je pronostiquais que, pour le gouvernement grec, cela se terminerait par sa chute et son renoncement. Je maintiens ce pronostic et je l’applique aussi à la République Française tout entière menacée par le trou abyssal qu’elle a creusé depuis trente ans.
À partir du 5 mai, dans une série de six articles intitulés « Notre avenir », je dénonçai les mensonges relatifs à la crise des déficits publics, crise qui est devenu celle de l’Euro. On ose encore nous raconter aujourd’hui que la rigueur est la solution et que la zone Euro est indestructible. Pour ma part, je pensais alors que l’inflation était la solution logique parce que la moins douloureuse. Je n’en suis plus si sûr désormais parce que cette solution, qui est la moins mauvaise économiquement, est politiquement inapplicable dans la mesure où elle obligerait les dirigeants à reconnaître leur erreur. Je crois qu’ils préféreront la déroute politique et la politique du pire en matière économique plutôt que de manger leur chapeau.
En cette fin d’année 2010, je maintiens mon pronostic sur le bouleversement économique et finalement politique à venir, puisque les hommes au pouvoir refusent d’assumer leurs erreurs.
Sans analyser en détail la situation d’États comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal ou l’Espagne, observons qu’un État comme la France est dans l’incapacité de revenir à l’équilibre budgétaire qu’il a abandonné, il y a trois décennies. En conséquence, il faudra bien trouver une solution économique pour y parvenir, mais ce retour à l’équilibre nécessitera un changement politique radical.
L’année 2011 s’annonce donc chargée d’événements, qui ne seront inattendus que pour ceux qui se contentent de regarder l’avenir dans leur rétroviseur.
[1] Si vous jetiez un coup d’œil au Projet de Finance pour 2011 adopté par l’Assemblée nationale, vous y verriez les deux chiffres suivants :
- Recettes nettes du Budget général pour 2011 : 201,053 milliards d’Euros.
- Besoin de financement du Budget 2011 (couvert par l’émission de dettes à long et moyen terme) : 189,4 milliards d’Euros.
Comment va t-on faire pour faire disparaître ce besoin de financement : on diminue les dépenses par deux ou on double les impôts ? C’est tellement énorme que tout le monde fait semblant de croire qu’il ne se passera rien. Mais non, cela ne va pas durer !